Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A..., Mme D... A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 22 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lannepax a approuvé la carte communale et l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel la préfète du Gers a approuvé ladite carte communale.
Par un jugement n° 1800464 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2020, M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler la délibération du 16 novembre 2017 et l'arrêté du 11 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lannepax et de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement irrégulier car, en méconnaissance de l'article R. 613-3 du code de justice administrative, il analyse un mémoire déposé postérieurement à la clôture de l'instruction qui ne leur a pas été communiqué ;
- les membres du conseil municipal de Lannepax n'ont pas été régulièrement convoqués à la séance du conseil municipal du 16 novembre 2017 ; si la délibération mentionne une date de convocation au 11 novembre, il n'est pas permis de s'assurer qu'une convocation écrite indiquant les questions inscrites à l'ordre du jour a bien été remise à l'ensemble des membres du conseil municipal ; il appartient à la commune, qui dispose des éléments matériels de preuve, de démontrer que la procédure de convocation des conseillers municipaux a été conduite de manière régulière notamment avec les éléments d'information nécessaires pour se prononcer sur le projet de carte communale ; si la commune a fait valoir qu'elle aurait envoyé les convocations aux conseillers municipaux par mèl le 10 novembre 2017, il lui appartient de démontrer que les conseillers ont préalablement et individuellement consenti à un tel mode d'envoi des convocations ; au demeurant, le simple envoi par mèl ne permet ni d'avoir une date certaine ni d'établir la bonne réception par les conseillers en l'absence d'accusé de réception et l'absence de convocation régulière prive dans tous les cas les conseillers municipaux d'une garantie même s'ils étaient présents ou représentés lors de la séance et même si la date de la réunion était connue ;
- en méconnaissance de l'article L. 163-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, la commission départementale de préservation des espaces naturel, agricoles et forestiers (CDPENAF) n'a pas été consultée pour avis ; si la commission départementale de consommation des espaces agricoles (CDCEA) a rendu un avis sur le projet le 16 février 2014, elle a été supprimée par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, soit près de trois ans avant la réalisation de l'enquête publique, et remplacée par la CDPENAF à compter du 1er janvier 2016 ; un représentant de l'Institut National de l'Origine et de la Qualité aurait d'ailleurs dû participer - avec voix délibérative - à la réunion de la CDPENAF puisque l'ouverture à l'urbanisation d'une parcelle de vigne au nord-est du village conduirait à la réduction d'une surface affectée à une production bénéficiant d'une AOC ; ces illégalités dans la consultation d'organismes, spécialement compétents en matière de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, ont nécessairement exercé une influence sur le sens des décisions attaquées ; en effet, il est manifeste que la CDPENAF est composée, contrairement à la CDCEA, des professions agricoles et forestières, des chambres d'agricultures et d'organismes nationaux à vocation agricole et rurale, ainsi que des fédérations départementales ou interdépartementales de chasseurs de sorte que le résultat de l'avis de la CDPENAF qui met au centre du débat la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers n'aurait pas été le même ;
- en méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, il ne ressort pas du rapport d'enquête publique que les avis de la Chambre d'Agriculture du Gers et de la CDPENAF aient été régulièrement intégrés au dossier d'enquête publique, soumis aux administrés ; l'absence d'avis de la Chambre d'agriculture a nui à la bonne information du public dès lors que le public n'a pas été informé de la recommandation tenant à la conservation d'une zone boisée afin de réaliser un écran entre la zone constructible et la vigne présente sur la parcelle limitrophe ;
- la création de la zone ZC2 dans le secteur " Au Cavé " est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; cette zone est séparée du village par un espace boisé constituant une trame verte, s'étalant sur les parcelles n° 1237, 1238 et 1240 alors qu'ainsi que le rappelle le rapport de présentation, les trames vertes et leurs corridors ont " une importance considérable en termes de déplacement, de nourrissage, de reproduction ou de repos de la faune sauvage " ; l'urbanisation de cette zone conduirait ainsi à porter atteinte à un milieu naturel et forestier identifié pour ses qualités, et ce, sans aucune justification d'ordre urbanistique ; la création du zonage ZC2 implique la mise en œuvre, préalablement à toute urbanisation d'un défrichement à peu près complet de ces terrains, qui présentent pourtant un intérêt écologique incontestable ; cette zone nécessite une extension du réseau public d'assainissement ; les parcelles sont largement cernées de terres viticoles faisant l'objet d'une exploitation, la commune