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14/06/2021 | FRANCE | N°19BX01282

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 14 juin 2021, 19BX01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Saint-Symphorien lui a demandé de reprendre ses fonctions d'aide-soignante à temps complet sans restriction sur un poste d'après-midi à compter du 20 février 2017 ainsi que la décision du 20 février 2017 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Saint-Symphorien a refusé de fai

re droit à sa demande tendant à sa réintégration sur un poste de nuit ou sur un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Saint-Symphorien lui a demandé de reprendre ses fonctions d'aide-soignante à temps complet sans restriction sur un poste d'après-midi à compter du 20 février 2017 ainsi que la décision du 20 février 2017 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Saint-Symphorien a refusé de faire droit à sa demande tendant à sa réintégration sur un poste de nuit ou sur un poste de jour aménagé.

Par un jugement n°1701027 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien en date du 16 février 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mars et 1er août 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2019 en tant qu'il a écarté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2017 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Saint-Symphorien a refusé de faire droit à sa demande tendant à sa réintégration sur un poste de nuit ou sur un poste de jour aménagé ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au CCAS de Saint-Symphorien de l'affecter sur un poste de nuit et subsidiairement de lui enjoindre de réexaminer sa demande de reprise de fonctions sur un poste de nuit ou sur un poste de jour aménagé ;

4°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Symphorien la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du comité médical, consulté en application de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, est irrégulier car elle n'a pas été informée de l'objet de la réunion du comité médical ;

- le comité médical était irrégulièrement composé ;

- l'avis a été signé par une autorité incompétente ;

- le comité ne s'est pas prononcé au vu du pré-rapport de l'expert judiciaire ;

- la décision en litige est entachée d'erreur d'appréciation, car elle établit son inaptitude à reprendre ses fonctions sans aménagement de son poste et qu'un travail de nuit nécessite moins de manipulations ;

- la décision en litige a pour effet de l'évincer du service pour des motifs étrangers à son état de santé et à l'intérêt du service ;

- s'agissant de l'appel incident présenté par le CCAS de la commune de Saint-Symphorien, aucun moyen n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 28 mai et 9 septembre 2019, le CCAS de la commune de Saint-Symphorien, représenté par Me E..., demande à la cour de :

1°) de rejeter la requête de Mme B... ;

2°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2019 en tant qu'il a annulé la décision du 16 février 2017 par laquelle la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien lui a demandé de reprendre ses fonctions d'aide-soignante à temps complet sans restriction sur un poste d'après-midi à compter du 20 février 2017 ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun moyen n'est fondé ;

- la demande de première instance présentée par Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2016 est irrecevable, car il s'agit d'une mesure d'ordre intérieur ;

- le moyen tiré de l'incompétence retenu par le tribunal était inopérant, car la directrice de l'EHPAD était en situation de compétence liée pour prendre cette décision suite à l'avis émis par le comité médical ;

- en tout état de cause, ce moyen manque en fait.

Par une ordonnance du 15 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2021.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées pour le CCAS de Saint-Symphorien le 11 mai 2021.

Par courrier du 10 mai 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes du CCAS de Saint-Symphorien en tant qu'elles portent sur l'article 1er du jugement attaqué annulant la décision de la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien en date du 16 février 2017, qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 2 de ce jugement rejetant le surplus des conclusions de Mme B....

