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01/06/2021 | FRANCE | N°20BX00269

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 juin 2021, 20BX00269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Environnement Confolentais et Charlois, l'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme N... B..., M. A... H..., M. O... G..., Mme M... L... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société parc éolien du Bois Merle une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien sur le terr

itoire des communes d'Asnois et de Surin.

Par un jugement n° 1802175 du 21 n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Environnement Confolentais et Charlois, l'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme N... B..., M. A... H..., M. O... G..., Mme M... L... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel la préfète de la Vienne a délivré à la société parc éolien du Bois Merle une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes d'Asnois et de Surin.

Par un jugement n° 1802175 du 21 novembre 2019, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 15 mai 2018.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX00269 le 20 janvier 2020 et des mémoires, présentés le 23 juillet 2020, le 12 octobre 2020 et le 9 février 2021, la société parc éolien du Bois Merle, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802175 du tribunal ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 mai 2018 pour la partie portant sur l'implantation et l'exploitation des éoliennes E2, E3, E4, E6 et E8 ;

4°) de mettre à la charge de chacun des requérants de première instance la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- ce jugement n'est pas suffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; en se bornant à se référer à une atteinte à des hameaux par le projet, sans autres précisions, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- les requérants personnes physiques n'ont pas intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation en litige ; il est en effet établi que les éoliennes ne seront pas visibles depuis les propriétés de M. H... et Mme L... ; la circonstance que le projet soit visible depuis le hameau dans lequel demeurent ces personnes ne leur confère pas un intérêt à agir suffisant ;

- les associations requérantes ne justifient pas non plus d'un intérêt à agir dès lors que le projet en litige ne porte pas une atteinte suffisamment directe à leur objet statutaire ;

- il en est de même pour la société civile requérante devant le tribunal ; de plus, il n'est pas établi que son représentant ait qualité pour agir en son nom.

Elle soutient, au fond, que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'autorisation unique en litige au motif que le projet portait atteinte aux lieux, paysages, cadre de vie et habitations avoisinants ;

- ainsi, le site d'implantation du projet ne présente pas, par lui-même, d'intérêt particulier ; le projet doit être implanté dans un paysage composé pour l'essentiel de parcelles agricoles ponctué d'éléments boisés faisant office d'écrans visuels ; aucun des hameaux avoisinants ne comporte de monuments historiques ni ne présentent de qualités particulières ;

- le projet ne portera pas aux paysages et au cadre de vie des riverains une atteinte justifiant l'annulation prononcée par les premiers juges ; cela est révélé par les photomontages joints à l'étude paysagère, lesquels ont été établis depuis les points de vue les plus pénalisants ; les services instructeurs consultés sur la demande n'ont pas émis d'avis défavorable ; en particulier, l'atteinte au hameau de Le Peu ne ressort pas de ces éléments ni de l'étude complémentaire produite par la société ; les éoliennes seront faiblement visibles, et parfois totalement invisibles, depuis les habitations du hameau ; un certain nombre de constructions voisines du hameau sont de simples hangars agricoles ;

- le tribunal a fait référence à d'autres hameaux subissant un impact visuel à raison du projet sans préciser de quels hameaux il s'agissait ;

- l'atteinte apportée par le projet au bourg de Surin est limitée ; depuis l'intérieur du bourg, les visibilités sur le parc éolien projeté seront faibles et même inexistantes en certains endroits compte tenu des écrans paysagers existants ; de plus, il s'agit d'un petit bourg qui ne comporte que 28 habitants ;

- subsidiairement, la cour pourrait confirmer le jugement du tribunal en tant qu'il ne permet pas l'implantation des éoliennes E1 et E5 ; les photomontages produits au dossier montrent que la suppression de ces deux éoliennes permettrait de limiter les atteintes visuelles du projet au hameau de Le Peu et au bourg de Surin.

Par deux mémoires en défense, enregistré le 24 décembre 2020 et le 5 mars 2021, l'association Environnement Confolentais et Charlois, l'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, la société civile Châteauneuf d'Asnois, Mme N... B..., M. A... H..., M. O... G... et Mme M... L..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que l'Etat lui verse également la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

Ils soutiennent que :

- ils ont justifié leur intérêt à agir en première instance à l'encontre de l'autorisation en litige ;

- au fond, les moyens soulevés par l'appelante doivent être écartés comme infondés.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX00300 le 21 janvier 2020 et un mémoire, présenté le 5 janvier 2021, le ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers rendu le 21 novembre 2019 sous le n° 1802175.

