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13/07/2021 | FRANCE | N°19BX00293

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 juillet 2021, 19BX00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il attribue à un déroulement de carrière anormalement ralenti et à un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1605915 du 22 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2019 et un mémoire enregistré

le 14

décembre 2020, M. H..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il attribue à un déroulement de carrière anormalement ralenti et à un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1605915 du 22 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2019 et un mémoire enregistré

le 14 décembre 2020, M. H..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 2 janvier 2008 ;

3°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 150 000 euros

avec intérêts au taux légal à compter du mois de janvier 2008 et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 3 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé car il n'a pas pris en compte l'ensemble de ses moyens, en particulier de son mémoire en réplique par lequel il s'opposait aux affirmations du mémoire en défense ;

- le jugement " est affecté d'une motivation qui est allée à certains égards au-delà

de ce qui ressortait des échanges entre les parties " ;

- le jugement n'a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance et la prescription opposée en défense :

- dans son " recours préalable et gracieux " du 7 janvier 2008, il a fait état d'une demande explicite d'indemnisation de son préjudice de carrière et de son préjudice moral par une révision de sa carrière ;

- la forclusion tirée des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ne peut lui être opposée dès lors notamment que les décisions expresses de rejet ne mentionnaient pas les voies et délais de recours ;

- ses demandes des 28 août 2008 et 23 août 2012 à la ministre de la santé ont interrompu la prescription quadriennale ;

En ce qui concerne le harcèlement moral et le préjudice de carrière :

- alors qu'il avait été engagé au poste de responsable réseau des hôpitaux de Toulouse avec l'encadrement de 6 personnes, il a été affecté au sein de l'équipe gestion des malades à la direction des services informatiques sans encadrement, dans un local d'une superficie non réglementaire de 8,55 m² ;

- son déroulement de carrière a été anormalement ralenti dès lors qu'après 20 ans de carrière, il conservait en 2008 le grade d'analyste-programmeur alors que tous ses collègues avaient été promus ; certes, la causticité du requérant, son refus de se plier à l'application détournée de règles pourtant claires, et sa volonté de le faire savoir à sa hiérarchie expliquent

l'ostracisme dont il a été victime, mais ne sauraient en aucun cas le légitimer ;

- sa " rétrogradation implicite " en 1992 du poste de responsable réseau à celui de " support technique des micro-ordinateurs de type PC ", le retrait de toute fonction d'encadrement, l'affectation constante d'une note dérisoire et le refus de toute promotion ont constitué des sanctions disciplinaires déguisées ;

- il a fait l'objet d'attitudes et de propos vexatoires, de dénigrement, de pressions psychologiques voire de menaces, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquiès

de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il pouvait prétendre à une promotion au grade d'analyste dès 1999 et à celui de chef

de projet dès 2002, de sorte que ses échecs successifs aux concours d'analyste en 2004 et de chef de projet en 2007, 2008 et 2010 caractérisent une volonté de l'employeur de nuire à sa carrière ;

- il a bien contesté ses notations 2002, 2003 et 2009 ;

- lorsqu'il s'est plaint le 16 juin 2003 d'être victime d'un harcèlement moral ayant eu pour cadre la salle des machines informatiques en 2001 et 2002, il a appris par la suite qu'aucune suite n'avait été donnée après l'audition de la personne qu'il avait dénoncée ;

- alors que ses capacités professionnelles et techniques n'ont jamais été mises en cause, il n'a pas bénéficié d'une carrière équivalente à celle de ses collègues placés dans la même situation statutaire ;

- le témoignage du chef de projet qui a été son supérieur hiérarchique établit que son chef de service a déclaré en 2003 qu'il s'opposerait désormais à toute augmentation de note

et à toute promotion le concernant ;

- le blocage de sa carrière s'est matérialisé par un isolement professionnel car il est resté à partir de 2007 seul gestionnaire de l'application Geide, exerçant ainsi les fonctions de chef de projet sans bénéficier du grade correspondant ;

- le comportement fautif du CHU de Toulouse l'a privé de promotions

et d'avancements ; son préjudice de carrière peut être évalué à 100 000 euros ;

- les agissements discriminatoires et malintentionnés qu'il a subis sont constitutifs

de harcèlement moral ; il sollicite à ce titre une somme de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, le CHU de Toulouse, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre

à la charge de M. H... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la créance de M. H... était atteinte par la prescription quadriennale lorsqu'il

a présenté la réclamation du 7 janvier 2008 dont il se prévaut ; au demeurant, le courrier

du 7 janvier 2008 ne sollicite pas une indemnisation, mais une reconstitution de carrière depuis le recrutement en 1987 ;

- si M. H... revendique le bénéfice des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative applicable à la date de la saisine du tribunal, selon lesquelles la forclusion n'est pas opposable en cas de décision implicite de rejet, son courrier du 7 janvier 2008 était identique à celui du 13 septembre 2005, lequel a donné lieu à une décision expresse de rejet par lettre du 23 novembre 2005, et une nouvelle demande du 27 juin 2006 a également fait l'objet d'une décision expresse de rejet du 10 octobre 2006 ; ainsi, la demande de première instance était irrecevable ;

- les moyens invoqués par M. H... ne sont pas fondés.

