Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Energie Ménétréols, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 2 août 2017 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, dénommée parc éolien des Chênes, sur le territoire de la commune de Ménétréols-sous-Vatan, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1701765 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrées le 7 août 2019, le 29 août 2019, le 11 mars 2021 et le 6 mai 2021, la société Energie Ménétréols, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de l'Indre du 2 août 2017 portant refus d'autorisation d'exploiter en tant qu'il concerne la ligne Ouest ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée assortie le cas échéant de prescriptions particulières, à défaut, de reprendre l'instruction de sa demande et de se prononcer sur celle-ci dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'organiser, le cas échéant, une visite sur les lieux :
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- en l'absence des signatures de la formation de jugement et du greffier, le jugement est irrégulier ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en l'absence d'élément justifiant de l'aggravation de l'encerclement du bourg de Ménétréols-sous-Vatan et de l'effet de saturation visuelle et de l'impossibilité d'y remédier par des prescriptions appropriées ;
- il est entaché d'un vice de procédure, la composition de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ayant été irrégulière et n'ayant pas permis d'assurer l'impartialité requise ;
- les motifs retenus par le préfet tirés de la saturation visuelle et de l'effet d'encerclement du projet sur les lieux avoisinants sont infondés ; le village de Ménétréols-sous-Vatan ne présente pas un intérêt particulier et se situe à proximité de grands axes de communication dans une zone reconnue comme favorable au développement de l'éolien par le schéma régional éolien ; les indices de saturation visuelle tels que calculés par le préfet sont à interpréter avec prudence et induisent en particulier une notion d'encerclement faussée qui doit être redéfinie ; le calcul des angles occupés par les différents parcs existants doit être relativisé ; le projet voisin dénommé " Liniez II " composé de cinq éoliennes qui présente des similitudes avec le projet des Chênes et qui inclut un indice d'occupation des horizons supérieur à celui indiqué dans l'étude paysagère du projet des Chênes a été accepté par le préfet de l'Indre le 8 juillet 2019 ; le projet des Chênes laisse inchangés de grands angles de respiration au nord et au sud de la commune, bien qu'augmentant la densification de la zone, et n'engendre pas de saturation visuelle sur les communes et hameaux environnants ; l'étude d'impact qui consacre de longs développements à l'étude des effets cumulés des parcs situés dans un rayon de 10 kilomètres, conclut à un bilan globalement positif ; en outre la direction départementale des territoires de l'Indre a émis un avis plutôt favorable au projet ; le projet ne sera pas visible depuis le centre du village de Ménétréols-sous-Vatan ; les mesures de réduction et de compensation mentionnées dans l'étude paysagère visant à atténuer la perception du projet permettent de limiter les atteintes aux paysages et l'effet de saturation visuelle ; les éoliennes bien que visibles depuis quatre sorties du bourg de Ménétréols-sous-Vatan s'intègrent dans la densification des parcs éoliens existants sans accroitre la saturation visuelle depuis ce bourg ; le village de Paudy ne sera pas en situation de saturation visuelle aggravée par le projet compte tenu que l'indice d'occupation des horizons, déjà dépassé, demeure inchangé ;
- en refusant l'autorisation d'exploiter sollicitée le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2018-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... C...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,
- et les observations de Me D..., représentant la société Energie Ménétréols.
Une note en délibéré présentée pour la société Energie Ménétréols a été enregistrée le 29 mai 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société Energie Ménétréols a déposé, le 29 septembre 2015, une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant sept aérogénérateurs d'une puissance unitaire maximale de 2 MW et deux postes de livraison électrique, sur le territoire de la commune de Ménétréols-sous-Vatan (Indre). Par arrêté du 2 août 2017, le préfet de l'Indre a refusé de délivrer à la société Energie Ménétréols l'autorisation d'exploiter demandée. La société Energie Ménétréols dans le dernier état de ses écritures, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté en tant qu'il concerne la ligne Ouest et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) ". En vertu de l'article L. 211-5 du même code, la motivation " doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Après avoir décrit en détail les éléments caractéristiques du secteur d'implantation du projet de parc éolien, le préfet a relevé que les paysages de la Champagne berrichonne et notamment le bourg de Ménétréols-sous-Vatan, situé sur la partie haute du plateau, sont déjà fortement marqués par le grand éolien et que la présence de ce parc accentuerait une situation de saturation visuelle et d'encerclement de ce bourg déjà établie. Il ajoute que dans les communes avoisinantes de Liniez, Paudy et Lizeray situées dans un rayon de 10 km autour du projet, l'analyse de l'étude d'impact montre que deux ou trois des indices caractérisant une situation de saturation visuelle et un effet d'encerclement sont dépassés. Contrairement à ce que soutient la société appelante, quand bien même le préfet de l'Indre fait référence à des indices d'analyse des risques de saturation visuelle mentionnés dans l'étude d'impact sans en préciser la méthode de calcul, cette motivation, qui se réfère par ailleurs aux dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, et qui permet de comprendre les éléments de droit et de fait sur lesquels la décision est fondée, est suffisante.