étant en totalité, comprise dans l'aire d'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC) liée à la production d'Armagnac ; cette zone d'urbanisation aura pour effet d'aggraver l'étalement urbain dans un secteur excentré au détriment des espaces forestiers ; cette zone destinée à l'habitation s'implante non loin des parcelles de la Société MG 32, qui ont été utilisées pour le traitement et le stockage d'amiante ; la commune de Lannepax fait fi de l'objectif de densification imposé par le législateur (loi ALUR) ; cette zone est éloignée des équipements publics ; le classement est en contradiction avec les objectifs du rapport de présentation ; cette zone constructible vient s'insérer entre plusieurs parcelles viticoles protégées par une AOC, créant ainsi des distorsions entre habitat et agriculture là où il n'y en avait aucune, et contribue en outre à une réduction de la surface viticole par l'intégration d'une parcelle de vignes de plus de 2 400 m² ; cette zone ne vient pas se greffer pertinemment sur de l'existant, mais contribue à l'inverse à l'étalement urbain au nord-est de l'enveloppe bâtie du village ; cette zone n'est pas de nature à permettre une protection des espaces naturels et structures végétales ; pour les mêmes motifs, le parti d'aménagement retenu dans la zone ZC2 est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des exigences des articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme ;
- le classement en zone non-constructible de leurs terrains est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; ces terrains sont situés dans le secteur " Aux Granges ", sont enchâssés entre le bourg d'une part, situé immédiatement au nord, et un lotissement existant au sud, d'autre part et font face sur leur limite Ouest à une zone urbanisée accueillant des maisons d'habitation ainsi que le terrain de sport municipal, ce qui respecte l'objectif du rapport de présentation tiré de la nécessité de " ne pas contribuer à la dispersion de l'habitat " ; leur raccordement à l'assainissement collectif ne poserait aucune difficulté ; l'appartenance de ces parcelles à un secteur bâti ne peut que conduire à les regarder comme constituant une " dent creuse " ; les parcelles litigieuses ne comportent aucune végétation notable et sont éloignées des continuités écologiques ;
- le classement de leurs terrains en zone d'assainissement non collectif est illégal ; le projet de modification du zonage d'assainissement et le passage des parcelles contestées en zone constructible n'est pas cohérent dès lors que les délibérations classent la zone ZC1 située " Au Cavé " dans la zone d'assainissement collectif alors qu'elle ne comporte qu'un nombre très réduit d'habitation qui sont en pratique équipées d'un système d'assainissement autonome et que la zone ZC2 est classée urbanisable alors que cela implique d'importants travaux qui ne se justifient pas pour une zone qui n'est pas en continuité immédiate avec le bourg de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2021, et un mémoire en production de pièce enregistré le 7 avril 2021, la commune de Lannepax, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire M. et Mme A..., de la société civile immobilière " Aux Granges " et du groupement foncier agricole Domaine 2G d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 mai 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret du 9 juin 2015 relatif aux commissions départementales et interdépartementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en métropole ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... F...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme A..., la société SCI Aux Granges et le groupement foncier agricole Domaine 2G et de Me H... représentant la commune de Lannepax.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 16 novembre 2017 et un arrêté du 11 janvier 2018, le conseil municipal de Lannepax et la préfète du Gers ont respectivement approuvé la carte communale de la commune. M. et Mme A..., la société SCI Aux Granges et le groupement foncier agricole Domaine 2G relèvent appel du jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) " et aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication sauf réouverture de l'instruction. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser, mais qu'il ne peut la prendre en compte sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Lannepax a adressé au tribunal administratif de Pau un mémoire en défense complémentaire qui a été enregistré par le greffe le 11 juin 2020, date à laquelle l'instruction n'était plus clôturée. Le tribunal qui n'a pas communiqué ce mémoire aux autres parties, l'a visé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal se serait fondé, dans les motifs de son jugement, sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que les demandeurs n'auraient pas eu la possibilité de discuter. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour défaut de communication dudit mémoire.
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la légalité externe des décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Il appartient à la commune, qui est la seule en mesure de le faire, de fournir des éléments permettant d'établir la régularité de la convocation de membres de son conseil municipal.