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

-le décret n°85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... représentant Mme B... et de Me E... représentant le CCAS de Saint-Symphorien.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Saint-Symphorien pour occuper, à compter du 1er mai 2014, un emploi d'auxiliaire de soins et a été affectée dans une équipe de nuit au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Saint-Symphorien. Elle a été victime le 9 octobre 2014, sur son trajet de travail, d'un accident de la circulation. Mme B... a été placée en congé de maladie pour accident de service à compter de cette date jusqu'au 26 novembre 2014, par un arrêté du 1er décembre 2014, puis, placée en congé de maladie ordinaire à compter du 27 novembre 2014, par un arrêté du même jour. En dernier lieu, après l'expiration de ses droits à congé de maladie ordinaire, elle a été placée en disponibilité d'office à compter du 27 novembre 2015. Mme B... ayant contesté la date de consolidation de son état de santé, retenue par le CCAS, la commission de réforme a été consultée et a, dans un avis émis le 18 décembre 2015, fixé la date de consolidation de son état de santé au 26 novembre 2014. Parallèlement, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a, le 20 octobre 2015, ordonné une expertise judiciaire afin de déterminer si les troubles cervicaux qui l'affectent étaient des conséquences de l'accident de service dont elle a été victime le 9 octobre 2014 et si son état antérieur a été aggravé. Après avoir communiqué aux parties un pré-rapport daté du 25 décembre 2015, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 14 juin 2016. Puis, après avoir demandé l'avis du comité médical départemental, la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien a, par un courrier daté du 21 janvier 2016, demandé à Mme B... de reprendre ses fonctions le 27 janvier 2016 à 7h sur un poste de jour. Par courrier du 5 juillet 2016, Mme B... a demandé au président du CCAS de Saint-Symphorien à pouvoir reprendre ses fonctions sur le poste de nuit occupé avant son arrêt de travail, ou à défaut à être reclassée sur un poste de jour aménagé et à ce que la date de consolidation de son état de santé, à la suite de l'accident de service précité, soit fixée au 1er avril 2015. Par une décision du 7 juillet 2016, le président du CCAS a opposé un refus à ses demandes. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation du courrier du 21 janvier 2016 précité et de la décision du 7 juillet 2016. Enfin, suite à l'avis du comité médical du 1er février 2017, la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien a, par un courrier daté du 16 février 2016, demandé à Mme B... de reprendre ses fonctions le 27 janvier 2016 sur un poste d'après-midi. En parallèle, Mme B... a exercé un recours gracieux, réceptionné le 20 février 2017. Par une décision du 20 février 2017, le président du CCAS de Saint-Symphorien a refusé de faire droit à sa demande tendant à sa réintégration sur un poste de nuit ou sur un poste de jour aménagé. Par un jugement n°1603571 du 21 novembre 2018, le tribunal a annulé les décisions des 21 janvier et 7 juillet 2016. Le CCAS de Saint-Symphorien a relevé appel de ce jugement par une requête enregistrée au greffe de la cour, sous le n°19BX0244. Par un jugement n°1701027 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de la directrice de l'EHPAD de Saint-Symphorien en date du 16 février 2017 demandant à Mme B... de reprendre ses fonctions le 27 janvier 2016 sur un poste d'après-midi et a rejeté le surplus de la demande présentée par Mme B.... Dans la présente instance, Mme B... relève appel de ce jugement. Le CCAS de Saint Symphorien présente également un appel incident.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 février 2017 :

2. L'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. (...) ". L'article 2 de ce décret dans sa version alors en vigueur dispose : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par cet agent ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise judiciaire du 14 juin 2016 que dans les suites de l'accident de service du 9 octobre 2014, au cours duquel est survenu un traumatisme cervical sans choc, Mme B... a présenté une pathologie associant une cervicalgie et une limitation des mouvements du cou, ainsi qu'une névralgie cervico-brachiale, qui ne s'est révélée qu'à l'occasion de l'accident. L'expert judiciaire a fixé la date de consolidation de son état de santé en lien avec cet accident de service au 1er avril 2015.

5. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est apte à retravailler mais que, compte-tenu de sa pathologie, elle ne peut reprendre, selon l'expert judiciaire, un service que sur un poste n'incluant pas le port de charges lourdes, ni le transfert de patients. Ainsi, un poste en unité protégé de jour ou de nuit ou un poste de nuit en unité ouverte est préférable à un poste de jour en unité ouverte, qui s'avère plus traumatisant pour le rachis cervical qu'un poste en unité protégé ou de nuit, ainsi que l'a indiqué le médecin de médecine préventive dans sa fiche de visite médicale du 11 mai 2017. Par suite, la décision du 20 février 2017 refusant de l'affecter sur un poste de nuit ou sur un poste aménagé est entachée d'erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens, il y a lieu d'annuler ce jugement et la décision du 20 février 2017.

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Eu égard à ces motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le CCAS de Saint-Symphorien procède, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation de Mme B... au regard de son état de santé et qu'il prenne une nouvelle décision sur la demande de réintégration de l'agent sur un poste de nuit ou sur un poste aménagé.

Sur les conclusions d'appel incident :

8. Les conclusions incidentes du CCAS de Saint-Symphorien portent sur l'article 1er du jugement attaqué, annulant la décision du 16 février 2017 et soulèvent un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 2 de ce jugement rejetant le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme B.... Ces conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont par suite irrecevables.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'a pas la qualité perdante, la somme que demande le CCAS de Saint-Symphorien au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CCAS de Saint-Symphorien la somme de 1 000 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions précitées.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 30 janvier 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2017 du président du CCAS de Saint-Symphorien.

Article 2 : La décision du 20 février 2017 du président du CCAS de la commune de Saint-Symphorien est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au président du CCAS de Saint-Symphorien, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B... au regard de son état de santé et de prendre une nouvelle décision sur sa demande de réintégration sur un poste de nuit ou sur un poste aménagé.

Article 4 : Le CCAS de Saint-Symphorien est condamné à verser la somme de 1000 euros à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions d'appel présentées par le CCAS de Saint-Symphorien sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CCAS de Saint-Symphorien et à Mme B....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseur,

Mme D... A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2021.

La rapporteure,

Déborah A...Le président,

Didier Artus

Le greffier

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de de la transformation et de la fonction publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 19BX01282
Date de la décision : 14/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Deborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BOYANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-14;19bx01282 ?
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