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12/07/2021 | FRANCE | N°20BX02613

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 juillet 2021, 20BX02613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2002940 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er juillet 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 juillet

2021.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il a méconnu les dispositions...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2002940 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er juillet 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 juillet 2021.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il a méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de M. H....

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2021, M. H..., représenté par Me K..., demande à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordée et conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet date de plus d'un an et que son éloignement ne demeurait pas une perspective raisonnable à la date de l'arrêté en litige ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait dès lors que sa nationalité est inconnue ;

- il porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir.

M. H... bénéficie de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... A..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... a fait l'objet le 26 novembre 2018 d'une décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 1er juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne l'a assigné à résidence sur la commune de Toulouse dans la limite de 45 jours, renouvelable une fois. M. H... a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 2002940 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er juillet 2020. Le préfet de la Haute-Garonne interjette appel de ce jugement.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. H... conserve de plein droit le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle devant la cour est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / 6° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire ; (...) ".

4. D'une part, le préfet de la Haute-Garonne fait valoir en appel que M. H... n'est pas apatride. Il produit la décision du 25 juillet 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande de M. H... tendant à ce que lui soit reconnu le statut d'apatride au motif qu'il n'apportait pas la preuve qu'il répondait à la définition de ce statut prévu à l'article 1er paragraphe 1er de la convention de New York du 28 septembre 1984. Si M. H... soutient que sa nationalité est inconnue, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est présenté le 19 septembre 2018 devant les services de la police aux frontières comme étant de nationalité serbe. En outre, son dossier à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides mentionne qu'il est de nationalité serbe. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne pouvait considérer que l'éloignement de M. H... demeurait, au regard de sa nationalité, une perspective raisonnable.

5. D'autre part, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. Le préfet de la Haute-Garonne demandait en première instance une substitution de base légale en soutenant que l'arrêté en litige pouvait légalement être fondé sur les dispositions du 6° de l'article L. 561-2 du code précité. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français dont a fait M. H... le 26 novembre 2018 étant assortie d'une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans, l'intéressé se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 6° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 5° du même article, le préfet pouvait décider qu'il serait assigné à résidence. La substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. H... d'une garantie conférée par les dispositions sur lesquelles était initialement fondé l'arrêté en litige. Les dispositions du 6° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conféraient au préfet de la Haute-Garonne un pouvoir d'appréciation identique à celui conféré par les dispositions du 5° du même article.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté en litige.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. H... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2020 :

8. Par un arrêté du 27 mai 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme J... B..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration et signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer les arrêtés d'assignation à résidence pris en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'absence ou d'empêchement de Mme I... G..., directrice des migrations et de l'intégration. Le requérant n'établit pas que Mme G... n'a pas été absente ou empêchée à la date du 1er juillet 2020. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) de manière générale constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énonciation des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

10. L'arrêté en litige vise l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise depuis moins d'un an et que son éloignement demeure une perspective raisonnable même si la mesure ne peut être exécutée d'office immédiatement car il est nécessaire d'obtenir un laisser passer consulaire et il n'existe pas de moyens d'acheminement pour procéder sans délai à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

12. Eu égard notamment aux modalités de pointage deux fois par semaine au commissariat central de Toulouse, l'atteinte ainsi portée au respect du droit de M. H... à sa liberté d'aller et venir ne peut être regardée comme présentant un caractère disproportionné au regard des buts en vue desquels l'acte contesté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte excessive à la liberté d'aller et venir doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens de M. H... doivent être écartés et que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 1er juillet 2020.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. H... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de la Toulouse est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. D... A..., président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme F... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2021.

La présidente-assesseure,

Fabienne ZUCCARELLOLe président-rapporteur,

Didier A...

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02613
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MOMASSO MOMASSO JOCELYN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-12;20bx02613 ?
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