Il soutient que :

- c'est au prix d'une insuffisante motivation et d'une erreur d'appréciation que les premiers juges ont estimé que le projet en litige porterait une atteinte excessive aux paysages et au cadre de vie existants ;

- les premiers juges n'ont pas analysé la qualité des paysages avoisinants alors que ceux-ci ne présentent pas un caractère remarquable ;

- en jugeant que l'atteinte aux paysages entraînait une atteinte à la commodité du voisinage, les premiers juges ont confondu les deux intérêts en question ; l'atteinte aux paysages doit être appréciée selon la méthodologie dégagée par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 345970 du 13 juillet 2012 ; l'atteinte à la commodité du voisinage doit être appréciée au regard des nuisances que perçoivent les riverains de l'installation classée pour la protection de l'environnement ;

- la simple visibilité des éoliennes depuis les hameaux environnants ne suffit pas à caractériser l'atteinte au voisinage retenue par le tribunal ; les éléments paysagers existants constitueront des écrans visuels permettant de limiter les atteintes visuelles engendrées par le projet ; le parc éolien ne sera pas visible depuis tous les côtés du hameau de Le Peu ; pour les mêmes motifs, l'atteinte alléguée au bourg de Surin n'est pas excessive.

Par des mémoires en intervention, présentés le 12 octobre 2020 et le 10 février 2021, la société parc éolien du Bois Merle, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802175 du tribunal administratif de Poitiers,

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 mai 2018 pour sa partie concernant l'implantation et l'exploitation des éoliennes E2, E3, E4, E6 et E8 ;

4°) de mettre à la charge de chacun des requérants de première instance la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle sollicite la jonction de cette affaire avec celle enregistrée sous le n° 20BX00269 dans laquelle elle est partie appelante. Au fond, elle reprend les moyens qu'elle a soulevés dans l'instance n° 20BX00269.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 décembre 2020 et le 5 mars 2021, l'association Environnement Confolentais et Charlois, l'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, la société civile Châteauneuf d'Asnois, Mme N... B..., M. A... H..., M. O... G... et Mme M... L..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que l'Etat lui verse également la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. J... D...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant la société parc éolien du Bois Merle, et de Me C..., représentant l'Association Environnement Confolentais et Charlois et autres.

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Considérant ce qui suit :

1. Le 17 décembre 2015, la société parc éolien du Bois Merle a déposé en préfecture de la Vienne une demande d'autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de huit aérogénérateurs d'une hauteur de 185 mètres chacun sur le territoire des communes de Chatain et de Surin. La préfète a délivré l'autorisation sollicitée par un arrêté du 18 mai 2018 qui a été contesté devant le tribunal administratif de Poitiers par l'association Environnement Confolentais et Charlois, l'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme B..., M. H..., M. G..., Mme L... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, Par jugement du 21 novembre 2019, dont la société parc éolien du Bois Merle et le ministre de la transition écologique relèvent appel par des requêtes enregistrées respectivement sous les n° 20BX00269 et 20BX00300, le tribunal a annulé l'arrêté d'autorisation unique du 18 mai 2018.

2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

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Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " I. - A titre expérimental, (...) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " (...) Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...), avant le 1er mars 2017 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

6. Pour annuler l'autorisation en litige du 15 mai 2018 au motif qu'elle a méconnu les intérêts protégés aux articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement, le tribunal a jugé que le projet de parc éolien modifierait de manière substantielle un paysage non dépourvu d'intérêt et qu'il porterait ainsi atteinte à la commodité du voisinage. Il a relevé à cet égard que les éoliennes, qui dominent un paysage sans relief particulier, seraient nettement visibles depuis le hameau voisin de Le Peu mais aussi depuis d'autre hameaux environnants et le village de Surin.

7. Il résulte de l'instruction que le parc éolien projeté, formé de deux lignes quasi-parallèles de quatre aérogénérateurs chacune, est situé au nord-est du hameau de Le Peu, où demeurent notamment M. H... et Mme L.... Une distance de 710 mètres sépare ce hameau de l'éolienne la plus proche, cette distance étant de 2,72 km pour l'éolienne la plus lointaine. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies jointes à l'étude paysagère, que les constructions situées à l'est du hameau, qui en comprend une trentaine environ, seront plus particulièrement impactées visuellement par les futures éoliennes. Il en est de même depuis les différents endroits du hameau ne bénéficiant pas d'éléments paysagers susceptibles de faire office d'écran visuel, ce qui a d'ailleurs conduit les auteurs de l'étude paysagère à reconnaitre que le projet aura un impact " moyen à fort " sur ce hameau. Pour autant, il résulte de l'instruction, et notamment du volet paysager complémentaire établi par la société, que les éoliennes ne seront pas uniformément visibles depuis tous les lieux habités du hameau, soit en raison de l'orientation des constructions, soit parce que les haies et autres bosquets existants feront office d'écrans visuels, autant d'éléments qui atténuent l'atteinte que le projet porte à la commodité des habitants du hameau. Il en est ainsi, en particulier, pour les habitations situées ailleurs qu'en partie est du hameau, lesquelles sont insérées dans un tissu bâti relativement dense et disposent de façades pour la plupart orientées vers le sud et non vers les éoliennes. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le hameau de Le Peu, qui est dépourvu de monument historique et est constitué en partie de hangars agricoles, présente un intérêt particulier auquel le projet de parc éolien porterait une atteinte significative.