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 341-16 du code de l'environnement : " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites concourt à la protection de la nature, à la préservation des paysages, des sites et du cadre de vie et contribue à une gestion équilibrée des ressources naturelles, et de l'espace dans un souci de développement durable. Elle est régie par les dispositions des articles 8 et 9 du décret n° 2006-665 du 7 juin 2006. / (...) / II. - Au titre de la préservation des sites et des paysages, du cadre de vie et de la gestion équilibrée de l'espace, la commission exerce notamment, dans les cas et selon les modalités prévus par les dispositions législatives ou réglementaires, les attributions suivantes : / 1° Elle prend l'initiative des inscriptions et des classements de site, émet un avis sur les projets relatifs à ces classements et inscriptions ainsi qu'aux travaux en site classé ; / 2° Elle veille à l'évolution des paysages et peut être consultée sur les projets de travaux les affectant ; / 3° Elle émet les avis prévus par le code de l'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article R. 341-17 du même code : " La commission départementale de la nature, des paysages et des sites est présidée par le préfet et composée de membres répartis en quatre collèges : / 1° Un collège de représentants des services de l'Etat, membres de droit ; il comprend notamment le directeur régional de l'environnement ; / 2° Un collège de représentants élus des collectivités territoriales et, le cas échéant, de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale ; / 3° Un collège de personnalités qualifiées en matière de sciences de la nature, de protection des sites ou du cadre de vie, de représentants d'associations agréées de protection de l'environnement et, le cas échéant, de représentants des organisations agricoles ou sylvicoles ; / 4° Un collège de personnes compétentes dans les domaines d'intervention de chaque formation spécialisée (...) ". Aux termes de son article R. 341-18 : " La commission se réunit en six formations spécialisées, présidées par le préfet ou son représentant et composées à parts égales de membres de chacun des quatre collèges (...) ". Selon l'article R. 341-20 de ce code " La formation spécialisée dite " des sites et paysages " exerce les compétences dévolues à la commission au titre des 1°, 2° et 3° du II de l'article R. 341-16. / Les membres du deuxième collège comprennent au moins un représentant d'établissement public de coopération intercommunale intervenant en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. / Les membres du quatrième collège sont des personnes ayant compétence en matière d'aménagement et d'urbanisme, de paysage, d'architecture et d'environnement ". Dans sa version issue du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, en vigueur depuis le 1er mars 2017, cet article prévoit également que " Lorsque cette formation est consultée sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, un représentant des exploitants de ce type d'installations est invité à siéger à la séance au cours de laquelle la demande d'autorisation de cette exploitation est examinée et a, sur celle-ci, voix délibérative ". Enfin aux termes de l'article R. 133-12 du code des relations entre le public et l'administration : " Les membres d'une commission ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet ".
6. Aux termes du 2° de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, pour l'application de laquelle a été pris le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 : " Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance (...) ".
7. D'une part, la société Energie Ménétréols reprend en appel le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que, lors de sa séance du 4 juillet 2017 au cours de laquelle a été examiné le projet de parc éolien des Chênes, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans sa formation " des sites et paysages " était irrégulièrement composée à défaut de représentant des exploitants d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Toutefois, ainsi que l'a indiqué le tribunal, la demande d'autorisation d'exploiter ayant été présentée le 29 septembre 2015 et complétée le 5 août 2016, soit avant le 1er mars 2017, les règles de forme et de procédure applicables au cours de l'instruction de la demande étaient, en application du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à cette date. Il en résulte que la société Energie Ménétréols ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 341-20 du code de l'environnement dans leur version en vigueur à compter du 1er mars 2017.
8. Par ailleurs, il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 15 juin 2016 du préfet de l'Indre portant modification de la composition de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites que la présence des suppléants n'est pas subordonnée à l'empêchement des titulaires mais seulement à l'absence de ces derniers. Dès lors, comme l'a jugé le tribunal, le moyen réitéré en appel tiré de ce que l'une des membres de la commission, suppléante du délégué départemental de la fondation du patrimoine, ne pouvait siéger lors de la séance du 4 juillet 2017 en l'absence de preuve que le membre titulaire était empêché, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier était présent lors de la séance, doit être écarté.
