Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion :
1°) d'annuler les décisions du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion lui refusant le bénéfice de la prime de détachement, de la nouvelle bonification indiciaire (NBI)
et du supplément familial de traitement (SFT) variable à compter du 1er décembre 2016,
et d'enjoindre au CHU de lui verser ces compléments de rémunération ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros mise
à sa charge par un titre de recette émis le 14 juin 2017 à raison d'un indû de prime de détachement et de NBI ;
3°) d'annuler les décisions lui refusant le bénéfice de congés annuels, de jours épargnés sur son compte épargne-temps et d'heures de récupération au titre de l'année 2017,
et d'enjoindre au CHU de lui accorder ces avantages ;
4°) d'enjoindre au CHU de la réintégrer dans les fonctions de " chargée de mission pour des projets " ;
5°) d'enjoindre au CHU de la rétablir dans son droit à intégration dans la fonction publique hospitalière ;
6°) d'annuler la décision du CHU refusant de modifier son évaluation professionnelle de 2016 et d'enjoindre au CHU de lui attribuer une note calculée sur la base de la moyenne des notes obtenues au titre des années 2014 et 2015 ;
7°) de condamner le CHU à lui verser la somme de 5 276 euros, majorée des intérêts au taux légal, à titre de rappel de traitement pour la période du 1er décembre 2016 au 30 juin 2017 ;
8°) de condamner le CHU à lui verser, avec intérêts au taux légal, les sommes
de 5 000 euros au titre de la privation de revenus en période de fêtes et de rentrée scolaire, de 1 500 euros au titre de l'exécution tardive de l'ordonnance du juge des référés n° 1700063 du 1er mars 2017 et de 150 000 euros en réparation du harcèlement dont elle estimait avoir été victime depuis l'année 2015.
Par un jugement n° 1700606 du 8 janvier 2019, le tribunal a condamné le CHU de
La Réunion à verser à Mme C... une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de son éviction
par une décision du 28 novembre 2016, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2019 et des mémoires enregistrés
les 16 avril et 9 novembre 2020, Mme C..., représentée par Me G..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion
lui refusant le bénéfice de la prime de détachement, de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et du supplément familial de traitement (SFT) à compter du 1er décembre 2016 et d'enjoindre
au CHU de lui verser les sommes correspondantes depuis décembre 2016, sous astreinte
de 100 euros par jour de retard à compter de sa demande préalable du 9 mai 2017 ;
3°) d'annuler le titre de recette n° 137666 du 14 juin 2017 d'un montant
de 9 337,77 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, ou à titre subsidiaire de condamner le CHU de La Réunion à lui verser une indemnité compensatrice
de 9 337,77 euros ;
4°) d'annuler la décision lui refusant le bénéfice de congés annuels, de jours épargnés sur son compte épargne-temps et d'heures de récupération au titre de l'année 2017 et d'enjoindre au CHU de lui accorder les congés et les heures de récupération demandés sous astreinte
de 100 euros par jour de retard à compter du 9 mai 2017 ;
5°) d'enjoindre au CHU de la réintégrer dans ses fonctions initiales de " chargée
de mission pour des projets " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter
de sa demande préalable du 9 mai 2017 ;
6°) d'annuler la décision refusant de modifier sa notation et son évaluation de l'année 2016 et d'enjoindre au CHU de lui attribuer la moyenne de ses notes obtenues en 2014 et 2015 sous astreinte de 100 euros à compter de la notification de sa demande du 22 novembre 2016 ;
7°) de condamner le CHU à lui verser ses primes, NBI et SFT variable à compter
de décembre 2016 et pour les mois suivants ;
8°) de condamner le CHU à lui verser les sommes de 5 276 euros au titre des rappels
de salaire à plein traitement de décembre 2016 à juin 2017, de 5 000 euros au titre du préjudice résultant de la privation de revenus en période de fêtes et de rentrée scolaire, de 1 500 euros
au titre du préjudice résultant du retard d'exécution de l'ordonnance du juge des référés
du 1er mars 2017, et de 150 000 euros en réparation du harcèlement moral subi depuis 2015,
avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 9 mai 2017 et capitalisation
à compter du 9 mai 2018 ;
9°) de mettre à la charge du CHU de La Réunion une somme de 5 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors qu'elle a critiqué le jugement, sa requête est recevable ;
- elle produit les pièces du dossier pénal dont il ressort que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas pris en compte le harcèlement moral et ont refusé d'annuler l'ensemble
