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06/07/2021 | FRANCE | N°19BX03390

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 19BX03390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, pour un montant total de 1 845 152 euros, à titre subsidiaire, la décharge partielle de ces impositions à raison d'une base imposable de 567 499 euros au titre de l'année 2010 et

de 207 458 euros au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701007 du 28 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, pour un montant total de 1 845 152 euros, à titre subsidiaire, la décharge partielle de ces impositions à raison d'une base imposable de 567 499 euros au titre de l'année 2010 et de 207 458 euros au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701007 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, à raison de la réduction de 154 500 euros de sa base d'imposition et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2019 et un mémoire enregistré le 25 février 2021 et des pièces déposées le 15 avril 2021, M. E..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 juin 2019 ;

2°) à titre principal, prononcer la décharge totale des impositions mises en recouvrement ;

3°) à titre subsidiaire, prononcer le dégrèvement en base de la somme totale de 609 892 euros au titre de l'année 2010 et de 1 412 517 euros au titre de l'année 2011 ainsi que des pénalités, majorations et amendes y afférentes ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le recours incident de l'administration sollicitant la réforme d'une partie du jugement qui lui était défavorable, a été formé dans le cadre d'un mémoire en défense, non d'une requête introductive d'instance, contrairement à l'article R. 631-1 du code de justice administrative ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que les propositions de rectifications des 6 décembre 2013 et 19 mai 2014 lui ont été notifiées à une adresse erronée, située en France, alors que son habitation personnelle, tant à la date des impositions en litige qu'à la date des notifications était en Norvège ; par suite, ces propositions de rectification n'ont pas eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'action administrative, rendant irrégulière l'ensemble de la procédure ;

- en application de l'article 4 de la convention fiscale franco-norvégienne, il est résident fiscal norvégien et ne pouvait, dès lors, ni faire l'objet de la procédure de rectification en litige ni être assujetti en France aux impositions contestées ;

- en raison d'une résidence fiscale qui aurait dû être considérée comme étant établie en Norvège, l'obligation de déclaration en France des comptes ouverts à l'étranger ne pouvait pas s'appliquer à sa situation. Il en résulte que les redressements concernant la présomption de revenus appliqués sur les transferts de capitaux réalisés au moyen de comptes non déclarés pour 68 000 euros sur 1'année 2010 et la présomption de revenus de 12 296 euros (correspondant à 106 796 euros déduction faite du dégrèvement de 94 500 euros obtenu en première instance) sur 1'année 2011 ainsi que les pénalités, majorations et amendes y afférentes ne sont pas justifiés ;

- une partie des revenus taxés en revenus de capitaux mobiliers (article 109-1-2° du code général des impôts) ne sont pas imposables à hauteur de 30 000 euros (au titre de l'année 2010) et 12 000 euros (au titre de l'année 2011) ;

- les crédits de 163 200 euros et 303 372 euros du 31 août 2011 ne correspondent pas à un transfert de fonds, mais au transfert de sommes ayant pour origine un boni de liquidation perçu dans la société BDXV LTD au profit de la Sarl BWB Holding ;

- le solde débiteur du compte courant dans la société BWB France est compensé par les soldes créditeurs des comptes courants détenus dans d'autres sociétés du groupe, selon une convention de trésorerie.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 mai 2020, le 12 avril 2021 et le 3 mai 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en son article 1er, qui a déchargé le requérant des suppléments d'impôt sur le revenu pour 2010 à hauteur de 60 000 euros en base et de rétablir à la charge du requérant la mise en recouvrement des impositions et pénalités afférentes.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

- le tribunal a mal apprécié les faits soumis à son appréciation, en se bornant à considérer les seuls flux financiers, sans considérer la cause juridique des différents mouvements de fonds, ni se prononcer sur le caractère imposable ou non de ces sommes ;

- le recours incident concerne les sommes dont le tribunal administratif a ordonné à tort la décharge, imposées comme suit :

• dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers - crédits de 10 000 euros du 14 mars 2010 et de 15 000 euros du 5 mai 2010 ;

• dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée - crédits figurant sur les comptes français d'un montant total de 35 000 euros (20 000 euros, 10 000 euros et 5 000 euros) ; concernant le crédit de 20 000 euros réglé par chèque dont une copie est présentée mais dont la cause juridique demeure inconnue, l'administration entend solliciter une substitution de base légale à hauteur du même montant sous le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts, initialement imposé par application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales.

