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15/06/2021 | FRANCE | N°20BX02777

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 20BX02777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... et la société civile immobilière (SCI) J... La Mongie ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a délivré un permis de construire modificatif à la société Le chalet des étoiles.

Par un jugement n° 1800754 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l

e 24 août 2020 et un mémoire enregistré le 1er mars 2021, Mme A... et la SCI J... La Mongie, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... et la société civile immobilière (SCI) J... La Mongie ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a délivré un permis de construire modificatif à la société Le chalet des étoiles.

Par un jugement n° 1800754 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020 et un mémoire enregistré le 1er mars 2021, Mme A... et la SCI J... La Mongie, représentées par la SCP Duale-Ligney-Madar-Danguy, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le maire de Bagnères-de-Bigorre a accordé un permis de construire modificatif à la société Le chalet des étoiles ;

3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles indemnitaires formées par la société Le chalet des étoiles ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur demande était recevable ; Mme A... dispose d'un intérêt à agir incontestable en raison tant de la configuration des lieux que de la teneur de la transaction avec son ex-mari impliquant le transfert de propriété à son profit de l'immeuble appartenant à la SCI J... La Mongie érigé sur la parcelle d'assiette du permis de construire contesté, de deux appartements situés dans un immeuble situé en face de la parcelle objet du permis litigieux et des murs et fonds de commerce de bar-restaurant situés au rez-de-chaussée et sous-sol de cet immeuble ; la SCI J... La Mongie dispose d'un intérêt à agir dès lors qu'elle était propriétaire d'un immeuble érigé sur la parcelle du permis de construire contesté ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dès lors que le pétitionnaire n'avait pas qualité pour solliciter le permis de construire modificatif ;

- l'arrêté attaqué méconnait les articles R. 431-16 du même code dès lors que le dossier de demande de permis modificatif devait contenir un document établi par un contrôleur technique mentionné à l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme, attestant qu'il a fait connaître au maître d'ouvrage son avis sur la prise en compte, au stade de la conception, des règles parasismiques ;

- l'arrêté méconnait l'article R. 431-8 du même code dès lors que le dossier ne comporte aucune indication sur les plantations à créer ou à conserver ;

- le projet méconnait l'article UT4 du plan local d'urbanisme dès lors qu'il comporte plus de quatre logements et ne prévoit aucun système de traitement des eaux de surface ;

- le projet méconnait l'article UT13 du plan local d'urbanisme ; la contenance des différentes parcelles n'est pas précisée, ce qui ne permet pas de connaître la surface des parcelles traitée de façon perméable et de vérifier la proportion de 40 % ; les surfaces des toitures végétalisées ne peuvent être prises en compte dans le calcul des espaces verts ; le permis délivré méconnaît également ces dispositions exigeant un arbre pour 50 m² libres, dès lors qu'il ne prévoit aucune plantation ;

- les conclusions indemnitaires de la société Le chalet des étoiles doivent être rejetées dès lors que la requête n'est pas abusive et que la société ne démontre pas que les retards de chantier soient la conséquence des procédures engagées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2020, la société Le chalet des étoiles, société par actions simplifiée représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des appelantes au versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté et méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme en vertu duquel est imposée une obligation de notification des recours ;

- le tribunal a estimé à bon droit que la demande était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;

- la requête de première instance était irrecevable pour tardiveté ;

- les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 15 février 2021, la société Le chalet des étoiles, représentée par Me H..., demande à la cour de condamner Mme A... et la SCI J... La Mongie à lui verser une indemnité de 259 460,40 euros TTC à raison du surcoût du marché de travaux et une somme de 100 000 euros à raison du retard dans la commercialisation des appartements en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, du fait du caractère abusif de la requête d'appel formée par Mme A... et la SCI J... La Mongie. La société demande, à défaut, une condamnation au paiement d'une amende pour recours abusif sur le fondement de l'article R. 741- 12 du code de justice administratif. Elle demande également que soit mis à la charge des requérantes le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel traduit un comportement abusif de la part des requérantes ; elles font appel alors que leur recours dirigé contre le permis de construire initial a précédemment été rejeté pour défaut d'intérêt à agir ; le Conseil d'Etat n'a pas admis leur pourvoi en cassation ; dans ce conteste, leur nouvelle démarche traduit une volonté de nuire au bénéficiaire du permis que la commune de Campan a autorisé à construire sur ses parcelles après avoir obtenu l'éviction de la SCI J... La Mongie ;