des décisions défavorables prises à son encontre ;
En ce qui concerne la compétence des auteurs des décisions contestées :
- en l'absence de preuve de la compétence de leurs différents auteurs, les décisions contestées doivent être annulées pour incompétence ;
- le titre de recettes ne mentionne pas les nom, prénom et qualité de la personne l'ayant émis et l'administration ne lui a jamais communiqué le bordereau devant comporter la signature de l'émetteur ;
En ce qui concerne la motivation :
- la lettre du 1er juin 2017 lui réclamant le reversement de la somme de 9 337,77 euros ne comporte aucune motivation ;
- le titre de recettes, qui ne comporte pas les bases de liquidation du trop-perçu,
est insuffisamment motivé, et la lettre du 1er juin 2017 ne comporte pas davantage les éléments de liquidation du trop-perçu ;
- la suppression rétroactive de la prime mensuelle de 256 euros, de la NBI de 130,92 euros et du SFT variable de 244,27 euros sur la fiche de paie de juin 2017 n'a été justifiée par aucune décision préalable ;
- dès lors qu'elle a produit un courriel comprenant différentes relances entre le 14
et le 24 avril 2017 ainsi que ses demandes de congés, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle ne justifiait pas l'existence d'une décision ; en l'absence de motivation, le refus implicite doit être annulé et le CHU condamné à lui accorder ses congés ;
- la décision du 24 mai 2017 refusant de modifier sa notation de 2016 n'est pas motivée ;
En ce qui concerne la violation du principe de parallélisme des formes :
- la demande de remboursement des primes versées indûment, prise par le directeur des sites Sud, modifie des décisions prises en 2009 par le directeur de site ;
En ce qui concerne la violation du principe du contradictoire :
- les " décisions litigieuses " n'ont pas été précédées d'une procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
En ce qui concerne la procédure d'émission du titre de recettes :
- le titre de recettes a été émis le 14 juin 2017, antérieurement à la réception, le 15 juin 2017, de la lettre recommandée du 1er juin 2017 ;
En ce qui concerne la procédure de notation :
- sa notation de l'année 2016 par le directeur des ressources humaines, qui n'était pas son supérieur hiérarchique, méconnaît les dispositions de l'article 3 du décret n° 2010-1153
du 29 septembre 2010 ;
En ce qui concerne le droit au versement des primes :
- un arrêté du 7 octobre 2009, créateur de droits et définitif, lui a attribué une prime
de détachement de 8 % à laquelle elle avait droit en vertu des décrets n° 2008-592 du
23 juin 2008 et n° 2008-654 du 2 juillet 2008 ;
- un arrêté du 7 octobre 2009, créateur de droits et définitif, lui a attribué une NBI
de 25 points à laquelle elle avait droit en vertu du décret n° 94-140 du 14 février 1994 dès lors qu'elle exerçait les fonctions de secrétariat du directeur du CHU ;
- les décisions financières créatrices de droits ont été prises en 2009 et ne pouvaient être retirées que dans un délai de 4 mois, de sorte que la décision du 1er juin 2017 et le titre de recettes d'un montant de 9 337,77 euros doivent être annulés ;
En ce qui concerne la violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs :
- la lettre du 1er juin 2017 et le titre exécutoire du 14 juin 2017 correspondent à des primes et à une NBI portant sur les périodes respectives du 1er janvier 2015 au
30 novembre 2016 et du 1er juin 2015 au 31 mai 2017 ;
En ce qui concerne le harcèlement moral et la sanction déguisée :
- elle a porté plainte pour harcèlement moral et sexuel à l'encontre de deux directeurs du CHU ; dès lors qu'elle était auparavant appréciée de ses supérieurs, c'est en raison de son " refus d'accepter certaines pratiques " que son régime indemnitaire a été modifié, en méconnaissance des dispositions des articles 6 ter et 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ce qui caractérise également un détournement de procédure ;
En ce qui concerne le changement de poste après réintégration :
- son changement de poste et de site pour des fonctions dénuées de toute responsabilité est contraire à l'ordonnance du juge des référés qui a enjoint au CHU de la réintégrer dans ses fonctions ; ses missions antérieures existent toujours et la proposition de fiche de poste n'a pas été soumise à un appel à candidatures ; ainsi, cette décision apparaît comme une sanction disciplinaire prononcée sans respect des règles de procédure ;
En ce qui concerne la violation de la règle du paiement après service fait :
- elle n'a pas reçu son plein salaire alors que le juge des référés a ordonné le versement des traitements à compter du 1er décembre 2016 ;
