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15/06/2021 | FRANCE | N°19BX03743

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 19BX03743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 11 juillet 2016 par laquelle le président de la communauté intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS) a approuvé la vente d'un terrain envisagée entre la société SPLA Grand Sud et la société Holding Ethève en vue de la réalisation d'un multiplex dans la zone d'aménagement concerté Pierrefonds Aéroport, ainsi que la délibération du 31

juillet 2016 par laquelle le conseil communautaire de la CIVIS a approuvé cette vente...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 11 juillet 2016 par laquelle le président de la communauté intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS) a approuvé la vente d'un terrain envisagée entre la société SPLA Grand Sud et la société Holding Ethève en vue de la réalisation d'un multiplex dans la zone d'aménagement concerté Pierrefonds Aéroport, ainsi que la délibération du 31 juillet 2016 par laquelle le conseil communautaire de la CIVIS a approuvé cette vente.

Par un jugement n° 1601116, 1601121 du 16 août 2019, le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 septembre 2019 et le 11 janvier 2021, la société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal du 16 août 2019 ;

2°) d'annuler la décision du président de la CIVIS du 11 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre à la société publique locale d'aménagement SPLA Grand Sud de résilier tout acte relatif à la vente dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la CIVIS la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 juillet 2016 du président de la CIVIS ; la société SPLA étant un opérateur intégré à la CIVIS, elle ne disposait pas d'autonomie et était réputée agir sous le contrôle de cette dernière ; ainsi, il appartient au juge administratif de connaître de la légalité d'une mesure de contrôle effectuée par la CIVIS sur l'aménageur de la zone d'aménagement concerté (ZAC) désigné ; ainsi, l'accord donné à l'aménageur par le président de la CIVIS dans sa décision du 11 juillet 2016 sur le projet de vente d'une parcelle à une société tierce n'est pas un acte préparatoire ; cette décision ne présente pas le caractère d'un acte contractuel dès lors qu'elle s'affranchit du cadre défini par le traité de concession ; elle traduit une décision prise directement par l'autorité concédante et n'est donc pas rattachable au traité ;

- une question préjudicielle devra être posée si la cour nourrissait un doute sur le champ d'application du droit de la commande publique et le recours effectif à l'encontre de la décision en litige du 11 juillet 2016 ;

- la décision en litige du 11 juillet 2016 a été prise avant l'intervention de l'avis du service des domaines et résulte ainsi d'une procédure irrégulière ;

- la décision a méconnu les stipulations de la concession d'aménagement et notamment son annexe 6 visée par l'article 12 du traité qui prévoit que l'aménageur, après avoir instruit les demandes, doit solliciter l'accord du concédant sur l'identité de l'attributaire éventuel, le prix et les modalités de paiement ;

- la décision est illégale dès lors que la vente a été consentie à un prix anormalement bas (200 euros/m2) et contraire à l'intérêt communautaire ; il n'est pas établi que le prix retenu intègrerait la participation du constructeur au coût des équipements publics de la ZAC ;

- la décision a été prise en dépit d'une modification substantielle du programme d'aménagement de la ZAC ; le projet de multiplex ne figure pas dans le dossier de création de la ZAC mais est le résultat d'une étude confiée en 2015 par l'aménageur à la société Holding Ethève ;

- le président de la CIVIS a écarté l'offre proposée par ICC alors qu'elle était la plus avantageuse ; il n'a pas respecté les formalités de sélection des offres fixées dans le règlement intérieur de la CIVIS ni les clauses du traité de concession ;

- l'attributaire a bénéficié d'un avantage dans le cadre de la procédure de sélection dès lors qu'il a été lui-même à l'origine du projet de multiplex pour lequel il a conduit une étude ; il n'y a pas eu de sélection objective et le principe de transparence a été méconnu.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2020 et le 24 février 2021, la société publique locale d'aménagement (SPLA) Grand-Sud, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société ICC la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que les mesures d'exécution d'un contrat administratif ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation par un tiers ;

- l'existence d'une relation de " quasi-régie " entre le concédant et l'aménageur n'a aucune incidence sur la nature de mesure d'exécution du contrat que revêt la décision du 11 juillet 2016 ;

- au fond, tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2020 et le 25 février 2021, la société Holding Ethève, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société ICC la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que les mesures d'exécution d'un contrat administratif ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation par un tiers ;

- au fond, tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mai 2020 et le 26 février 2021, la communauté intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS), représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société ICC le paiement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel présentée par la société ICC est irrecevable dès lors qu'elle ne respecte pas les règles de représentation en justice fixées par l'article L. 227-6 du code de commerce ;

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que les mesures d'exécution d'un contrat administratif ne peuvent faire l'objet d'un recours en annulation par un tiers ;

- au fond, tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant la société Investissement et Commerce Cinéma, et de Me A...uyen, représentant la société Holding Etheve.