5. Pour établir que les membres de son conseil municipal ont été régulièrement convoqués, dans les délais impartis, à la séance du 16 novembre 2017 au cours de laquelle a été adoptée la délibération attaquée n° 32-2017, la commune de Lannepax produit les convocations envoyées par mail du 10 novembre 2017 à chacun des 14 membres du conseil municipal, accompagnées de l'ordre du jour en pièce jointe listant toutes les questions abordées lors de cette séance du conseil municipal. Ces éléments présentent un caractère probant. En outre, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que chacun des conseillers municipaux doive consentir individuellement à recevoir une convocation via une messagerie électronique et la circonstance que les conseillers municipaux n'auraient pas accusé réception du mail est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie, la commune n'étant tenue qu'à la convocation des conseillers municipaux. Au surplus, le registre des délibérations du conseil municipal de Lannepax mentionne que la convocation des élus à ce conseil, pour la séance du 16 novembre 2017, a été effectuée le 10 novembre 2017. Enfin, eu égard à ce qui précède, la commune doit être regardée comme ayant joint à la convocation adressée aux conseillers municipaux les éléments d'informations nécessaires pour se prononcer sur le projet de carte communale. Le moyen tiré de de la méconnaissance des règles de procédures susvisées dirigé contre la délibération du 22 décembre 2017 doit donc être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " (...) Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, consultation de la chambre d'agriculture et avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, par le conseil municipal et le préfet. " et aux termes de l'article 2 du décret du 9 juin 2015 relatif aux commissions départementales et interdépartementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en métropole : " I. - Le présent décret entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant celui de sa publication. (...) II. - Les dossiers soumis à la commission départementale ou interdépartementale de la consommation des espaces agricoles pour lesquels celle-ci n'aurait pas encore émis d'avis à la date d'entrée en vigueur du présent décret sont transmis, sans délai, à la commission départementale ou interdépartementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers territorialement compétente qui en poursuit l'examen. III. - Les avis émis par la commission départementale ou interdépartementale de la consommation des espaces agricoles avant la date d'entrée en vigueur du présent décret sont réputés rendus par la commission départementale ou interdépartementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ".
7. En l'espèce, l'avis visé par les dispositions précitées du code de l'urbanisme a été donné, le 16 février 2014, par la commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) du Gers. Or, en application des dispositions du décret du 9 juin 2015 citées au point précédent, entrées en vigueur le 11 juin suivant, un tel avis est réputé avoir été rendu par la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF). Par suite, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance des règles de procédure, la CDPENAF n'a pas été consultée pour avis préalablement à l'approbation de la présente carte communale ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (...) 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet, plan ou programme ".
9. Il ressort des mentions du rapport du commissaire enquêteur, qui ne sont contredites par aucun élément produit par les requérants, que la commune a réalisé son dossier en concertant plusieurs personnes publiques dont la chambre d'agriculture et que les remarques qu'elles ont transmises ont été prises en compte. Par suite, même s'il est vrai que les avis des personnes publiques associées n'ont pas été listés par le commissaire enquêteur en tant que pièces constitutives du dossier, l'avis rendu par la chambre d'agriculture du Gers, personne publique associée figurait nécessairement au dossier d'enquête publique. Le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête publique était, à cet égard, incomplet doit donc être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la légalité interne des décisions attaquées :
10. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; (...) 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques (...) ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " La carte communale respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 et L. 101-2. / Elle est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 ". Aux termes de l'article L. 161-4 de ce code : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ". Aux termes de l'article R. 161-5 de ce code enfin, : " Le ou les documents graphiques peuvent préciser qu'un secteur est réservé à l'implantation d'activités, notamment celles qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".
11. Il appartient aux auteurs d'une carte communale de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
12. En premier lieu, et d'une part, les requérants soutiennent notamment que le parti d'aménagement retenu dans la zone ZC2 secteur " Au Cavé " dédié à l'accueil d'une douzaine de maisons individuelles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que cette zone est séparée du village par un espace boisé constituant une trame verte, s'étalant sur les parcelles n° 1237, 1238 et 1240 dont le rapport de présentation relève qu'elles ont " une importance considérable en termes de déplacement, de nourrissage, de reproduction ou de repos de la faune sauvage ". Ils ajoutent que cette zone vient s'insérer entre plusieurs parcelles viticoles protégées par une AOC, créant ainsi des distorsions entre habitat et agriculture là où il n'y en avait aucune, et contribue, en outre, à une réduction de la surface viticole par l'intégration d'une parcelle de vignes de plus de 2 400 m². Enfin, selon eux, l'urbanisation de ce secteur imposerait un défrichement ainsi qu'une extension du réseau public de sorte que l'urbanisation de cette zone conduirait à porter atteinte à un milieu naturel et forestier identifié pour ses qualités, ainsi qu'aux parcelles viticoles environnantes et ce, sans aucune justification d'ordre urbanistique.