En ce qui concerne la rupture d'égalité de traitement :
- le CHU a adressé un courrier à d'autres agents pour leur signifier qu'ils avaient touché une NBI indue et qu'il allait mettre fin au versement sans procéder à la rétroactivité dans l'application de cette mesure ; un rapport de l'IGAS a mis en évidence le versement de NBI indues à deux directeurs, et l'un d'eux n'a pas remboursé ; il existe ainsi une rupture d'égalité
de traitement en sa défaveur ;
En ce qui concerne la notation de l'année 2016 :
- l'appréciation selon laquelle l'accomplissement de ses missions serait
" très perfectible ", portée par une personne qui ne connaissait pas son travail, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car elle ne reflète pas ses qualités professionnelles unanimement reconnues par ses supérieurs ; rien ne justifiait que sa notation ne soit
pas augmentée pour la première fois depuis le début de sa carrière ;
En ce qui concerne les demandes indemnitaires :
- le CHU a commis des fautes en lui refusant une intégration à l'issue de sa période
de détachement, en ne la réintégrant définitivement que par une décision du 14 mai 2018,
en la privant illégalement de ses salaires et de ses primes, en refusant toutes ses demandes,
ce qui a eu des conséquences graves sur sa santé, en appliquant avec réticence l'ordonnance
du juge des référés du 1er mars 2017 et en ne respectant pas des dispositions légales, ce qui lui
a causé un préjudice moral et financier ;
- les arrêtés du 7 octobre 2009 lui attribuant une prime de détachement et une NBI avaient pour objet de lui permettre de percevoir la même rémunération que dans
son administration d'origine et n'étaient pas illégaux ; l'article 15 du décret n° 88-976 du
13 octobre 1988 et l'article 6 du décret 86-68 du 13 janvier 1986, applicables au moment du
détachement de l'appelante, permettaient à l'agent de percevoir une rémunération globale
supérieure de 15 % à celle perçue dans l'emploi d'origine ; elle exerçait des fonctions de secrétaire du directeur, lequel est un cadre encadrant plus de cinq personnes, ce qui justifiait
25 points de NBI ; si la cour estimait qu'elle n'y avait pas droit, sa bonne foi justifie la condamnation du CHU, à lui verser une indemnité du même montant de 9 337,77 euros, ce qui ne constitue pas une demande nouvelle mais la compensation d'un préjudice afin de ne pas subir les conséquences de la faute commise par l'administration ;
- dès lors qu'elle a dû saisir le tribunal pour obtenir la régularisation du SFT et de ses salaires, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas de retard fautif dans sa réintégration ;
- son manque à gagner de 5 276 euros brut pour demi-traitement entre décembre 2016 et juin 2017 est lié à la décompensation anxio-dépressive provoquée par l'acharnement de la direction du CHU, à l'origine de ses arrêts de travail ;
- la privation de rémunération durant près de quatre mois, en période de fêtes et de rentrée scolaire, alors qu'elle a trois enfants à charge, lui a causé de graves difficultés de trésorerie ; elle sollicite une somme de 5 000 euros en réparation de ce préjudice ;
- le retard de versement du SFT et des rappels de salaire, ainsi que la privation de ses primes, lui ont causé un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de 1 500 euros ;
- le refus de réintégration dans son poste initial, la modification de ses missions, son changement d'affectation et les refus de congés constituent des mesures vexatoires ; le harcèlement se poursuit depuis 2015 avec une diminution de ses responsabilités, une " évaluation dénigrante ", la suppression de ses primes et de ses attributions ; le CHU ne manifeste aucun désir de mettre fin au harcèlement, de sorte qu'il est " quasiment certain " que son préjudice continuera à s'aggraver ; sa demande préalable de 5 000 euros était ainsi sous-évaluée, et elle sollicite une somme de 150 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 30 janvier 2020 et le 6 octobre 2020, le CHU de La Réunion, représenté par la SCP Michel Ledoux et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel, qui se borne à reproduire le mémoire récapitulatif de première instance déposé le 4 août 2018, à l'exception de l'invocation d'une critique relative à l'absence de prise en compte du moyen tiré du harcèlement moral, est irrecevable pour défaut de motivation ;
- la demande de versement d'une indemnité de 9 337,77 euros est nouvelle en appel et n'a pas été précédée d'une demande à l'administration, et est par suite irrecevable ;
- les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée
au 9 novembre 2020.