Par lettre du 22 juin 2021, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité pour tardiveté de la demande de première instance d'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite de promouvoir M. H... : l'obligation d'envoyer

un accusé de réception avec mention des voies et délais de recours, prévue à l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur, ne s'appliquait pas aux demandes des agents publics

en vertu de l'article 18 de la même loi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure public,

- et les observations de Me F..., représentant le centre hospitalier universitaire

de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., recruté le 1er décembre 1987 par le CHU de Toulouse en qualité d'analyste-programmeur du statut local créé par délibération du conseil d'administration de cet établissement du 22 novembre 1976, a été promu à l'échelon exceptionnel de ce grade le 1er juin 2008 et admis à la retraite pour limite d'âge à compter du 17 juin 2011.

Le 31 décembre 2016, il a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande

de condamnation du CHU de Toulouse à lui verser une indemnité d'un montant total

de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait d'un déroulement de carrière anormalement ralenti et d'un harcèlement moral, en se prévalant d'une décision implicite de rejet d'un " recours hiérarchique et préalable en date du 2 janvier 2008 ", dont la version reçue par l'administration le 10 janvier 2008 est en réalité datée du 7 janvier. Le CHU de Toulouse a opposé des fins de non-recevoir tirées de ce que cette demande ne portait sur pas une indemnisation mais sollicitait une reconstitution de carrière, et de ce que son rejet avait un caractère confirmatif, et a opposé en outre l'exception de prescription quadriennale. M. H... relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande au fond sans se prononcer sur ces fins de non-recevoir.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en vigueur en 2008 : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / (...). " Toutefois, en vertu de l'article 18 de cette loi, les dispositions de l'article 19 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.

3. La demande de promotion reçue par l'administration le 10 janvier 2008 a fait naître une décision implicite de rejet le 10 mars suivant. M. H... étant un agent de l'administration, le délai de recours de deux mois fixé par les dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative lui était applicable même en l'absence d'accusé de réception. Par suite, la demande d'annulation du refus de promotion présentée le 31 janvier 2016 devant le tribunal était irrecevable pour tardiveté.

Sur la régularité du jugement :

4. Le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M. H.... Dès lors que le requérant ne précise ni à quels moyens il n'aurait pas été répondu, ni en quoi la motivation du jugement serait " allée à certains égards au-delà de ce qui ressortait des échanges entre les parties ", les irrégularités qu'il invoque ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué, dont

une ampliation a été notifiée aux parties, est signée par Mme Fabien, présidente de la formation de jugement, Mme Caste, rapporteure et Mme C..., greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

Sur le bien-fondé des demandes indemnitaires :

6. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, ces créances : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / (...). "

7. Il résulte de l'instruction que par une décision du 10 octobre 2006, le directeur

du CHU de Toulouse a rejeté la demande de M. H..., reçue le 4 juillet 2006, tendant

à l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait d'une absence de promotion

au grade de chef de projet et d'un harcèlement moral caractérisé par divers faits qualifiés

de " sanctions déguisées ". Si la prescription de la créance dont se prévaut M. H...

a été interrompue par sa réclamation du 7 janvier 2008 sollicitant une indemnisation sur la base d'une promotion rétroactive au grade de chef de projet à compter du 1er janvier 1992 avec application des intérêts légaux et réajustement des primes annuelles, elle a été acquise

le 1er janvier 2013 dès lors que le courrier du 23 août 2012 adressé par l'intéressé à la ministre

de la santé ne comporte aucune demande ou réclamation au sens des dispositions citées au

point 6. Par suite, lorsque M. H... a saisi le tribunal le 31 décembre 2016, la créance dont il se prévaut au titre d'un préjudice de carrière et d'un harcèlement moral était prescrite.

8. A supposer que M. H..., dont le recours contentieux est expressément fondé sur le rejet implicite de sa réclamation du 7 janvier 2008, entende invoquer des préjudices subis postérieurement à cette date et jusqu'à son admission à la retraite à compter du 17 juin 2011, leur existence n'est pas établie dès lors que l'intéressé a été promu à l'échelon exceptionnel de son grade à compter du 17 juin 2008 et qu'aucun fait de harcèlement moral relatif à la période en cause n'est invoqué.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions indemnitaires, que M. H... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. M. H... étant la partie perdante, sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. Dans les circonstances de l'espèce, il y n'a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CHU de Toulouse à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne B..., présidente-assesseure,

Mme A... E..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00293
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968.

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers - Personnel administratif.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-13;19bx00293 ?
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