La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2021 | FRANCE | N°19BX01039

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 juillet 2021, 19BX01039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la prime de redéploiement des compétences (PRC) à hauteur d'un montant de 14 000 euros.

Par un jugement n°1702574 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 mars 2019 et

le 22 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la prime de redéploiement des compétences (PRC) à hauteur d'un montant de 14 000 euros.

Par un jugement n°1702574 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 mars 2019 et le 22 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 janvier 2019 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. D... devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, de réduire sa condamnation en la portant de 14 000 euros à la somme de 7 000 euros.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit, pour avoir considéré que M. D... remplissait les conditions d'éligibilité au bénéfice de la prime de redéploiement des compétences en méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 21 octobre 2014 ; en effet, la mutation de M. D... du service de la navigation aérienne du Havre et du bureau régional d'information et d'assistance au vol (BRIA) de Nantes, où il était temporairement affecté, au service de la navigation aérienne grand sud-ouest à Mérignac trouve sa cause, non pas dans des opérations de restructuration de son service d'origine, mais dans son inaptitude médicale au contrôle de la navigation aérienne, constatée à titre définitif par le comité médical le 10 décembre 2015 ; son affectation au service de la navigation aérienne de Mérignac, à compter du 30 mai 2016, est intervenue à la demande de l'intéressé, conformément au choix qu'il avait exprimé dans un courriel du 24 mars 2016 ;

- l'article 5 du décret du 21 octobre 2014 exclut le bénéfice de la prime de redéploiement des compétences pour un agent qui a sollicité sa mutation ;

- à titre subsidiaire, à supposer que M. D... doive être regardé comme remplissant les conditions pour bénéficier de la prime de redéploiement des compétences, il ne serait en droit de percevoir que la somme de 7 000 euros, l'allongement de son trajet aller-retour entre sa résidence familiale et son nouveau lieu de travail étant compris entre 40 et 60 kilomètres, conformément à l'article 1er 2° b) de l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les conditions de modulation de la prime de redéploiement des compétences, en l'absence de changement de résidence familiale ;

- la demande présentée en appel par M. D... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 14 000 euros est sans objet, dès lors que le jugement attaqué a été exécuté.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet 2019 et le 15 avril 2021, M. D..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 ;

- l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les opérations de restructuration de service au sein de la direction générale de l'aviation civile ouvrant droit à la prime de redéploiement des compétences instituée par le décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 ;

- l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les conditions de modulation de la prime de redéploiement des compétences instituée par le décret n°2014-1222 du 21 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., technicien supérieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile, était affecté au service de la navigation aérienne pour la région ouest comme contrôleur aérien à l'aérodrome du Havre depuis le 28 septembre 2011. Le comité médical l'a déclaré temporairement inapte à l'exercice des fonctions de contrôleur aérien, le 14 novembre 2013, puis définitivement le 10 décembre 2015. Il a été affecté temporairement au bureau régional d'information et d'assistance au vol de Nantes sur un poste adapté à son état de santé à compter du 14 novembre 2013 jusqu'au 29 mai 2016, avant d'être muté au bureau régional d'information et d'assistance au vol de Mérignac. Le 28 septembre 2016, M. D... a demandé le bénéfice de la prime de redéploiement des compétences du fait de sa mutation à Mérignac. Cette demande a été rejetée par une décision du 3 janvier 2017 du chef du département de la gestion des corps techniques de la navigation aérienne de la direction générale de l'aviation civile. M. D... a formé, le 26 février 2017, un recours hiérarchique contre cette décision. Ce recours a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement en date du 28 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. D... une somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences.

2. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 21 octobre 2014 instituant une prime de redéploiement des compétences et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint au sein de la direction générale de l'aviation civile : " En cas de restructuration d'un service relevant de la direction générale de l'aviation civile ou de l'Ecole nationale de l'aviation civile, une prime de redéploiement des compétences peut être versée aux fonctionnaires, aux agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée (...) ". Selon l'article 2 de ce décret, la prime de redéploiement des compétences peut être attribuée aux agents mutés ou déplacés dans le cadre de la restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. L'article 5 de ce décret précise, enfin, que les mutations prononcées par l'administration sur demande des fonctionnaires n'ouvrent pas droit à la prime de redéploiement des compétences.

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les opérations qui sont mentionnées par l'arrêté du 16 décembre 2014 prévu par l'article 1er précité du décret du 21 octobre 2014 ouvrent droit à la prime de redéploiement des compétences. La prime de redéploiement des compétences est ainsi attribuée aux agents qui font l'objet d'une mutation ou d'un déplacement dans le cadre d'une opération de restructuration y ouvrant droit, sous réserve, dans l'hypothèse où ils ont formulé une demande, que celle-ci soit intervenue alors que l'opération de restructuration était déjà prévue par arrêté ministériel.