Par une ordonnance du 21 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-norvégienne signée à Paris le 19 décembre 1980 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité norvégienne, est le dirigeant de plusieurs sociétés. Il a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle, portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, au terme de laquelle l'administration fiscale a, par deux propositions de rectification des 6 décembre 2013 et 19 mai 2014, mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus, pour un montant total de 1 845 152 euros. M. E... a contesté ces impositions et par jugement du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, à raison de la réduction de 154 500 euros de sa base d'imposition et rejeté le surplus de sa demande. M. E... relève appel de ce jugement afin d'obtenir la décharge des impositions restant en litige. Le ministre conclut au rejet de la requête de M. E... et demande en outre, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a déchargé le requérant des suppléments d'impôt sur le revenu pour 2010 à hauteur de 60 000 euros en base et le rétablissement à la charge du requérant de la mise en recouvrement de ces impositions et des pénalités y afférentes.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Pour être régulière, la proposition de rectification prévue par ces dispositions doit être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale et, en cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a accompli les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.

3. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification des 6 décembre 2013 et 19 mai 2014 ont été régulièrement notifiées à la dernière adresse que le requérant a communiquée à l'administration fiscale, dans une lettre du 15 mars 2013, et dont il n'est pas établie qu'elle serait un faux document, à savoir " Slemdalsveien 33, 0373 à Oslo " en Norvège, la première proposition ayant été retournée avec la mention " livré le 12 décembre 2013 ", et la seconde étant revenue au service le 16 juin 2014 avec la mention " non réclamé ". Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les propositions de rectification auraient été irrégulièrement notifiées à une adresse erronée.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la prescription de l'action administrative :

4. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la proposition de rectification du 6 décembre 2013 et celle du 19 mai 2014 ont été régulièrement notifiées à M. E.... Elles ont ainsi eu pour effet d'interrompre le délai de prescription du droit de reprise imparti à l'administration pour procéder à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, ce qu'elle a fait le 30 septembre 2014, avant l'expiration de ce délai. M. E... n'est donc pas fondé à invoquer la prescription de l'action de l'administration.

S'agissant du domicile fiscal de M. E... :

6. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Quant à l'application de la loi fiscale nationale :

7. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que M. E... a déposé, le 16 juin 2011, une déclaration de revenus au titre de l'année 2010, pour le foyer fiscal qu'il constituait avec son épouse, Mme A... B..., en mentionnant une adresse sise 52 cours du Chapeau Rouge à Bordeaux et qu'il a également déposé le 15 mars 2013, après mise en demeure, une déclaration de revenus au titre de l'année 2011 confirmant cette adresse et en affirmant, dans un courrier joint à cette déclaration, qu'il a personnellement signé, qu'il n'était plus résident fiscal français depuis le 1er janvier 2012 puisque sa nouvelle résidence était désormais établie en Norvège. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que pour les années concernées, M. E... exerçait en France une activité de gestion de nombreuses sociétés à Bordeaux et à Quinsac. Dès lors, à défaut d'éléments susceptibles de démontrer que ces activités professionnelles étaient exercées à titre accessoire, ce que M. E... n'établit pas en alléguant des déplacements professionnels fréquents à l'étranger, au surplus sans lien établi avec l'exercice d'une activité professionnelle dans un autre Etat, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. E... avait son domicile fiscal en France au sens du 1 de l'article 4 B précité du code général des impôts.

