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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX00687

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 juillet 2021, 21BX00687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1905914 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2021, M. C..., représe

nté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1905914 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2021, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- le refus de séjour attaqué méconnait les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2021, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant .

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant marocain, est entré en France en 1977 à l'âge de six ans selon ses déclarations. Le 26 août 2010, il a sollicité son admission au séjour auprès du préfet de la Haute-Garonne. Par un arrêté du 6 juin 2011, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse et la cour, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande. Le 31 juillet 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " auprès du préfet du Tarn. Par un arrêté du 13 septembre 2019, le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. C... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ces indications, qui ont permis à M. C... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....

Sur le refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français. Ainsi, la production d'un visa de long séjour délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Si ces dispositions impliquent que l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 dudit code, procède à l'instruction de la demande implicite de délivrance d'un visa de long séjour en application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, il résulte de ces mêmes dispositions que le préfet n'est compétent pour délivrer un visa de long séjour que lorsque toutes les conditions qu'elles prévoient sont remplies, notamment celle d'une entrée régulière en France du demandeur.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité l'admission au séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du 4° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une telle demande de titre de séjour valait implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 21121 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande de visa sur laquelle le préfet du Tarn s'est prononcé en précisant que " M. C... n'est pas en mesure de justifier irréfutablement d'une entrée régulière sur le territoire français ". En se bornant à soutenir qu'il est entré en France en 1977 sous couvert de la procédure de regroupement familial et qu'il y a toujours vécu depuis lors, sans apporter d'éléments au soutien de ses allégations, M. C... ne justifie pas d'une entrée régulière en France. Il n'établit pas davantage avoir bénéficié d'un titre de séjour préalablement à la demande présentée le 31 juillet 2019. Il résulte du sixième alinéa de l'article L. 21121 que seuls les étrangers entrés régulièrement en France sont admis à présenter une demande de visa de long séjour à l'autorité préfectorale dans les conditions que cet article prévoit. Ainsi, le préfet du Tarn a pu lui opposer son entrée irrégulière en France pour refuser de lui faire bénéficier des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il était marié à une ressortissante de nationalité française, qu'il ne vit pas en état de polygamie et que la communauté de vie entre lui et son épouse, qui a conservé la nationalité française, n'a pas cessé depuis le mariage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... se prévaut d'une entrée en France en 1977 et d'une présence continue sur le territoire depuis lors, il ne l'établit pas par la seule production de certificats de scolarité pour les années 1977-1978, 1978-1979 et 1989/1990 et d'une attestation de son frère déclarant que l'intéressé a toujours vécu en France. De plus, à supposer que M. C... résiderait effectivement en France depuis 1977, il n'a jamais cherché à régulariser sa situation avant 2010, date de sa première demande de titre de séjour. En outre, s'il est constant que l'intéressé est père de trois enfants de nationalité française nés respectivement en 1995, 2000 et 2013, les deux ainés sont majeurs et M. C... ne soutient ni même n'allègue avoir participé à leur éducation et à leur entretien. De plus, il n'a reconnu son fils né en 2013 qu'en 2017 et n'établit contribuer à son entretien et à son éducation que depuis janvier 2019, date à laquelle il s'est marié avec la mère de cet enfant et avec laquelle il partage une communauté de vie depuis lors. La circonstance qu'un quatrième enfant est né postérieurement à l'arrêté en litige et que son épouse serait actuellement enceinte de leur troisième enfant est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Si le frère de l'intéressé a obtenu la nationalité française, cette circonstance n'est pas de nature à lui donner un droit au séjour. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet de multiples condamnations à des peines d'emprisonnement de quatre mois à trois ans entre 1995 et 2007 et il n'est pas contesté qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Castres le 21 août 2017 à une peine de 8 mois d'emprisonnement dont 5 avec sursis et au paiement de la somme de 200 euros au titre du préjudice moral pour des faits de tentative d'obtention frauduleuse de documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, recel de biens provenant d'un vol, contrefaçon ou falsification de chèque, usage de chèque contrefait ou falsifié. Ainsi, eu égard au caractère très récent de son mariage, et de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son plus jeune fils et compte tenu de son comportement qui ne caractérise pas une intégration particulière dans la société française, la décision de refus de titre de séjour contestée ne peut être regardée comme portant au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui a été opposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ce qui concerne les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire. En outre, en admettant même que M. C... doive être regardé comme soutenant qu'il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il remplirait les conditions pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, un tel moyen doit, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E... A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 6 juillet 2021.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00687 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00687
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DIAKA AIME

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx00687 ?
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