9. D'autre part, si, ainsi que le soutient l'appelante, cette même membre du collège, compétente en matière d'aménagement et d'urbanisme, d'architecture et d'environnement qui était en 2008 et 2010 vice-présidente de l'association Vent contraire, a exprimé alors publiquement sa position défavorable à l'implantation d'éoliennes et a représenté cette association à l'occasion de recours portés devant le tribunal dirigés notamment contre des permis de construire délivrés pour l'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Ménétréols-sous-Vatan, cette seule circonstance relativement ancienne, ne saurait caractériser un intérêt personnel à l'affaire examinée par la commission le 4 juillet 2017 au sens de l'article R. 133-12 du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, ainsi que le rappelle le tribunal, il résulte du compte-rendu de la séance de la commission que, si cette membre du collège s'est exprimée à plusieurs reprises par des remarques défavorables au projet, le secrétaire général de la préfecture de l'Indre, le rapporteur devant la commission, le maire de Ménétréols-sous-Vatan et le porteur de projet ont pu répondre précisément à ces remarques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité par un membre de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ".
11. Pour rejeter les demandes de permis de construire présentées par la société Energie Ménétreols, le préfet, se fondant uniquement sur l'atteinte à la commodité du voisinage, a estimé d'une part, que " les paysages de la Champagne berrichonne et notamment le bourg de Ménétréols sous-Vatan sont déjà marqués par la présence du grand éolien puisque qu'à ce jour, autour de la commune et uniquement dans la partie indrienne de la zone 15, se trouvent -dans un rayon de 5 km, 22 aérogénérateurs en fonctionnement, -dans un rayon de 10 km, 27 aérogénérateurs en fonctionnement et 12 autorisés soit un total de 39, -dans un rayon de 15 km, 34 aérogénérateurs en fonctionnement et 40 autorisés soit un total de 74 ". Le préfet a estimé, d'autre part, que " l'analyse des risques de saturation visuelle présente dans l'étude d'impact montre que pour la commune de Ménétréols-sous-Vatan : -l'indice d'occupation des horizons est de 126 ° (seuil d'alerte fixé 120°), -l'indice de densité sur les horizons occupés est de 0.27° (seuil d'alerte 0.1°) -l'espace de respiration est de 68.7° (seuil requis de 160 °), et que l'étude d'impact conclut que "le parc éolien des Chênes accentue une situation de saturation visuelle déjà établie " (page 181 de la notice paysagère). " Le préfet précise enfin " que pour les communes de Liniez, Paudy et Lizeray, situées dans un rayon de 10 km autour de Ménétréols-sous-Vatan, l'analyse des risques de saturation visuelle montre également que deux ou trois des indices de saturation visuelle et d'encerclement sont dépassés et " que le projet d'implantation d'éoliennes serait de nature à aggraver l'encerclement du bourg de Ménétréols-sous-Vatan et l'effet de saturation visuelle ".
12. D'une part, il ressort de la motivation de l'arrêté contesté ci-dessus reprise, que le préfet de l'Indre n'a pas entendu se fonder sur le motif tiré de ce que le projet de parc éolien des Chênes porterait atteinte au paysage déjà fortement encombré par les éoliennes, mais qu'il ne s'est fondé que sur les inconvénients du projet concernant la commodité du voisinage compte tenu de l'effet d'encerclement de certains bourgs et de saturation visuelle induit par ce projet.
13. D'autre part, le site d'implantation du projet de parc éolien des Chênes se situe dans l'unité paysagère de la Champagne berrichonne sur un plateau de cultures agricoles faiblement ondulé, peu boisé, qui offre de larges perspectives et qui est ponctué de petits bourgs et dans un environnement déjà fortement marqué par la présence de plusieurs parcs éoliens dont le parc éolien des Blés d'Or et le parc éolien des Pièces de Vignes. Plus précisément, il résulte notamment du cahier de photomontages joint, que compte tenu du faible relief des paysages, les éoliennes projetées seront fréquemment visibles depuis les points de vue proches ou lointains et notamment depuis le bourg de Ménétréols-sous-Vatan situé à 1,9 kilomètres sur un plateau à une altitude de 220 mètres. Au-delà de 5 km du site du projet, le parc projeté sera en situation de covisibilité avec certaines des cent cinquante éoliennes des différents parcs déjà construits ou autorisés dans un rayon de 30 km dont les parcs des Blés d'Or, de Ménétréols-sous-Vatan et des Pièces de Vignes, qui regroupent à eux seuls 27 éoliennes et se trouvent dans un rayon de 5 kilomètres autour du site d'implantation. Ainsi le parc des Chênes viendra comme l'indique le préfet, s'ajouter à un paysage éolien déjà chargé.