Quant à l'application de la convention fiscale entre la France et la Norvège :

9. Aux termes de la convention fiscale conclue le 19 décembre 1980 entre la France et la Norvège : " Article 1err : La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat ou des deux Etats. (...) / Article 4 : Résident / 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un Etat" désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité ; d) Si cette personne possède la nationalité des deux Etats ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats tranchent la question d'un commun accord. 3. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où son siège de direction effective est situé. ".

10. M. E... soutient qu'en application de l'article 4 de la convention fiscale franco-norvégienne, il est résident fiscal norvégien et ne pouvait, dès lors, ni faire l'objet de la procédure de rectification en litige ni être assujetti en France aux impositions contestées. Il fait valoir à cet égard, que depuis 2007 il est propriétaire d'un appartement situé Ivan Bjomdalsgate 11 A à Oslo en Norvège où il a établi son foyer permanent d'habitation et produit à cet effet, l'acte d'acquisition de cet appartement et des factures de télésurveillance et d'abonnements télévisuels, ainsi que des états de consommations électriques de l'appartement portant sur la période 2010 et 2011. Toutefois, il résulte des propres affirmations du requérant que l'appartement dont il indique pouvoir disposer en Norvège appartient à la société Vinhuset Norge et les documents qu'il présente ne permettent pas de considérer que ce logement aurait été mis à sa disposition par cette société, de manière durable et continue. Par ailleurs, aucun des documents et factures présentés, ne suffisent à établir à eux seuls, que M. E... aurait effectivement disposé d'un foyer permanent d'habitation en Norvège pour les années en litige, à l'adresse indiquée, alors qu'il a par ailleurs affirmé n'être devenu résident norvégien qu'à compter du 1er janvier 2012. En effet, comme cela a été mentionné au point 8, M. E... est présumé avoir disposé en France d'un foyer permanent d'habitation à l'adresse qu'il a lui-même indiqué dans ses déclarations d'impôt des années 2010 et 2011, à savoir au 52 cours du Chapeau Rouge à Bordeaux, adresse qui au demeurant est également celle qui a été reprise par l'ordonnance de non conciliation du juge aux affaires familiales en date du 3 janvier 2012 pour désigner où réside M. E..., suite à la requête en divorce déposée par son épouse le 9 décembre 2011. Ces éléments démontrent et confirment que l'intéressé est demeuré marié lors des années en litige en 2010 et 2011 et corroborent également le fait que M. E... n'a cessé d'être résident fiscal français qu'à compter du 1er janvier 2012. En conséquence, et dès lors qu'il ne justifie pas disposer d'un foyer permanent d'habitation en Norvège, M. E... doit être considéré comme résidant en France, au sens de la convention.

S'agissant de la présomption de revenus en raison de la non déclaration des comptes ouverts à l'étranger :

11. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) / Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ".

12. M. E... soutient que l'obligation de déclaration en France des comptes ouverts à l'étranger ne pouvait pas s'appliquer à sa situation et considère, dès lors, que les rectifications concernant la présomption de revenus appliqués aux transferts de capitaux réalisés au moyen du compte ouvert au nom de M. E... à la banque Sebprivatebanken ASA à Oslo, non déclaré par le contribuable, pour 68 000 euros sur 1'année 2010 et 12 296 euros sur 1'année 2011 ainsi que les pénalités et amendes y afférentes ne sont pas justifiés. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10, que M. E... devait être considéré comme étant résident fiscal français au titre des années 2010 et 2011. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale lui a fait application des dispositions précitées de l'article 1649 A du code général des impôts concernant la présomption de revenus relative aux transferts de capitaux réalisés par l'intermédiaire de comptes non déclarés.

S'agissant des revenus de capitaux mobiliers :

13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) " et aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ou d'un compte sur lequel l'associé qui en est titulaire peut librement opérer des prélèvements ont, sauf preuve contraire apportée par ce dernier, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

14. Il résulte de l'instruction que plusieurs sociétés dans lesquelles M. E... est associé ont mis à sa disposition des fonds inscrits au crédit de ses comptes courants, ou directement sur ses comptes bancaires personnels. M. E... n'a apporté aucune réponse aux demandes d'éclaircissements ou de justifications sur la nature de ces crédits qui lui ont été faites les 25 juin et 26 septembre 2013. Par suite, les sommes mises à sa disposition ont été considérées comme des revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts à hauteur des montants de 62 661 euros au titre de l'année 2010 et 512 825 euros au titre de l'année 2011.