Par lettre du 11 mai 2021, les parties ont été informées, en application de
l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance ,en tant qu'elle porte sur l'indemnisation du préjudice résultant d'un harcèlement moral de 2015 jusqu'à la réintégration, en tant qu'elle sollicite l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité fautive
de la décision du 28 novembre 2016 et en tant qu'elle porte sur la perte de traitement liée aux congés de maladie que Mme C... estime imputables au service, ces faits générateurs n'ayant pas été mentionnés dans la demande préalable du 9 mai 2017.
Des mémoires présentés pour Mme C... ont été enregistrés les 26 avril et 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique,
- et les observations de Me D..., représentant le CHU de La Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., attachée territoriale en fonction au département de la Réunion, a été détachée au CHU de La Réunion à compter du 1er décembre 2006 pour une durée de cinq ans, renouvelée une fois. Par une décision du 28 novembre 2016, le directeur général du CHU a refusé de renouveler son détachement et l'a radiée des cadres à compter du 1er décembre 2016. Par une ordonnance du 1er mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a suspendu l'exécution de cette décision et a enjoint au directeur général du CHU de réintégrer provisoirement Mme C... dans ses fonctions d'attachée principale d'administration hospitalière, ce qui a été fait par une décision du 6 mars 2017. Après avoir présenté une réclamation préalable en date du 9 mai 2017, Mme C... a saisi le tribunal administratif
de La Réunion de multiples demandes tendant à l'annulation de refus de versement de divers éléments de sa rémunération, de refus de congés et de refus de modification de sa notation de l'année 2016, assorties de demandes d'injonction, de décharge de l'obligation de payer un indu de 9 337,77 euros résultant d'un titre exécutoire du 14 juin 2017, ainsi que de demandes de versement de rappels de traitement et de condamnation du CHU de La Réunion à lui verser une indemnité d'un montant total de 156 500 euros en réparation de ses préjudices en lien avec des fautes commises par l'établissement hospitalier, attribuées en particulier à un harcèlement moral. Mme C... relève appel du jugement du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal a seulement condamné le CHU de La Réunion à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation
du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en lien avec son éviction illégale du service, et a rejeté le surplus de sa demande. Elle demande en outre à la cour à titre subsidiaire, dans le cas où il ne serait pas fait droit à sa demande d'annulation du titre exécutoire du 14 juin 2017 et de décharge de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros,
de condamner le CHU à lui verser une indemnité compensatrice du même montant.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. La requête d'appel critique le jugement notamment en tant qu'il n'a pas retenu l'existence du harcèlement moral invoqué. Elle est ainsi suffisamment motivée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal :
4. Le tribunal a rejeté comme irrecevables, au motif qu'elles étaient présentées à titre principal, les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint au CHU de La Réunion de la réintégrer dans les fonctions de " chargée de mission pour des projets " qu'elle occupait avant la décision illégale du 28 novembre 2016. Mme C... ne conteste pas cette irrecevabilité. Par suite, les mêmes conclusions reprises en appel ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les refus de congés, de jours épargnés et de récupération :
5. Le tribunal a rejeté comme irrecevables, au motif que l'existence des décisions contestées n'était pas établie, les conclusions à fin d'annulation de décisions de refus de congés annuels, de jours cumulés sur le compte épargne-temps et d'heures de récupération au titre de l'année 2017. Mme C... ne conteste pas cette irrecevabilité ni ne démontre l'existence de telles décisions. Par suite, les mêmes conclusions reprises en appel ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne le refus de versement du supplément familial de traitement :
6. Le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation d'un refus de versement du supplément familial de traitement (SFT), au motif que le SFT sollicité avait fait l'objet d'une régularisation sur la paie du mois de juin 2017, antérieurement à l'enregistrement du recours contentieux. Mme C... ne conteste pas cette irrecevabilité. Par suite, les mêmes conclusions reprises en appel ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne le versement d'un traitement incomplet de décembre 2016
à juin 2017 :
7. Mme C..., qui a été rémunérée à demi-traitement durant certaines périodes en raison de la durée de son placement en congé de maladie ordinaire, soutient que des agissements fautifs de la direction du CHU à son encontre sont à l'origine de la dégradation de son état de santé, et se prévaut d'un droit à son plein traitement de décembre 2016 à juin 2017. Toutefois, sa réclamation préalable du 9 mai 2017 ne comporte pas de demande en ce sens, et comme le relève le CHU de La Réunion, elle n'a pas sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses congés de maladie. Par suite, sa demande de première instance tendant au versement de la différence entre les sommes perçues et un plein traitement, rejetée au fond par les premiers juges, était irrecevable en l'absence de décision susceptible de lier le contentieux.