14. La société Energie Ménétréols soutient que les indices de saturation visuelle du paysage tels qu'indiqués par le préfet sont à interpréter avec prudence et induisent en particulier une notion d'encerclement faussée qui doit être redéfinie et relativisée. Cependant, des études scientifiques ont permis de mettre au point une méthodologie, reprise par les services de l'Etat depuis plusieurs années, et d'ailleurs aussi par les cabinets d'études dont celui ayant établi l'étude d'impact concernant le projet en litige, qui bien que ne résultant d'aucun texte règlementaire, permet de définir et de quantifier la saturation visuelle du point de vue de l'habitant et d'une personne de passage à partir de l'analyse de trois indices d'alerte : l'indice d'occupation de l'horizon, l'indice de densité des horizons occupés et l'indice d'espace de respiration (ou angle de respiration) auxquels doit s'ajouter une appréciation affinée au cas par cas de la topographie des lieux. En l'espèce ainsi que le mentionne le préfet, pour la commune de Ménétréols-sous-Vatan située à 1,9 km du projet éolien en litige, les trois indices d'alerte de saturation visuelle, d'ailleurs repris dans l'étude d'impact, sont largement dépassés. Ainsi, l'indice d'occupation des horizons est de 126° alors que le seuil d'alerte est évalué à 120°, l'indice de densité sur les horizons occupés est de 0,27° alors que le seuil d'alerte est évalué à 0,1° et l'espace de respiration est de 68,7° alors qu'il est généralement admis qu'il doit être supérieur à 160° pour qu'il n'en résulte pas une atteinte excessive à la commodité des riverains. Si la société soutient que les calculs des indices de saturation visuelle seraient erronés dès lors que des angles auraient été comptabilisés deux fois, il ressort toutefois des études disponibles sur internet concernant la saturation visuelle et notamment celle utilisée par le préfet du Centre, que le calcul de l'indice d'occupation de l'horizon ne prend pas en compte deux fois les angles de vue lorsque deux parcs éoliens se trouvent alignés ou superposés, et que pour le calcul de la densité sur les horizons occupés un ratio entre la totalité des angles de vues comptabilisés selon le premier indice et le nombre d'éoliennes présentes à moins de 5 kilomètres est effectué. De plus, contrairement à ce que soutient la société, le parc éolien des Chênes et plus précisément sa ligne Ouest, la ligne Est ayant été abandonnée, est positionné pour partie sur le même axe que d'autres parcs et pour partie, dans un angle de respiration du village ce qui engendre une augmentation non seulement de l'indice d'occupation de l'horizon et de l'indice de densité d'occupation de l'horizon, mais également une diminution de l'indice d'espace de respiration disponible. En outre, contrairement à ce que soutient la société, le projet éolien de Liniez II, autorisé par le préfet, compte tenu de son positionnement, plus éloigné et en alignement de parcs existants, n'aura pas pour effet d'augmenter le niveau de saturation visuelle du village de Ménétréols-sous Vatan et ne se trouve ainsi pas dans la même situation que le parc des Chênes qui induit ainsi qu'il a été dit, une réduction de l'indice d'espace de respiration, déjà saturé. Par ailleurs, la circonstance que le parc éolien projeté ne sera visible que depuis les abords du village de Ménétréols-sous-Vatan ne permet pas de remettre en cause la réalité pour de nombreux habitants de l'effet de saturation induit par le projet des Chênes dans un paysage déjà largement saturé.
15. Enfin, si la société soutient que le village de Paudy se trouve déjà en situation de saturation visuelle, il ressort des cartes et du tableau de synthèse des niveaux de saturation visuelle produits par la société qu'au moins deux des trois indices de saturation visuelle qui sont largement dépassés seront aggravés par la présence du parc des Chênes dès lors que l'indice d'occupation des horizons atteint 202°, avec une augmentation de 4,2°, quand le seuil admis se situe à 120°, que l'espace de respiration est corrélativement diminué à 54,2° quand le seuil admis se situe à 160°, et que rien ne permet d'attester que la végétation présente serait de nature à supprimer entièrement les graves inconvénients induits par le parc des Chênes.
16. Par conséquent, alors que l'addition de ces risques ou nuisances serait de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des riverains et que les mesures de réduction et de compensation proposées dans l'étude paysagère consistant à créer un filtre végétal aux abords des entrées et sorties du village de Ménétréols-sous-Vatan ne permettent pas de remédier à cette situation, le projet litigieux présente des inconvénients excessifs pour la protection de la commodité du voisinage qui ne sauraient être prévenus par des prescriptions spéciales.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une visite des lieux, que la société Energie Ménétréols n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral lui refusant l'autorisation d'exploiter le parc éolien des Chênes. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris dans ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Energie Ménétréols est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Energie Ménétréols et à la ministre de la transition écologique.
Une copie en sera adressée au préfet de l'Indre et à la commune de Ménétréols-sous-Vatan.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme B... C..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.
La rapporteure,
Caroline C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03308