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15/06/2021 | FRANCE | N°20BX04018

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 20BX04018


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion a refusé de procéder au reclassement de sa parcelle cadastrée AH 306 en zone B2U au plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de L'Etang-Salé.

Par un jugement n° 1800243 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
r>Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 6 mai 2021, M. C....

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 10 mars 2017 par laquelle le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion a refusé de procéder au reclassement de sa parcelle cadastrée AH 306 en zone B2U au plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de L'Etang-Salé.

Par un jugement n° 1800243 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 6 mai 2021, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2020 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de faire droit à ses conclusions d'annulation de première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de procéder à la révision, ou le cas échéant, la modification du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de L'Etang-Salé pour ce qui concerne la parcelle AH 306 ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande de modification du classement de sa parcelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le classement en zone inconstructible de son terrain dans le plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; l'Etat s'est borné en première instance à faire état de la méthodologie utilisée sans précision ni justificatif ; les services de l'Etat se bornent à se référer à un modèle numérique de terrain qui conduit à retenir un classement du terrain pour partie en zone R1 et pour partie en zone R2 ; le document produit par le préfet devant le tribunal est entaché d'une erreur quant à la rupture de pente et d'imprécision quant à l'angle de pente ; le terrain n'a jamais fait l'objet d'une visite sur place par le BRGM ; la DEAL a procédé à une modification uniforme, pour tout le secteur, ayant conduit à réduire de 10 mètres la largeur de la zone R2 ; il a fait réaliser un diagnostic par le cabinet SEGC, lequel propose une optimisation de la cartographie des risques qui permettrait une classification en aléa faible à modéré en termes de glissement de terrain de 65% environ de la superficie de la parcelle ; à l'issue de l'enquête publique, le commissaire enquêteur a adhéré à cette analyse ; le conseil municipal a émis un avis réservé sur le plan de prévention ; aucun sinistre n'est à signaler sur la parcelle ; les parcelles sinistrées dont se prévaut la DEAL sont situées en limite de la crête du rempart avec un abrupt immédiat supérieur à 80 degrés ce qui n'est pas comparable avec la topographie de la parcelle AH 306 dont la ligne de crête n'est pas définie mais progressive et qui présente des pentes moyennes de 40 degrés ; l'appréciation rigide des services de l'Etat, qui rend son terrain inconstructible, lui porte préjudice ;

- un classement en B2U se justifierait dès lors que des mesures de sécurisation du terrain sont possibles et que la parcelle est située en zone urbanisée.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un courrier a été adressé aux parties le 9 mars 2021, les informant de ce que la cour était susceptible de retenir un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision administrative contestée.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2021, M. C..., représenté par Me E..., présente ses observations sur le courrier susvisé.

Il soutient que :

- il avait soulevé le moyen d'incompétence devant le tribunal mais que celui-ci, par un jugement insuffisamment motivé, l'a écarté en considérant que la décision contestée était le rejet d'un recours gracieux alors qu'il s'agissait d'un refus de modifier un acte devenu définitif ;

- le directeur de la DEAL n'ayant pas reçu compétence pour signer les décisions en matière de plan de prévention des risques, la décision est entachée d'incompétence.

Par un mémoire enregistré le 13 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que ni le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, ni les moyens invoqués ne sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... B...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me H..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 26 janvier 2016, le préfet de La Réunion a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de L'Etang Salé. Ce plan classe la parcelle cadastrée AH 306 appartenant à M. C... et située à la Ravine Sèche sur le territoire de cette commune, pour partie en zone R1 correspondant à un aléa mouvement de terrain élevé et pour partie en zone R2 correspondant à un aléa mouvement de terrain moyen, dès lors que cette parcelle est située en dehors de secteurs urbains à enjeux sécurisables et qu'elle est sujette au développement de fissures subverticales par la décompression des terrains aux abords de l'encaissement du Grand Bras, et à un glissement et un recul du rempart à l'échelle du siècle à venir. M. C..., par l'intermédiaire de son conseil, a demandé au préfet de La Réunion, par courrier du 6 février 2017, la révision du plan de prévention en ce qui concerne sa parcelle, en se référant notamment à une étude géotechnique réalisée sur son initiative. Par décision du 10 mars 2017, le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Réunion a refusé de procéder au reclassement de la parcelle, en indiquant à M. C... que sa demande serait réexaminée lors de la prochaine révision du plan de prévention et en lui précisant que les révisions intervenaient tous les cinq à dix ans.

Sur les fins de non-recevoir opposées en première instance :

2. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation ". Si la demande de première instance de M. C... n'était pas accompagnée de la décision contestée, le demandeur a régularisé son recours en produisant la décision contestée en cours d'instance devant le tribunal, le 25 juillet 2019. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée en première instance, tirée de l'absence de production de l'acte attaqué doit être écartée.

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". M. C..., qui n'a présenté son recours au tribunal que le 9 mars 2018 contre la décision en litige datée du 10 mars 2017, a cependant soutenu devant le tribunal, sans être contesté, que la notification de la décision n'était pas accompagnée de la mention des voies et délais de recours. Ainsi, le délai de recours contentieux de deux mois ne lui est pas opposable et la tardiveté opposée en première instance ne peut être retenue.

Sur le fond :

4. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision contestée du 10 mars 2017 n'a pas le caractère d'un rejet de recours gracieux que M. C... aurait formé à l'encontre du plan de prévention des risques naturels de la commune de L'Etang-Salé approuvé le 26 janvier 2016, mais constitue un refus de modifier ou réviser ce plan. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision n'est pas inopérant. L'arrêté du 20 septembre 2016 par lequel le préfet de La Réunion a donné délégation de signature au directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion concerne notamment tous les actes se rapportant à l'activité générale de la direction mais à l'exception, notamment, des décisions ayant un caractère règlementaire, ce qui est le cas, comme en l'espèce, du refus de prendre un acte règlementaire de révision ou de modification du plan de prévention. En matière d'élaboration des plans de prévention des risques naturels, cet arrêté ne donne délégation au directeur qu'à l'effet de signer les actes intervenant dans l'élaboration des plans, et notamment les examens au cas par cas en application du code de l'environnement, les porter à connaissance des aléas naturels ou les courriers de consultation. Le ministre ne produit aucun autre arrêté qui aurait donné compétence au directeur pour signer l'acte contesté. Dans ces conditions, la décision du 10 mars 2017 est entachée d'incompétence et M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à son annulation.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation.

6. Eu égard au moyen d'annulation retenu, seul fondé en l'état du dossier, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de La Réunion procède à la révision ou à la modification du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de L'Etang-Salé pour ce qui concerne la parcelle AH 306. En revanche, il appartiendra au préfet de prendre une décision sur la demande de M. C.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prescrire l'intervention de cette mesure dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 septembre 2020 du tribunal administratif de La Réunion et la décision du 10 mars 2017 du directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de prendre une décision sur la demande de M. C... du 6 février 2017 dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de la transition écologique. Une copie en sera adressée au préfet de la Réunion.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme D... F..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

Le président assesseur,

Frédéric FaïckLa présidente-rapporteure,

Elisabeth B...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX04018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 20BX04018
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DUGOUJON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;20bx04018 ?
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