En ce qui concerne le harcèlement moral de 2015 au 1er décembre 2016 :
8. Dans sa réclamation préalable du 9 mai 2017, Mme C... a seulement demandé une indemnisation au titre de nouveaux faits de harcèlement moral depuis qu'elle a été réintégrée au CHU en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 1er mars 2017. Par suite, sa demande de première instance tendant à l'indemnisation du préjudice moral en lien avec le harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi de 2015 à son éviction illégale à compter du 1er décembre 2016, rejetée au fond par les premiers juges, était irrecevable en l'absence de décision susceptible de lier le contentieux.
En ce qui concerne les préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 28 novembre 2016 :
9. Dès lors que la réclamation préalable du 9 mai 2017 ne sollicitait pas la réparation
de préjudices en lien avec l'illégalité fautive de la décision d'éviction du service du 28 novembre 2016, la demande présentée en ce sens devant le tribunal était irrecevable. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal lui a alloué une indemnité de 2 000 euros.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision du 18 mai 2017 portant refus de modification de la notation de l'année 2016 :
10. Il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable, que les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires expriment leur valeur professionnelle.
11. Il ressort des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique de Mme C..., qui avait reçu tous les autres agents de sa direction pour les entretiens d'évaluation de l'année 2016, a refusé de le faire pour elle seule en prétextant qu'il n'était pas disponible, ce qui n'était pas le cas, et que l'entretien a été conduit par le directeur des ressources humaines. Ce dernier a porté l'appréciation suivante sur la valeur professionnelle de l'intéressée, avec laquelle il ne travaillait pas : " L'accomplissement des missions clairement définies et largement concertées demeure très perfectible. Il en va ainsi notamment des actions opérationnelles de management de projet et de développement durable. " D'une part, les appréciations des années précédentes n'avaient jamais fait état d'une quelconque imperfection dans l'accomplissement des missions, mais au contraire souligné de manière constante les compétences de Mme C... en matière d'élaboration et de conduite de projets complexes, ainsi que son dynamisme et ses capacités à faire avancer les projets. D'autre part, il ressort des auditions réalisées dans le cadre de l'instruction de la plainte pour harcèlement moral déposée le 6 juillet 2016 par Mme C... que cette dernière s'est vu retirer sans explication une partie des missions dont elle était chargée, que ses demandes et ses comptes rendus à la direction concernant ses projets en cours sont restés sans réponse, qu'elle n'a plus été convoquée aux réunions d'équipe de direction auxquelles elle participait habituellement et qu'elle a été laissée sans fiche de poste, ce qui ne permet pas de qualifier ses missions de " clairement définies et largement concertées ". Dans ces circonstances, la notation de l'année 2016 ne peut être regardée comme exprimant la valeur professionnelle
de Mme C.... Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens,
la requérante est fondée à soutenir que la décision du directeur général du CHU de La Réunion du 18 mai 2017 rejetant sa demande de révision de sa notation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le refus de versement de la prime de détachement et de la NBI :
12. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "
13. La lettre du 1er juin 2017 informant Mme C... du versement à tort d'une prime
de détachement jusqu'au 30 novembre 2016 ainsi que d'une nouvelle bonification indiciaire (NBI) jusqu'au 31 mai 2017 lui refuse, implicitement mais nécessairement, le versement pour l'avenir de ces compléments de rémunération qui lui avaient été accordés par deux décisions
du 7 octobre 2009. Ce refus, qui ne fait référence à aucun texte, se borne à affirmer, sans autre précision, que l'attribution de cette prime et de cette NBI étaient illégales. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que la décision refusant de lui verser pour l'avenir la prime de détachement et la NBI est insuffisamment motivée.
En ce qui concerne le titre exécutoire du 14 juin 2017 :
14. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Il résulte
de ces dispositions que l'administration ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.