Une note en délibéré présentée pour la société Investissement et Commerce Cinéma a été enregistrée le 19 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 décembre 2012, le conseil communautaire de la communauté intercommunale des Villes Solidaires (CIVIS) a approuvé la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Pierrefonds-Aérodrome située sur le territoire de la commune de Saint-Pierre (La Réunion). La CIVIS a confié la réalisation de la ZAC à la société publique locale d'aménagement Grand Sud (SPLA Grand Sud) dont elle est l'un des actionnaires et sur laquelle elle dispose d'un pouvoir de contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services. Dans le cadre du traité de concession d'aménagement signé avec la CIVIS le 28 décembre 2012, la SPLA Grand-Sud a notamment été chargée de céder les biens immobiliers de la ZAC à divers utilisateurs agréés par la communauté intercommunale. Le 14 décembre 2016, la SPLA Grand-Sud a signé avec la société Holding Etheve une promesse de vente portant sur une partie de l'îlot n° 14 de la ZAC constituée de la parcelle cadastrée section CR n° 75, d'une superficie de 15 000 m2, sur laquelle le futur acquéreur doit réaliser un multiplex cinématographique. La société Investissement et Commerce Cinéma (ICC), dont l'offre d'acquisition du terrain concerné a été rejetée, ainsi qu'un autre demandeur, ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 11 juillet 2016 et la délibération du 31 août 2016 par lesquelles, respectivement, le président de la CIVIS et le conseil communautaire de la CIVIS ont approuvé la vente du terrain à la société Holding Etheve. La société ICC relève appel du jugement rendu le 16 août 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme irrecevable. Elle demande à la cour d'annuler ce jugement et d'annuler la décision du président de la CIVIS du 11 juillet 2016.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 227-6 du code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées : " La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social. (...) Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article. ". Le président de la société ICC est M. K... J... ainsi désigné par l'article 21 des statuts, son directeur général étant M. H... J... selon l'article 22 des mêmes statuts. Il ressort de ses écritures d'appel que la société ICC est représentée par son directeur général.

3. Aux termes de l'article 9 des statuts de la société ICC : " La société est représentée, dirigée et administrée par un Président (...) Pouvoirs. Le Président dirige la Société et la représente à l'égard des tiers. A ce titre il est investi de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toutes circonstances au nom de la Société, dans la limite de l'objet social et des pouvoirs expressément dévolus par les dispositions légales et les présents statuts aux décisions collectives des associés. Le Président peut, sous sa responsabilité, consentir toutes délégations de pouvoirs à tout tiers pour un ou plusieurs objets déterminés. ".

4. Il résulte de ces dispositions et stipulations que la société ICC est représentée en justice par son président, lequel peut consentir une délégation au directeur général pour assurer notamment la représentation en justice de la société. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur général de la société ait été investi du pouvoir de représenter la société ICC en justice. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la CIVIS, dans son mémoire du 15 mai 2020, tirée de l'absence de qualité du directeur général pour agir au nom de la société ICC, doit être accueillie et la requête rejetée comme irrecevable.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la société ICC une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CIVIS et non compris dans les dépens. La société ICC versera également la somme de 1 500 euros au titre de ces frais à la SPLA Grand Sud et la même somme à la société Holding Etheve. En revanche, les conclusions présentées par la société ICC sur ce même fondement doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19BX03743 est rejetée.

Article 2 : La société ICC versera à la CIVIS, à la SPLA Grand Sud et à la société Holding Etheve la somme de 1 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Investissement et Commerce Cinéma, à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Grand-Sud, à la communauté intercommunale des Villes Solidaires et à la société Holding Etheve.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. H... C..., président-assesseur,

Mme G... I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

Le rapporteur,

Frédéric C...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX03743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03743
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

54-07-01-03-02 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Conclusions. Conclusions irrecevables.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frederic FAICK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : NGUYEN XAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;19bx03743 ?
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