8. S'il résulte aussi de l'instruction que plus d'une dizaine de hameaux ont été recensés à une distance comprise entre 500 et 1 000 mètres d'au moins une des éoliennes, les éléments du dossier, et notamment les photomontages produits en appel par l'association Environnement Confolentais et les autres requérants de première instance, ne permettent pas d'estimer que le parc éolien projeté entraînerait pour ces hameaux et la commodité de vie de leurs habitants une atteinte significative au point de révéler une méconnaissance des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et cela quand bien même les futures éoliennes seraient plus particulièrement perceptibles depuis certains lieux ou certaines habitations.

9. Une distance de 1,24 km sépare le centre du village de Surin de l'éolienne la plus proche, et certains aérogénérateurs projetés seront simultanément visibles en plusieurs endroits de ce village, à propos duquel les auteurs de l'étude paysagère ont d'ailleurs reconnu qu'il était le plus exposé de tous en raison de l'ouverture de sa frange ouest vers le projet. Néanmoins, les photomontages de l'étude paysagère montrent que la végétation et les constructions forment par endroits un écran visuel qui atténue, voire supprime, l'impact paysager du parc éolien, notamment depuis le centre du village. Ainsi, les éléments du dossier ne permettent pas d'estimer que le village de Surin et son église protégée au titre des monuments historiques, subiraient une atteinte visuelle significative révélant un manquement aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement.

10. L'aire d'étude éloignée autour du projet contesté est formée de paysages composés de plaines céréalières et de bocages aux reliefs peu accentués. Ce paysage de plaines agricoles et de boisements se retrouve dans l'aire d'étude intermédiaire où il existe par ailleurs des itinéraires touristiques et des sentiers de randonnées permettant la découverte du patrimoine bâti et des paysages existants. Quant au périmètre rapproché du projet de parc éolien, il se présente sous la forme d'un paysage rural composé de vastes parcelles agricoles entrecoupées de linéaires de haies souvent discontinues et basses et de boisements à multiples ramifications dans l'espace agricole. Dans ce paysage au relief peu accentué, les vues sont longues et ouvertes. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies jointes à l'étude paysagère de la demande, que le secteur paysager dans lequel doit s'implanter le projet de parc éolien et dont les caractéristiques ont été rappelées ci-dessus ne présente pas, par lui-même, un intérêt particulier, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

11. Il n'est pas établi au dossier que les photomontages joints à l'étude paysagère, réalisés par un cabinet spécialisé conformément à la méthodologie contenue dans le guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets éoliens terrestres, élaboré par le ministère de l'environnement, auraient livré une représentation insincère des impacts visuels du projet sur son environnement.

12. Afin d'atténuer autant que possible les incidences du projet sur le village de Surin, qui est le plus impacté visuellement par le projet, le pétitionnaire a prévu de procéder à des plantations de type bosquets, forme végétale qui s'intègre bien dans le contexte bocager de ce village. Les incidences du projet sur les hameaux environnants doivent être atténuées par des plantations ciblées en fond de parcelles. Au demeurant, le projet de la société parc éolien du Bois Merle a fait l'objet d'un avis favorable tant du commissaire enquêteur que de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, lesquels ont pris en considération les incidences du projet sur son environnement y compris au plan visuel.

13. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet en litige ne porte pas une atteinte significative à la commodité du voisinage ni aux paysages environnants, lesquels, comme il a été dit, sont dépourvus d'intérêt particulier. Par suite, le ministre de la transition écologique et la société parc éolien du Bois Merle sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a estimé que l'arrêté en litige du 15 mai 2018 a méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

14. Il y lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par l'association Environnement Confolentais et Charlois et autres.