15. En premier lieu, M. E... conteste une partie de ces rectifications au titre de l'année 2010, en faisant valoir que trois crédits de 10 000 euros constatés les 25 janvier, 11 avril et 23 mai 2010 sur son compte bancaire avaient pour origine trois virements provenant de son compte courant dans les écritures de la société BDXV France. Cependant, aucun élément produit par le requérant ne confirme que ces crédits correspondraient à des virements issus des comptes courants d'associé dans la société BDXV France. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

16. En deuxième lieu, M. E... soutient que pour l'année 2011, la somme de 12 000 euros inscrite sur son compte courant d'associé détenu dans la société BWB France, proviendrait d'un virement de son compte norvégien ouvert à la SEB Privatbanken. Cependant, les éléments produits par le requérant ne permettent pas d'établir, en l'absence de précision sur les numéros de comptes vers lesquels et depuis lesquels le virement est intervenu, que ce virement proviendrait du compte bancaire norvégien " SEB Privatbanken n° 9590 33 98869 " dont les crédits ont été taxés en 2011 comme revenus innomés.

17. En troisième lieu, M. E... soutient, pour la première fois en appel, que les crédits de 163 200 euros et 303 372 euros du 31 août 2011 constatés sur le grand livre de la société BWB Holding ne correspondraient pas à un transfert de fonds mais à un boni de liquidation perçu par M. E... de la société BDXV LTD au profit de la SARL BWB Holding, avec attribution de 1800 bouteilles de Château Pavie, année 2000, et 960 bouteilles de Château Pavie, année 2003. Le requérant produit à l'appui de cette allégation plusieurs documents, présentés comme étant des procès-verbaux d'assemblée générale, datés des 1er, 20 et 31 juillet 2009. Cependant, ces documents ne permettent pas d'établir l'origine et la cause juridique des sommes mises à disposition et portées au crédit du compte courant de M. E....

18. Enfin, M. E... invoque une convention de trésorerie conclue entre les sociétés du groupe, qui lui permettrait notamment de réaliser une compensation entre son compte courant débiteur dans la SARL BWB France et les comptes courant créditeurs détenus dans les autres sociétés du groupe. Toutefois, les avances ainsi consenties par cette convention de trésorerie n'ont pas pour effet de remettre en cause la circonstance que le requérant est réputé avoir eu la disposition du solde débiteur de son compte courant d'associé dans la société.

19. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande en décharge.

Sur l'appel incident du ministre :

20. Aux termes de l'article R. 631-1 du code de justice administrative : " Les demandes incidentes sont introduites et instruites dans les mêmes formes que la requête. Elles sont jointes au principal pour y être statué par la même décision ".

21. La requête d'appel de M. E... étant recevable, l'appel incident du ministre, dont la recevabilité n'est pas subordonnée à une condition de délai, est également recevable.

22. Le ministre conteste la décharge prononcée par le tribunal dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers soit, les crédits de 10 000 euros du 14 mars 2010 et de 15 000 euros du 5 mai 2010, et dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les crédits figurant sur les comptes bancaires français de M. E..., d'un montant total de 35 000 euros (20 000 euros, 10 000 euros et 5 000 euros). Par ailleurs, concernant le crédit de 20 000 euros réglé par chèque dont une copie a été présentée mais dont la cause juridique demeure inconnue, qui a été initialement imposée par application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration sollicite une substitution de base légale à hauteur du même montant sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts.

