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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX00461

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 21BX00461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2002276 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 6 février 2021, Mme A... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2002276 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2021, Mme A... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 29 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer le titre sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

C'est à tort que le tribunal lui a opposé l'évolution de sa situation médicale postérieure à l'avis du collège des médecins sans prendre en compte le protocole et les rendez-vous médicaux venant conforter son état de santé ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFFI) ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français pendant la période de validité de son visa ;

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le protocole thérapeutique mis en place pour traiter son cancer du sein, comprenant une prise en charge multiforme, n'est pas possible au Maroc, et que son état de santé ne lui permet pas de voyager ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle et qu'elle serait privée d'accès aux soins nécessaires en cas de renvoie dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence :

- les décisions sont privées de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elles sont entachées d'erreurs de droit et d'erreurs manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour les raisons précédemment exposées ;

- elles sont entachées d'erreurs manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 2 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2021 à 12h00.

Par une décision n° 2021/005020 du 1er avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme A... E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E..., ressortissante marocaine née en 1965, est entrée sur le territoire français le 23 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Du 29 octobre 2019 au 28 avril 2020, elle a bénéficié d'une carte de séjour en qualité d'étranger malade. Par décision du 29 juin 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler le titre de séjour demandé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a assignée à résidence. Mme A... E... relève appel du jugement du 7 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 juin 2020.

2. En premier lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Charente-Maritime se serait considéré lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime a cru à tort que Mme A... E... était entrée irrégulièrement en France. Cependant, d'une part, le refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade est fondé seulement sur l'accessibilité effective du traitement approprié dans son pays d'origine, et d'autre part, il n'apparaît pas que cet élément ait été pris en compte dans l'appréciation de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, cette erreur est sans incidence sur la légalité de l'arrêté, et le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'Office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Pour refuser à Mme A... E... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 précité, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu le 10 juin 2020 indiquant que, si l'état de santé de Mme A... E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque.

7. La requérante soutient, pour contredire cet avis, que le protocole thérapeutique mis en place pour le traitement de son cancer est encore en cours et comprend une prise en charge multiforme dont elle ne pourra bénéficier au Maroc. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que les traitements par chimiothérapie et radiothérapie proposés s'effectueraient au cours d'une période approximative de six mois et seraient suivis d'un traitement hormonal de plusieurs années. C'est dans ces conditions que Mme A... E... a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade d'une durée de six mois, afin de suivre les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie en France. Le dernier certificat médical produit en appel en date du 20 juillet 2020, indique que depuis le 12 novembre 2019 et pour une durée de cinq ans, Mme A... E... a entamé la phase d'hormonothérapie. Si l'état de santé de Mme A... E... nécessite un traitement de longue durée et un suivi régulier, elle n'apporte cependant pas la preuve qu'elle ne pourrait bénéficier dorénavant d'une prise en charge médicale adaptée dans son pays d'origine. Ainsi, elle ne remet pas utilement en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, ni l'appréciation du préfet de la Charente-Maritime. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... E... est entrée sur le territoire français le 15 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 15 juillet au 8 septembre 2015, à l'âge de 49 ans. Elle ne rapporte cependant, la preuve de sa présence continue sur le territoire français que depuis le 22 janvier 2019, date de son intervention chirurgicale. Si Mme A... E... atteste ne plus avoir ni parents ni soutien au Maroc, elle n'apporte aucune précision quant à ses liens familiaux en France. Par ailleurs, comme précédemment exposé, au jour de la décision portant refus de titre de séjour, Mme A... E..., avait entamé la dernière phase du traitement, consistant en une hormonothérapie, tout en faisant l'objet d'un suivi régulier. Il a été établi que Mme A... E... ne serait pas privée de ces soins en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet, qui a procédé à l'examen de sa situation personnelle, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ont été prises les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

10. Concernant la décision portant assignation à résidence, Mme A... E... ne fait état d'aucune circonstance propre à sa situation qui permettrait d'estimer que la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre avec obligation de se présenter à la brigade territoriale autonome de Saujon tous les mercredis et vendredis à 11 heures et d'y déposer son passeport en échange d'un récépissé, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels a été pris ledit arrêté. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime, qui a procédé à l'examen de sa situation, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... E....

11. Il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre les autres décisions prises dans l'arrêté du 29 juin 2020 doivent, en conséquence, être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... E... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne C... La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX00461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00461
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RABESANDRATANA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx00461 ?
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