- ce comportement porte atteinte à ses intérêts ; ces actions ont freiné la réalisation du projet, entrainant ainsi un important préjudice financier ; compte tenu des retards dans la réalisation du chantier, le marché de travaux qu'elle avait conclu avec une entreprise a donné lieu à plusieurs avenants, d'où un surcoût de 259 460,40 euros TTC ; des réservations d'appartements ont par ailleurs été annulées du fait des retards d'où un manque à gagner de 100 000 euros.

Par ordonnance du 2 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2021 à 12h00.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2021, Mme A... et la SCI J... La Mongie, représentées par la SCP Duale-Ligney-Madar-Danguy, ont produit des pièces.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de M. Fleureux, avocat stagiaire, en présence de Me K..., représentant la commune de Bagnères-de-Bigorre et de Me D..., représentant la société Le chalet des étoiles.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 juin 2014, le maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre a délivré à M. B... un permis de construire assorti de prescriptions en vue d'édifier une résidence de tourisme avec commerces et spa dans la station de ski de La Mongie, pour une surface de plancher de 3206,15 m² sur les parcelles cadastrées section AY n° 122, 259, 261, 262, 264, 266, 267, 269, 270, 271, 82, 83, 84. Par un arrêté du 18 juillet 2017, le maire a autorisé le transfert du permis du 12 juin 2014 à la société Le chalet des étoiles. Par arrêté du 25 janvier 2018, le maire de Bagnères-de-Bigorre a accordé à la société un permis de construire modificatif assorti de prescriptions, portant notamment réduction de la surface de plancher à 2889 m². Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevable la demande d'annulation présentée par Mme A... et la SCI J... La Mongie contre ce permis de construire modificatif. Mme A... et la SCI J... La Mongie relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". L'article L. 600-1-3 du même code dispose que : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, ou lorsque sa contestation a été définitivement rejetée, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

4. A la date d'affichage en mairie de la demande de permis de construire modificatif, le recours de Mme A... contre le permis de construire initial n'avait pas été définitivement rejeté, le jugement du tribunal administratif de Pau du 10 mai 2016 faisant alors l'objet d'une requête d'appel qui n'a donné lieu à un arrêt de la cour que le 20 juin 2019 qui lui-même a donné lieu à une ordonnance de non-admission du pourvoi de Mme A... du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 17 août 2020. Par suite, l'intérêt à agir de Mme A... doit s'apprécier au regard de la portée du permis de construire initial. L'intérêt à agir de la SCI J... La Mongie, qui n'a pas attaqué le permis de construire initial, doit s'apprécier au regard de la portée des seules modifications autorisées par le permis de construire modificatif.

5. Le terrain d'assiette du projet, situé à Bagnères-de-Bigorre, est composé de parcelles appartenant à la commune voisine de Campan. Sur la parcelle AY n° 82 était édifié l'hôtel " La Mongie ", dont la démolition était prévue par le projet de M. B... et de la société Le chalet des étoiles, et qui était autrefois exploité, dans le cadre d'un bail d'une durée de 99 ans consenti par la commune de Campan à la SCI J... La Mongie, dont Mme A... et son ex-époux, M. J... étaient les gérants et associés chacun à 50 %. Mme A... et M. J... étaient par ailleurs associés, chacun à 50 %, de la SARL du Pic d'Espade J... et Cie, propriétaire d'appartements et d'un fonds de commerce de bar-restaurant dans une résidence de tourisme située à proximité du terrain d'assiette du projet de la société Le chalet des étoiles. En 2013, les deux sociétés ont été placées en liquidation judiciaire et une ordonnance de référé du 23 juillet 2013 du tribunal de grande instance de Tarbes a constaté qu'en l'absence de paiement des loyers et d'exploitation de l'hôtel " La Mongie " par la SCI J... La Mongie, la commune de Campan pouvait se prévaloir à compter du 20 avril 2013 de la clause résolutoire du bail et a ordonné l'expulsion de la société dans un délai de huit jours.