13. Toutefois, si le secteur " Au cavé " apparait actuellement déconnecté du bourg, il n'est situé qu'à 300 mètres environ de l'entrée de celui-ci. En outre, il ressort du rapport de présentation de la carte communale que " la zone Constructible (ZC2) de la Carte Communale recouvre des secteurs où les nouvelles constructions à usage d'habitation sont autorisées si les équipements existent et sont de capacité suffisante [...] " Par suite, l'ouverture à l'urbanisation des parcelles situées dans la continuité immédiate du hameau " Au Cavé " déjà desservi par les réseaux d'eau potable et d'assainissement est susceptible, sans contrainte importante, d'assurer un développement urbanistique en cohérence avec l'orientation de densification de l'urbanisation existante. Cette ouverture à l'urbanisation est d'ailleurs limitée à une dizaine de parcelles seulement, sur 4 ha, alors que la commune en comporte 3 084 et la zone ZC2 conserve une structure boisée - des chênes - classée ZNp en façade de la route départementale 221 afin d'assurer la protection paysagère de l'entrée du village. Ce parti pris d'aménagement permet d'assurer la gestion économe du territoire et la limitation du paysage légalement recherchée par les auteurs de cette carte sans porter atteinte à la sécurité des habitants puisque la commune s'est engagée à créer une desserte piétonnière dans ce secteur. En outre, les parcelles boisées précitées ne présentent pas un intérêt agricole marqué, les terres étant abandonnées depuis une vingtaine d'années. Enfin, ces parcelles ne sont pas le siège d'une forêt remarquable par sa faune ou ses essences, les parcelles limitrophes en vigne ont été classées en zone N, l'INAO a émis un avis favorable au projet, et, en vertu d'un arrêté préfectoral du 8 novembre 2013, cette zone du " Au Cavé " a fait l'objet d'une dispense d'étude d'impact en ce que le développement urbain envisagé n'est pas de nature, au vu de l'éloignement, à remettre en cause la structure écologique et paysagère nécessaire à la conservation des habitats identifiés sur les sites Natura 2000 " La Gélise " et " Etangs d 'Armagnac". Par suite, alors même que cette zone destinée à l'habitation s'implante non loin des parcelles de la société MG 32, qui ont été utilisées pour le traitement et le stockage d'amiante, le choix de la commune d'ouvrir à l'urbanisation ce secteur n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme doit également être écarté.
14. En deuxième lieu, il ressort notamment du rapport de présentation de la carte communale en cause que l'objectif communal est d'une part, de conforter les équipements et commerces en place au niveau du village et de développer les hameaux d'Arnauté et du Cavé proches du village car ils sont raccordables à l'assainissement collectif afin de permettre un développement en cohérence avec une gestion économe du territoire et la limitation du paysage et d'autre part, de préserver l'agriculture et les paysages en freinant le mitage. Pour respecter cette orientation, la commune qui est étendue sur 3 084 ha, classe 3 053,01 ha en zones à vocations agricole ou naturelle, contre 28,67 ha en zones constructibles dont 2,97 ha libres pour l'habitat. Il s'en suit que si les parcelles des requérants d'une superficie d'environ 5 ha, situées au sud du centre-bourg sur les parcelles cadastrées section D n° 39, 40, 41, 42, 1141 et 1331, dans le secteur " Aux Granges ", bordant pour partie la route départementale n° 221, demeurent non constructibles, à l'exception d'une bande déjà construite sur les parcelles n° 42 et 1141 précitées, et que leur constructibilité permettrait, à condition néanmoins d'étendre les réseaux de raccordement, de créer une liaison urbaine entre le village et le lotissement au sud, le choix de la commune de ne pas ouvrir ces terrains à l'urbanisation mais au contraire de ménager une coupure verte et de mettre en valeur ses paysages en léger relief n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
15. En dernier lieu, si l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales oblige les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à délimiter, après enquête publique, un zonage d'assainissement avec des zones d'assainissement collectif et des zones d'assainissement non collectif, que le conseil municipal de Lannepax, réuni le 25 février 2016, a décidé et délibéré pour la modification de son zonage d'assainissement (délibération n° 17-2-2016) et qu'une même enquête publique a conduit à l'élaboration de la carte communale attaquée et à la modification du périmètre des réseaux d'assainissement, les deux décisions attaquées qui ont pour objet de régler l'occupation des sols n'approuvent pas un classement de parcelles en zone d'assainissement collectif ou non collectif. Le moyen tiré de l'illégalité du classement de terrains en zone d'assainissement non collectif ou collectifs est donc inopérant et doit par suite être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Lannepax qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que demande M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lannepax en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la commune de Lannepax au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., Mme D... A..., la société civile immobilière " Aux Granges " et le groupement foncier agricole Domaine 2G, à la commune de Lannepax, et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. E... F..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.
Le rapporteur,
Nicolas F...
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Véronique Epinette
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03006