Sur les autres moyens de première instance :

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

15. Aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I - Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 (...) ". Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I.-A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) II. - (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants (...) : (...) 2° Une description du projet, y compris en particulier : - une description de la localisation du projet (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement (...) et de leur évolution en cas de mise en oeuvre du projet (...) 4° Une description des facteurs (...) susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : (...) le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques (...) pour l'environnement ; e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés (...) Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : - ont fait l'objet d'une étude d'incidence environnementale (...) et d'une enquête publique ; - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. (...) V. - Pour les projets soumis à une étude d'incidences en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV, le formulaire d'examen au cas par cas tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 lorsqu'il permet d'établir l'absence d'incidence sur tout site Natura 2000. S'il apparaît après examen au cas par cas que le projet est susceptible d'avoir des incidences significatives sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ou si le projet est soumis à évaluation des incidences systématique en application des dispositions précitées, le maître d'ouvrage fournit les éléments exigés par l'article R. 414-23. L'étude d'impact tient lieu d'évaluation des incidences Natura 2000 si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23 (...) ".

16. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'étude acoustique jointe par le pétitionnaire à sa demande a été réalisée en considérant les données d'émission d'une éolienne de référence, à savoir la Vestas V126-3,3 MW. Les requérants de première instance en déduisent que les résultats de l'étude acoustique sont biaisés dès lors que l'arrêté du 15 mai 2018 en litige autorise l'exploitation d'éoliennes dont la puissance unitaire maximale est de 3,6 MW. Il résulte de l'instruction qu'au 17 décembre 2015, date de dépôt de la demande d'autorisation unique, le modèle d'éolienne V126-3,6 MW n'existait pas encore. C'est pourquoi le pétitionnaire a fait réaliser, en janvier 2019, une étude acoustique complémentaire fondée sur des simulations de fonctionnement du modèle d'éolienne V126-3,6 MW et concluant que les différences de résultats des deux modèles ne présentent pas un caractère significatif dès lors que " les niveaux sonores à l'émission des éoliennes V126 3,3 MW de l'époque et ceux des éoliennes V126 3,6 MW utilisés dans le présent rapport sont similaires ". L'étude complémentaire ajoute que les niveaux sonores de l'éolienne V126 3,6 MW sont inférieurs à partir de 7 m/s et, en conclusion générale, que l'analyse acoustique fait apparaître que les seuils réglementaires admissibles seront respectés. Même si elle a été réalisée postérieurement à l'enquête publique, l'étude complémentaire a confirmé que l'étude acoustique initiale, soumise à enquête, n'était pas affectée de lacunes ou d'erreurs qui auraient privé le public ou l'autorité compétente pour prendre la décision d'informations indispensables, contrairement à ce qu'ont soutenu les requérants de première instance.

18. Par ailleurs, après avoir rappelé que le son produit par les éoliennes est composé du bruit aérodynamique issu du frottement de l'air sur le mât, du frottement des pales dans l'air et du bruit des systèmes mécaniques, les auteurs de l'étude acoustique ont procédé à des mesures sonores lors d'épisodes venteux d'une vitesse comprise entre 4 et 10 m/s. Partant du constat que pour des vents de 10 à 15 m/s, le bruit aérodynamique augmente tandis que le bruit mécanique demeure constant, les auteurs de l'étude acoustique n'ont pas procédé à des mesures lors de vents d'une vitesse de 10 à 15 m/s. L'étude complémentaire réalisée avec des modèles d'éoliennes plus puissants que ceux initialement envisagés a relevé qu'au-delà d'une vitesse de vent de 10 m/s, le bruit engendré par une éolienne devient constant et est masqué par le bruit résiduel, notamment le bruit préexistant du vent dans l'environnement qui, lui, augmente avec l'intensité des épisodes venteux. Le guide relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parcs éoliens terrestres élaboré en décembre 2016 par le ministère de l'environnement recommande lui aussi, pour ces mêmes motifs, de retenir une valeur comprise entre 8 et 10 m/s afin d'estimer la contribution maximale des éoliennes sur le plan sonore. Les demandeurs de première instance n'ont produit aucun élément permettant d'estimer qu'en limitant leurs mesures aux vents d'une vitesse inférieure ou égale à 10 m/s, les auteurs de l'étude acoustique auraient entaché leurs travaux de lacunes ou d'erreurs susceptibles d'affecter les résultats obtenus et donc de porter atteinte à l'information du public et de l'autorité administrative compétente. Enfin, dès lors que l'étude complémentaire n'est pas parvenue à des conclusions différentes de celles de l'étude initiale, le fait qu'elle n'ait pas été versée au dossier d'enquête publique n'a pas privé le public ou l'autorité compétente pour prendre la décision d'informations indispensables ni été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision.