6. Pour justifier de son intérêt à agir, Mme A... se prévaut d'un protocole transactionnel conclu entre elle et M. J... le 10 octobre 2014 dans le cadre des procédures de liquidation des sociétés constituées entre les époux, valant transaction au sens de l'article 2044 du code civil et prévoyant que lui soient attribués, notamment, deux des appartements de l'immeuble de la SARL du Pic d'Espade J... et Cie, les murs et fonds de commerce de bar-restaurant situés au rez-de-chaussée et sous-sol de cet immeuble, ainsi que l'immeuble dans lequel était exploité l'hôtel " La Mongie ", partie du patrimoine de la SCI J... La Mongie, érigé sur l'une des parcelles objet du permis de construire en cause, et destiné à être démoli pour la réalisation du projet en litige. Si la requérante ne se prévaut pas d'un acte authentique régularisant un transfert de propriété à son profit en application de ce protocole transactionnel, aucune pièce du dossier ne permet de remettre en cause la validité ni la date de cette transaction, ni son caractère d'engagement valant promesse de cession. Ainsi, Mme A... justifie qu'elle disposait, à la date du permis en litige, d'un titre valant promesse de cession à son profit de l'immeuble destiné à être démoli situé sur l'une des parcelles d'assiette du projet et de deux appartements, ainsi que des murs et fonds de commerce situés dans un immeuble implanté non loin du terrain d'assiette du projet. Aucune disposition, et notamment pas l'article L. 600-1-2 précité du code de l'urbanisme, qui prévoit expressément le cas d'une promesse de vente, n'exige du requérant qu'il justifie d'un transfert effectif de propriété à son profit de l'immeuble dont il se prévaut.

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 13 juin 2019 que le bail conclu entre la commune de Campan et la SCI J... La Mongie traduisait la volonté des parties que la société reste propriétaire de la construction édifiée sur la parcelle AY n° 82 et que la résiliation anticipée du bail par acquisition de la clause résolutoire n'entrainait pas, par elle-même, déchéance du droit de propriété conféré au preneur sur les constructions existantes et à venir. Dans ces conditions, la construction dans laquelle était exploité l'hôtel " La Mongie " était, à la date du protocole transactionnel dont Mme A... fait état, propriété du preneur du bail consenti par la commune de Campan et pouvait donner lieu à une promesse de cession à son profit. Ainsi que le soutiennent les requérantes, aucune disposition n'exige qu'une construction à usage de commerce soit exploitée pour que son propriétaire puisse s'en prévaloir pour soutenir qu'un permis de construire porte atteinte à son droit de propriété. Les requérantes sont, ainsi, fondées à soutenir que le tribunal ne pouvait rejeter leur demande comme irrecevable au motif que l'hôtel " La Mongie " n'était plus exploité et que la société exploitante en avait été expulsée.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande de permis de construire modificatif a été déposée le 24 octobre 2017. Elle n'a pu, par suite, qu'être affichée ultérieurement en mairie. Or, à la date de dépôt de la demande, il ressort des pièces du dossier que la construction appartenant au preneur de la parcelle AY n° 82 avait été démolie, le programme de chantier produit par la société Le chalet des étoiles prévoyant que la démolition devait intervenir au mois de juillet 2017 et aucune pièce du dossier ne permettant d'estimer que la démolition aurait eu lieu ultérieurement. Ainsi, cette destruction ayant entrainé l'extinction du droit de propriété sur ce bien, à la date d'affichage de la demande du permis de construire contesté, Mme A... ne pouvait plus se prévaloir d'aucune promesse de cession sur ce bien.

9. Mme A... peut en revanche se prévaloir, comme il a été dit ci-dessus, de sa qualité de titulaire d'une promesse de cession concernant les deux appartements, les murs et le fonds de commerce situés dans l'immeuble implanté à proximité du terrain d'assiette du projet. Toutefois, l'immeuble dans lequel sont situés les biens dont Mme A... se prévaut est implanté sur une parcelle située de l'autre côté de la voie, à une trentaine de mètres de distance, les deux immeubles ne sont pas exactement situés en face l'un de l'autre et Mme A..., qui se borne à invoquer sa qualité de voisin immédiat, n'apporte aucune précision sur les caractéristiques du projet qui affecteraient directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de ses biens, en termes, par exemple, d'accès, de vue, de circulation, d'ensoleillement ou de bruit. Elle ne justifie dès lors pas d'un intérêt à agir.