15. Le titre exécutoire du 14 juin 2017, qui indique comme bases de liquidation la prime [de détachement] du 1er janvier 2015 au 30 novembre 2016 et la NBI du 1er juin 2015 au
31 mai 2017, porte sur une somme globale de 9 337,77 euros. Si la lettre du 1er juin 2017 annonçant l'envoi prochain d'un titre de recettes précise que la prime s'élevait à 256 euros mensuels, ce qui permet de reconstituer un indu réclamé de 5 888 euros pour une durée
de 23 mois entre janvier 2015 et novembre 2016, les bases de liquidation de la NBI ne sont pas précisées, le solde de 3 449,77 euros ne correspondant d'ailleurs pas à la somme de 130,92 euros par mois que Mme C... indique avoir perçue à ce titre de juin 2015 à mai 2017. Par suite,
sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à invoquer l'insuffisante motivation du titre exécutoire, qui ne permet pas de comprendre
les bases de liquidation de la somme globale de 9 337,77 euros.
Sur la demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros :
16. Aux termes de l'article de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...). "
17. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. En l'espèce, une régularisation n'est pas possible à la date du présent arrêt dès lors que le délai de répétition de l'indu perçu en 2016 et 2017 est expiré. Par suite, l'annulation du titre exécutoire du 14 juin 2017 implique la décharge de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
18. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".
19. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
20. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la demande relative à des faits de harcèlement moral de 2015 à l'éviction illégale du service est irrecevable en l'absence de demande préalable.
En ce qui concerne la période postérieure à la réintégration, les refus de congés annuels, de jours cumulés sur le compte épargne-temps et d'heures de récupération au titre de l'année 2017 invoqués par Mme C... ne sont pas établis. Le CHU de La Réunion a exécuté dès
le 6 mars 2017 l'ordonnance du 1er mars 2017 lui enjoignant de réintégrer l'intéressée dans ses fonctions d'attachée principale d'administration hospitalière, et contrairement à ce que soutient la requérante, le versement de ses rappels de rémunérations n'a pas été tardif dès lors qu'il est intervenu trois semaines après sa réintégration, ce qui correspond à la durée de la procédure d'ordonnancement et de mandatement des dépenses publiques. Enfin, Mme C... ne tenait de l'ordonnance du juge des référés aucun droit à retrouver son poste de " chargée de mission pour des projets ", de sorte que son affectation sur d'autres missions ne peut être regardée comme caractérisant un harcèlement moral.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à demander l'annulation de la décision du directeur du CHU de La Réunion du 18 mai 2017 rejetant sa demande de révision de sa notation de l'année 2016, l'annulation de la décision du 1er juin 2017 refusant de lui verser pour l'avenir la prime de détachement et la NBI, l'annulation du titre exécutoire du 14 juin 2017 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
22. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. " Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "
23. L'annulation pour erreur manifeste d'appréciation de la décision du 18 mai 2017 portant refus de modification de la notation de l'année 2016 n'implique pas l'attribution à l'intéressée de la moyenne de ses notes obtenues en 2014 et 2015, ce qui aurait au demeurant pour effet de diminuer la note de 2016, égale à celle de 2015 après une augmentation par rapport à 2014, mais qu'il soit procédé à un réexamen. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au directeur général du CHU de La Réunion de réexaminer la notation de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
24. L'annulation pour insuffisance de motivation de la décision du 1er juin 2017 refusant pour l'avenir de verser à Mme C... la prime de détachement et la NBI implique le réexamen de la situation de l'intéressée, mais pas nécessairement le versement des éléments de rémunération qu'elle revendique. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au directeur général du CHU
de La Réunion de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter
de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de La Réunion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CHU, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de Mme C... au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du directeur général du CHU de La Réunion du 18 mai 2017 rejetant la demande de révision de la notation de Mme C... au titre de l'année 2016 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général du CHU de La Réunion de réexaminer la notation de l'année 2016 de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La décision du 1er juin 2017 par laquelle le directeur général du CHU de La Réunion
a refusé pour l'avenir de verser à Mme C... la prime de détachement et la NBI est annulée.
Article 4 : Il est enjoint au directeur général du CHU de La Réunion de réexaminer la situation de Mme C... au regard du droit à la prime de détachement et à la NBI à compter
du 1er juin 2017 et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le titre exécutoire du 14 juin 2017 est annulé.
Article 6 : Mme C... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 9 337,77 euros.
Article 7 : Le jugement du tribunal du tribunal administratif de La Réunion n° 1700606
du 8 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 8 : Le CHU de La Réunion versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne B..., présidente-assesseure,
Mme A... E..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01451