23. D'une part, s'agissant des crédits de 10 000 euros et de 15 000 euros constatés les 14 mars et 5 mai 2010 sur le compte CIC n° 00071124801 de M. E..., ce dernier fait valoir qu'ils constituaient des remboursements partiels de son compte courant dans la société SARL BWB Holding. Cependant, le ministre fait valoir que les extraits bancaires fournis ne confirment pas que ces virements, opérés par la société BWB Holding depuis son compte ouvert dans la même banque n° 00060936801, l'ont été au profit du compte CIC du requérant, sur lesquels ils apparaissent en l'absence de mention de toute référence du n° de compte. Par ailleurs, M. E... s'est contenté d'affirmer, alors que la preuve lui incombe, que ces sommes constituaient un remboursement partiel de son compte courant d'associé dans la société BWB Holding, sans pour autant l'établir. En effet, si comme le prétend M. E... ces sommes correspondent à un remboursement de son compte courant, cette affirmation ne peut être fondée que s'il justifie avoir consenti préalablement une avance à la société en lien direct avec les sommes mises à sa disposition, ce qui n'est pas établi. Par suite le ministre est fondé à demander l'annulation de la décharge d'imposition correspondant à ces deux sommes.

24. D'autre part, M. E..., qui n'a pas répondu aux demandes de justification que lui a adressé l'administration fiscale les 25 juin et 26 septembre 2013, a contesté la taxation d'office, au titre de l'année 2010, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, d'une somme totale de 35 000 euros, en faisant valoir que ces sommes correspondaient à des remboursements du compte courant d'associé qu'il détient au sein de la société BWB Holding. Cependant, s'agissant de la somme de 5 000 euros créditée le 2 avril 2010 au compte bancaire CIC du requérant n° 00071124801, le ministre fait valoir qu'elle ne peut avoir aucun lien avec le montant de 5 000 euros figurant au débit du compte courant d'associé du requérant datée du 30 avril 2010 à défaut de concordance entre les dates des opérations de débit et de crédit d'autant que le relevé bancaire du compte CIC n° 00060936801 de la société BWB Holding ne mentionne aucun libellé confirmant que ce débit aurait un lien avec le crédit constaté, et qu'à la date du 2 avril, il existe trois débits de même montant sur ce compte.

25. S'agissant du crédit de 10 000 euros constaté le 26 janvier 2010 sur le compte bancaire de M. E... ouvert à la BNP, n° 00001146713, l'intéressé soutient qu'il correspond au débit de la même somme issue de son compte courant d'associé le 4 janvier 2010. Cependant, comme précédemment, aucun lien n'est établi entre ces deux montants à défaut de correspondance entre les dates et du fait qu'il existe sur le compte bancaire CIC de la société BWB Holding deux débits bancaires de même montant les 15 (un chèque) et 25 (un virement) janvier 2010.

26. Enfin, selon l'intéressé, la somme de 20 000 euros inscrite le 18 janvier 2010 au crédit de son compte bancaire, ouvert à la BNP n° 00001146713, correspondrait à la remise d'un chèque du 15 janvier 2010 émanant de la société dénommée Norway Capital France. Cependant, aucun élément ne permet d'établir que cette somme constituerait un remboursement partiel du compte courant d'associé de M. E... dans la société BWB Holding à défaut de toute précision complémentaire. De plus, si M. E... fait valoir que ce crédit correspondrait à un remboursement partiel de son compte courant, cette affirmation n'est pas justifiée.

27. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. E... des suppléments d'impôt sur le revenu pour 2010 à hauteur de 60 000 euros en base.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions susvisées de M. E... doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 juin 2019 est annulé en tant qu'il a déchargé M. E... des suppléments d'impôt sur le revenu pour 2010 à hauteur de 60 000 euros en base.

Article 2 : Les impositions auxquelles M. E... a été assujetti en matière d'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2010, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour un montant en base de 60 000 euros et les pénalités y afférentes sont remises à la charge de celui-ci.

Article 3 : La requête de M. E... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. F... C..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Dominique C...

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03390
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL PIERRE NATALIS ET JULIEN PRAMIL-MARRONCLE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;19bx03390 ?
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