10. S'agissant de la SCI J... La Mongie, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la date à laquelle la demande de permis de construire a été affichée en mairie, la construction à usage d'hôtel qui était dans son patrimoine avait été détruit, de sorte que son droit de propriété doit être regardé comme éteint. Elle ne justifie donc pas davantage d'un intérêt à agir.

11. Au surplus, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ".

12. Il ressort des pièces du dossier et notamment du constat établi par un huissier de justice produit par la société Le chalet des étoiles, que le permis de construire modificatif en litige a été affiché sur le terrain, de façon continue, du 31 janvier au 3 avril 2018. Ainsi, le délai de recours contre ce permis expirait le mardi 3 avril 2018, le lundi 2 avril 2018 étant un jour férié. Par suite, la demande de première instance, enregistrée le 6 avril 2018, était tardive.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et la SCI J... La Mongie ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande comme irrecevable.

Sur les conclusions de la société Le chalet des étoiles tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

14. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".

15. La société Le chalet des étoiles demande la condamnation de Mme A... et de la société J... La Mongie à raison du comportement abusif que traduit l'instance d'appel engagée par elles à l'encontre du permis modificatif du 25 janvier 2018. Elle demande, en premier lieu, une indemnité de 259 460,40 euros TTC au titre des surcoûts liés au retard pris dans l'exécution du chantier de réalisation du projet, correspondant à l'actualisation des montants du marché de travaux qu'elle avait passé le 27 juin 2017 avec une entreprise et à l'indemnité versée à l'entreprise aux termes d'un protocole d'accord. Toutefois, tant les avenants au marché, des 24 septembre 2019 et 19 décembre 2019, que le protocole d'accord du 19 décembre 2019, sont antérieurs à l'engagement de l'instance d'appel de Mme A... et de la SCI J... La Mongie, le 24 août 2020. Les surcoûts dont la société fait état ne peuvent, par suite, être imputés à l'appel formé par les requérantes ni même à la première instance engagée contre le permis modificatif. La société indique d'ailleurs que le chantier a repris après l'ordonnance du 17 août 2020 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat de non-admission du pourvoi de Mme A... dirigé contre l'arrêt de la cour relatif à l'instance engagée à l'encontre du permis de construire initial du 12 juin 2014, ce que confirme l'attestation produite par la société établie par l'architecte du projet. La société demande, en second lieu, une indemnité de 100 000 euros correspondant aux intérêts de la somme qu'elle aurait dû percevoir dès la saison 2018-2019, si elle avait pu livrer en temps utile les logements alors réservés, la livraison ne pouvant, finalement, intervenir qu'en avril ou mai 2021. Elle ne produit toutefois aucun document corroborant la réalité des réservations dont elle se prévaut. Au surplus, aucun élément de l'instruction ne permet d'imputer un retard de livraison à l'instance d'appel ni même à la première instance, engagées par Mme A... et la société J... La Mongie à l'encontre du permis de construire modificatif. Par suite, les conclusions présentées par la société Le chalet des étoiles sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent être rejetées.

Sur l'amende pour requête abusive :

16. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société Le chalet des étoiles tendant à ce que les appelantes soient condamnées à une telle amende ne peuvent être accueillies.

Sur les frais exposés par les parties au litige :

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée sur leur fondement par Mme A... et la SCI J... La Mongie. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A... et de la SCI J... La Mongie, prises ensemble, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Le chalet des étoiles.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... et de la SCI J... La Mongie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Le chalet des étoiles sur le fondement des articles L. 600-7 du code de l'urbanisme et R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Mme A... et la société civile immobilière J... La Mongie, prises ensemble, verseront la somme de 1 500 euros à la société Le chalet des étoiles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à la SCI J... La Mongie, à la société par actions simplifiée Le chalet des étoiles et à la commune de Bagnères-de-Bigorre.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme I... C..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme F... G..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

Le président assesseur,

Frédéric FaïckLa présidente-rapporteure,

Elisabeth C...

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX02777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02777
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Délais de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET DUALE LIGNEY MADAR DANGUY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;20bx02777 ?
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