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17/06/2021 | FRANCE | N°21BX00188

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 21BX00188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... Akpaglo a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801342 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, M. Akpaglo, représenté par Me I..., dema

nde à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 mai 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... Akpaglo a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801342 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, M. Akpaglo, représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guyane du 16 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à ses moyens tirés des erreurs de faits commises par le préfet et de l'erreur de droit affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet a commis des erreurs de faits dès lors qu'il justifie d'une activité professionnelle ainsi que d'une vie commune avec une ressortissante guyanienne en situation régulière ;

- la décision de refus de titre de séjour est en conséquence, insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit, dès lors qu'il sollicitait la régularisation de son séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pouvait ainsi se fonder sur l'absence de demande d'autorisation de travail dûment visée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- la décision litigieuse méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il justifie d'une vie commune depuis 2017 avec une ressortissante guyanienne titulaire d'un titre de séjour, qui était enceinte à la date de l'arrêté et qu'il justifie d'une insertion professionnelle ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- le préfet a fondé la décision portant obligation de quitter le territoire français sur des dispositions inexistantes ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- l'auteur de cette décision était incompétent.

M. Akpaglo a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant togolais né le 1er mai 1981, entré sur le territoire français en janvier 2014 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. F... relève appel du jugement du 20 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, M. Akpaglo soutenait, notamment, que la décision de refus de titre de séjour était entachée d'erreurs de fait, dès lors qu'elle mentionnait qu'il était dépourvu d'activité professionnelle et qu'il était célibataire, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français était fondée sur des dispositions inexistantes. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Dès lors, le jugement du tribunal administratif de la Guyane est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Akpaglo devant le tribunal administratif de la Guyane.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2018 :

4. Par un arrêté du 24 mai 2018, publié le 25 mai suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Guyane a donné délégation à M. B... D..., attaché d'administration de l'État, chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, à effet de signer, notamment, la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 16 juillet 2018 doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. Akpaglo et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ces indications, qui ont permis à M. Akpaglo de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre, étaient suffisantes. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette décision doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...) ". Et aux termes de l'article L. 313-14 de ce code alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

7. D'une part, si M. Akpaglo verse au dossier un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er juin 2018 avec la SAS Renov Plus pour un emploi en tant que carreleur, deux bulletins de salaire des mois de juin et juillet 2018, ainsi qu'une demande d'autorisation de travail du 4 juin 2018, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces documents auraient été transmis au préfet préalablement à la décision en litige, ni que la demande d'autorisation de travail, qui ne comporte aucun visa, aurait été communiquée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par ailleurs, si M. Akpaglo fait valoir que la décision attaquée mentionne qu'il est célibataire et sans enfant alors qu'il est en couple depuis 2017 avec une ressortissante guyanienne titulaire d'un titre de séjour de quatre ans et enceinte à la date de la décision attaquée, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ces informations auraient été portées à la connaissance du préfet de la Guyane à la date de l'arrêté du 16 juillet 2018. Au demeurant, ces éléments n'auraient pas été de nature à modifier l'appréciation portée par le préfet sur la situation de M. Akpaglo. Par suite, le moyen tiré des erreurs de fait qui entacheraient la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre du requérant doit être écarté.

8. D'autre part, le préfet a pu, sans méconnaître l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité ci-dessus, rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. Akpaglo en qualité de salarié en l'absence d'autorisation de travail visée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par ailleurs, faute d'avoir justifié l'exercice d'une activité professionnelle et l'existence de motifs exceptionnels, le préfet a pu également, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Par suite, le moyen tiré des erreurs de droit qu'aurait commises le préfet doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

10. Si M. Akpaglo entretient depuis l'année 2017 une relation avec une ressortissante guyanienne, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, eu égard au caractère récent de cette relation, la circonstance que sa compagne était enceinte de six mois à la date de la décision de refus de titre de séjour ne permet pas, à elle seule, de considérer que le requérant a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où résident toujours sa mère et son frère. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions du séjour du requérant sur le territoire national, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions citées ci-dessus du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M. Akpaglo doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. Akpaglo n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

13. Il ressort des termes de l'arrêté du 16 juillet 2018 que le préfet a fondé la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. Akpaglo sur les dispositions du 3° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus, qui prévoient qu'une telle décision peut être prise quand la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fondé cette décision sur des dispositions inexistantes doit être écarté.

14. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 10, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. Akpaglo doivent être écartés.

15. Il résulte tout de ce qui précède que les conclusions de M. Akpaglo tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2018 du préfet de la Guyane doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 mai 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Akpaglo devant le tribunal administratif de la Guyane et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... Akpaglo et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... C..., présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme H... A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

La présidente-rapporteure,

Marianne C...Le président-assesseur,

Didier Salvi

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00188 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21BX00188
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MARCIGUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-17;21bx00188 ?
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