4. Par un arrêté du 16 décembre 2014 fixant les opérations de restructuration de service au sein de la direction générale de l'aviation civile ouvrant droit à la prime de redéploiement des compétences, pris sur le fondement du décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 instituant une prime de redéploiement des compétences et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint au sein de la direction générale de l'aviation civile, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a inclu l'aérodrome du Havre et le bureau régional d'information et d'assistance au vol de Nantes parmi les opérations de restructuration de service ouvrant droit à la prime de redéploiement des compétences. Le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en se fondant, pour condamner l'Etat à verser à M. D... une somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences, sur le fait que la mutation de l'intéressé au bureau régional d'information et d'assistance au vol de Mérignac était motivée par la fermeture programmée de l'aérodrome du Havre et du bureau régional d'information et d'assistance au vol de Nantes, intervenue respectivement le 29 février 2016 et le 1er février 2017, alors qu'elle intervenait à sa demande, après avoir été déclaré définitivement inapte à ses fonctions de contrôleur aérien.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction, et en particulier des courriers du 12 janvier et du 3 février 2016 émanant du chef du département de la gestion des corps techniques de la navigation aérienne, ainsi que des nombreux mails échangés entre M. D... et ce département, que l'administration l'a informé de la nécessité pour lui de changer d'affectation géographique, et les trois propositions de lieux d'affectation qui lui ont alors été faites étaient postérieures à l'arrêté susvisé du 16 décembre 2014 soumettant à restructuration l'aérodrome du Havre, comme le bureau régional d'information et d'assistance au vol de Nantes, au sein desquels l'intéressé avait travaillé. Dans ces conditions, la mutation en cause, qui ne peut être analysée comme intervenue à l'initiative de l'agent au sens de l'article 5 du décret précité du 21 octobre 2014, alors même que la décision prise par l'administration répondait au souhait formulé, était motivée par la fermeture programmée des deux sites du Havre et de Nantes. Dès lors, et ainsi qu'en a jugé à juste titre le tribunal administratif, la mutation en cause ouvrait droit au versement de la prime de redéploiement des compétences prévue par l'article 1er précité du décret du 21 octobre 2014 instituant une prime de redéploiement des compétences et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint au sein de la direction générale de l'aviation civile. Par suite, le moyen tiré par le ministre de la transition écologique et solidaire de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'erreur de droit liée à la méconnaissance des dispositions du décret du 21 octobre 2014 doit être écarté.

6. Aux termes des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les conditions de modulation de la prime de redéploiement des compétences instituée par le décret n°2014-1222 du 21 octobre 2014 : " Les montants de la prime de redéploiement instituée par le décret n° 2014-1222 du 21 octobre 2014 (...) sont fixés ainsi qu'il suit : 2° En cas de changement du lieu de travail de l'agent, sans changement de résidence familiale sous réserve que le trajet aller-retour entre la résidence familiale initiale et le nouveau lieu de travail soit allongé d'une distance " b) égale ou supérieure à quarante kilomètres et inférieure à soixante kilomètres : 7 000 euros ; c) si cette distance est égale ou supérieure à soixante kilomètres : célibataire sans enfant à charge : 14 000 € (...) ".

7. Le ministre de la transition écologique et solidaire soutient en appel, et à titre subsidiaire, que la modulation de la prime de redéploiement des compétences relèverait du b) 2° de l'article 1er de l'arrêté du 16 décembre 2014 fixant les conditions de modulation de la prime de redéploiement des compétences, de sorte que la somme mise à la charge de l'Etat ne pourrait excéder un montant de 7 000 euros, et se prévaut, à cet effet, de la note de la direction générale de l'aviation civile du 24 mars 2015 par laquelle l'administration a entendu préciser que la distance à prendre en considération pour l'octroi de la prime de redéploiement des compétences est la distance kilométrique mesurée d'après l'itinéraire le plus court. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'allongement de trajet aller-retour entre la résidence familiale de M. D... située à Soulaines-sur-Aubance et son lieu de travail, induit par sa mutation à Mérignac, étant supérieur de soixante kilomètres, la prime de redéploiement des compétences de M. D..., qui relève du c) du 2° de l'article 1er de l'arrêté du 16 décembre 2014, s'élève à 14 000 euros. La circonstance alléguée par le ministre que le formulaire de demande d'attribution de la prime rempli par l'intéressé ait indiqué à tort comme précédent lieu de travail Le Havre et non pas Nantes, est sans influence sur le droit de M. D... au bénéfice de la prime de redéploiement pour un montant de 14 000 euros, dès lors qu'avant d'être muté au bureau régional d'information et d'assistance au vol de Mérignac, M. D... exerçait ses fonctions au bureau régional d'information et d'assistance au vol de Nantes.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. D... la somme de 14 000 euros au titre de la prime de redéploiement des compétences.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme A... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 12 juillet 2021.

La rapporteure,

Agnès B...

Le président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

2

N° 19BX01039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01039
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MANDICAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-12;19bx01039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award