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17/06/2021 | FRANCE | N°19BX00693

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 19BX00693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger du paiement des sommes de 128 346 euros et 4 164 euros qui lui ont été réclamées respectivement par les titres de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014 et n° 0001792 du 2 septembre 2014 émis par le centre de gestion des retraites de Toulouse.

Par un jugement n° 1500835 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé Mme E... du paiement de la somme de 4 164 euros réclamée par le titre de perc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger du paiement des sommes de 128 346 euros et 4 164 euros qui lui ont été réclamées respectivement par les titres de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014 et n° 0001792 du 2 septembre 2014 émis par le centre de gestion des retraites de Toulouse.

Par un jugement n° 1500835 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé Mme E... du paiement de la somme de 4 164 euros réclamée par le titre de perception n° 0001792 du 2 septembre 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX00693 le 22 février 2019, régularisée le 21 mai 2019, Mme G... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 décembre 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge du paiement de la somme de 128 346 euros qui lui a été réclamée par le titre de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014 ;

2°) d'annuler ce titre de perception et de la décharger du paiement de la somme de 128 346 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le titre exécutoire litigieux, qui ne mentionne pas avec une précision suffisante les bases de liquidation de la créance, est entaché d'un défaut de motivation ;

- le titre exécutoire litigieux ne comporte ni signature, ni la mention des nom, prénom et qualité de son auteur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et du B du V de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 et 29 octobre 2019, le directeur régional des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la cour n'est pas compétente en application du 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19BX00724 le 22 février 2019, régularisée le 21 mai 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 décembre 2018 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge du paiement de la somme de 128 346 euros qui lui a été réclamée par le titre de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014.

Elle soutient que les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies dès lors que le jugement attaqué est tant irrégulier que mal-fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2019, le directeur régional des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés, au regard de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la chambre a décidé, en application de l'article R. 222-29 du code de justice administrative, d'inscrire la demande de sursis à exécution présentée par Mme E... au rôle d'une chambre siégeant en formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Mme E....

Une note en délibéré présentée pour Mme E... représentée par Me D..., a été enregistrée le 27 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., professeure certifiée, a été mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 septembre 2007 par décision du recteur de l'académie de Versailles du 8 février 2007. La cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt du 2 février 2012, a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'éducation nationale de réintégrer l'intéressée dans ses fonctions. Le recteur de l'académie de Versailles a cependant, par une décision du 3 avril 2013, de nouveau placé Mme E... à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 septembre 2007. Après l'annulation de cette décision par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 10 février 2014, devenu définitif, le recteur a réintégré Mme E... dans ses fonctions à compter du 24 septembre 2007 et reconstitué sa carrière, par un arrêté du 23 avril 2014. Par voie de conséquence, la pension civile dont bénéficiait Mme E... a été annulée et il a été constaté un indu de pension pour la période allant du 1er octobre 2007 au 30 mai 2014. Deux titres de perception ont ainsi été émis à l'encontre de Mme E... par le centre de gestion des retraites de Toulouse les 16 juillet et 2 septembre 2014 en vue de recouvrer les sommes respectives de 128 346 euros et de 4 164 euros. Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé Mme E... du paiement de la somme de 4 164 euros qui lui était réclamée par le titre de perception n° 0001792 du 2 septembre 2014. Par sa requête enregistrée sous le n° 19BX00693, Mme E... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation du titre de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014 et à la décharge du paiement de la somme de 128 346 euros. Par sa requête enregistrée sous le n° 19BX00724, Mme E... demande à la cour de sursoir, dans cette mesure, à l'exécution du même jugement du tribunal. Ces deux requêtes ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur l'exception d'incompétence :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ;(...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le titre de perception litigieux a été émis en vue de recouvrer un indu de pension civile en conséquence de l'annulation de la décision portant mise en retraite d'office de Mme E... et de sa réintégration avec effet rétroactif et reconstitution de sa carrière, ordonnée par le juge administratif. Ainsi, le présent litige qui n'a pas trait aux droits à pension eux-mêmes, ne présente pas le caractère d'un litige en matière de pension de retraite d'un agent public au sens des dispositions citées ci-dessus, dans lequel le tribunal statue en premier et dernier ressort. Dès lors, l'exception d'incompétence d'appel de la cour opposée par l'intimé doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions précitées. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme E... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, l'État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour déterminer le montant de la créance.

7. Il résulte de l'instruction que le titre de perception du 16 juillet 2014, après avoir identifié Mme E... comme la redevable de la créance, mentionne en objet la nature de cette créance " suite à l'annulation de la pension n° 31110-08090121A (arrêté du 11 juin 2014) ", la période concernée par le trop-perçu allant " du 01/10/2007 au 30/05/2014 " et précise son montant en mentionnant " le montant brut payé de 140 576,06 euros ", les déductions à opérer, soit la " déduction CSG : 7 472,67 euros, déduction CRDS : 566,09 euros, CASA : 27,56 euros " pour aboutir à " un montant à recouvrer arrondi à l'euro le plus proche de 128 346 euros ". Mme E..., dont il n'est pas contesté qu'elle avait reçu notification de sa pension en définitive annulée par voie de conséquence de son action contentieuse exercée à l'encontre de sa mise à la retraite d'office, était ainsi en mesure de vérifier et de contester les bases de liquidation, et partant, le montant de sa créance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du titre de perception litigieux doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celuici ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".

9. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas, en revanche, de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire.

10. Il résulte de l'instruction que le titre de perception du 16 juillet 2014 notifié à Mme E... mentionne, au titre de l'ordonnateur, le prénom, le nom et la qualité de la " responsable recette " dont il ressort des pièces du dossier que cette dernière bénéficiait, par décision du 8 juillet 2014 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 10 juillet suivant, d'une délégation de signature de l'administratrice générale des finances publiques, responsable du pôle pilotage et ressources de la direction régionale des finances publiques de la région Midi-Pyrénées et du département de la Haute-Garonne, auteur de l'état revêtu de la formule exécutoire, lequel a été signé, en vertu d'une délégation consentie par la même décision, par la responsable du centre de services partagés de la direction régionale des finances publiques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 8 doit être écarté.

11. Enfin, Mme E... se borne à déclarer reprendre en appel les moyens qu'elle a soulevés devant les premiers juges, sans assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception n° 0001298 du 16 juillet 2014 et à la décharge du paiement de la somme de 128 346 euros.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :

13. Par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions de la requête de Mme E... tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 16 juillet 2014 et à la décharge du paiement de la somme de 128 346 euros, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis, dans cette mesure, à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme demandée par Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19BX00724.

Article 2 : La requête n° 19BX00693 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise pour information au directeur régional des finances publiques de la région Midi-Pyrénées et du département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier C..., président-assesseur,

Mme F... A..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

Le rapporteur,

Didier C...

La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00693, 19BX00724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19BX00693
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement. Procédure. État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DURAND-RAUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-17;19bx00693 ?
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