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13/07/2021 | FRANCE | N°19BX02007

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 juillet 2021, 19BX02007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Niort à lui verser, à titre principal, la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement et, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros au titre d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et d'ordonner une expertise avant dire droit pour leur évaluation.

Par un jugement n° 1601380 du 25 septembr

e 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Niort à lui verser, à titre principal, la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement et, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros au titre d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et d'ordonner une expertise avant dire droit pour leur évaluation.

Par un jugement n° 1601380 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Niort à verser à M. D... la somme de 1 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier de Niort à lui verser en réparation du préjudice subi ;

2°) de porter à la somme de 10 000 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier de Niort ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a justement retenu que la responsabilité du centre hospitalier de Niort est engagée un raison d'un défaut d'information puisque trois stents lui ont été posés sans qu'il n'en soit préalablement averti ;

- c'est à tort que le tribunal a limité à 1 000 euros le montant de son indemnisation, alors que ses préjudices doivent être évalués aux sommes suivantes :

o 5 000 euros au titre de l'atteinte à son intégrité physique du fait d'un orteil droit gonflé pendant deux mois, de difficultés à la marche et de démangeaisons de son cuir chevelu et d'un préjudice esthétique du fait d'une éruption cutanée dans la chevelure ;

o 5 000 euros au titre de son préjudice moral et professionnel en raison notamment de la perte de chance de passer et de réussir le concours de secrétaire administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me C..., conclut à sa mise hors de cause et à ce que les dépens soient mis à la charge du centre hospitalier de Niort.

Il soutient que les conditions d'une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, le centre hospitalier de Niort, représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. D... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 1 000 euros.

Il soutient que :

- le défaut d'information relevé par les premiers juges n'est pas susceptible d'engager sa responsabilité compte tenu de l'urgence absolue qui commandait l'intervention, M. D... étant victime d'un infarctus du myocarde ;

- aucune faute n'a été commise lors de la prise en charge de M. D... ;

- la réalité des préjudices allégués par M. D... n'est pas établie, ni leur lien de causalité avec la prise en charge.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2018, modifiée le 12 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... E...,

- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique,

- et les observations de Me G..., représentant le centre hospitalier de Niort.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été victime d'un malaise le 3 janvier 2016 à la suite duquel il a été conduit par le service mobile d'urgence et de réanimation au centre hospitalier de Niort. Une coronographie a été réalisée en urgence puis une angioplastie de la circonflexe moyenne, de la coronaire droite proximale et de la coronaire droite distale avec implantation de trois stents actifs. Reprochant au centre hospitalier l'implantation de ce matériel sans son accord, M. D... a saisi le centre hospitalier de Niort d'une demande d'indemnisation de ses préjudices qui a été rejetée par une décision du 6 juin 2016. M. D... relève appel du jugement du 25 septembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Poitiers a limité à 1 000 euros le montant qu'il a condamné le centre hospitalier de Niort à lui verser. Cet établissement de santé demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Niort :

2. Aux termes de l'article 16-3 du code civil : " Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. / Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ". Aux termes de l'article L 1111-4 du code de la santé publique, dans sa version applicable en l'espèce : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-36 du même code : " Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. / Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. (...) ".

3. Hors les cas d'urgence ou d'impossibilité de consentir, la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l'intervention.

4. Il est constant que le consentement de M. D... n'a pas été recueilli par le centre hospitalier de Niort avant l'implantation de trois stents actifs au cours de l'intervention réalisée le 3 janvier 2016. Si M. D... soutient que la responsabilité de cet établissement de santé est engagée de ce seul fait, le centre hospitalier expose, sans être contredit par le requérant, que la pose de ces stents étaient urgemment requise par son état de santé puisqu'il présentait un infarctus du myocarde avec oblitération d'une artère coronaire entraînant une hypoxie des tissus puis potentiellement leur nécrose, et impliquait des troubles du rythme cardiaque d'une extrême gravité. L'établissement de santé précise qu'au vu de la persistance de douleurs thoraciques au moment de la prise en charge, de l'existence d'un syndrome coronaire aigu avec sus-décalage persistant du segment ST, de la complication du tableau clinique par un miroir à l'électrocardiogramme et de la présence de lésions tritronculaires, il était indispensable d'intervenir immédiatement pour poser les stents en cause afin de permettre une désoblitération artérielle la plus précoce possible et ainsi, limiter la zone du myocarde en souffrance et prévenir les troubles potentiellement mortels du rythme cardiaque. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que l'urgence commandait la réalisation de l'intervention contestée par M. D..., de sorte que la responsabilité du centre hospitalier de Niort ne saurait être engagée.

5. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Niort est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à la demande d'indemnisation de M. D.... Il y a lieu, par suite, de rejeter tant la demande présentée devant ce tribunal par M. D... que la requête d'appel dont il a saisi la cour.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Poitiers ainsi que sa requête d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., au centre hospitalier de Niort, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme A... E..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2021.

La rapporteure,

Kolia E...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX02007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02007
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute. Information et consentement du malade.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-13;19bx02007 ?
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