19. En deuxième lieu, l'étude paysagère jointe à la demande d'autorisation comporte 34 prises de vues destinées à permettre d'apprécier l'impact visuel du projet sur son environnement paysager et patrimonial. Les points de vue, retenus à l'issue d'un travail cartographique théorique et de repérages in situ, ont entendu privilégier les lieux situés à proximité d'un édifice ou d'un site inscrit ou classé et représenter la perception du projet depuis les bourgs et hameaux les plus proches et les axes de circulation fréquentés. Les photomontages sont accompagnés de commentaires localisant la prise de vue et précisant la distance du projet de parc éolien.

20. L'étude paysagère ne comporte pas de prises de vue depuis le secteur nord-ouest de Benest ni depuis la partie sud de l'aire d'étude intermédiaire, soit une ligne allant de Benest à Le Bouchage alors que, selon les requérants de première instance, ces secteurs seraient riches en hameaux et offriraient des vues dégagées vers le projet. Il résulte de l'instruction qu'à l'échelle du périmètre intermédiaire, les enjeux paysagers sont plus importants sur la partie nord, où les espaces sont visuellement dégagés, et surtout au niveau de la vallée de la Charente dont les parties est et ouest offrent des ouvertures visuelles valorisant le patrimoine bâti et les ambiances particulières du fond de vallée alors qu'au sud les boisements, beaucoup plus nombreux, feront office d'écrans pouvant tronquer les vues sur futures éoliennes. Il ne résulte pas de l'instruction que le nombre de photomontages serait insuffisant et aurait conduit à occulter des vues intéressantes vers le projet depuis certains hameaux, paysages ou monuments protégés. Les allégations des requérants de première instance selon lesquelles l'étude paysagère aurait minimisé l'impact visuel du projet sur l'église protégée de Saint-Justinien de Benest, laquelle est située au sein d'un écrin végétal à 4 km environ du projet, ne sont pas confirmées au dossier. Il ne résulte pas non plus des éléments de l'instruction, et notamment pas des propres photomontages des requérants de première instance, que les prises de vue composant l'étude paysagère auraient atténué les impacts du projet sur les bourgs de Chatain, Grenouillé, Charroux, leurs monuments protégés ainsi que, notamment, les châteaux de Gorce, de Cibiou et de Beauregard. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au pétitionnaire d'établir des photomontages depuis l'ensemble des hameaux ou des habitations susceptibles d'être impactés par le projet. Au demeurant, les 34 photomontages réalisés par le pétitionnaire atteignent quasiment le nombre maximum de prises de vues (35) recommandé par le guide ministériel relatif aux études d'impact des projets de parc éolien

21. En application des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact comporte une description des effets du projet, cumulés avec ceux d'autres parcs éoliens. Il y est précisé que les parcs éoliens existants ou approuvés se concentrent globalement sur la partie centre-ouest du territoire d'étude tandis que le projet du Bois Merle se décale davantage vers l'est. La représentation des effets cumulés a été effectuée au moyen de quatre photomontages réalisés en différents points (vallée de la Charente amont et aval, paysage ouvert de la plaine céréalière et boisée du ruffécois, micro-boisements du coeur de la Charente). Il ne résulte pas de l'instruction que les prises de vues choisies auraient eu pour effet d'atténuer l'impact visuel cumulé des parcs éoliens présents dans le secteur en occultant notamment un possible effet d'encerclement du paysage résultant de ce cumul.

22. En troisième lieu, un inventaire a été réalisé, afin de détecter les habitats naturels présents sur l'ensemble du périmètre de la zone d'implantation potentielle, à deux périodes différentes, le 28 mai et le 4 juillet 2014. La prospection de l'avifaune a été effectuée au cours de quinze sorties en mars, avril, mai, juin, septembre, octobre, novembre et décembre 2014 ainsi qu'en janvier et février 2015. Pour l'inventaire de l'avifaune nicheuse, il a été recouru à la méthode IPA (Indice Ponctuel d'Abondance) avec deux séries d'écoute de 20 minutes successives sur les mêmes points le 12 mai et 23 juin 2014 entre 6h30 et 11h00 du matin, soit lorsque l'activité des oiseaux est maximale. Les affirmations des requérants de première instance selon lesquelles des prospections réalisées au mois de mars et d'avril auraient permis de détecter des espèces à intérêt patrimonial très fort ne sont pas étayées au dossier alors que l'étude d'impact a recensé la présence dans le site du projet du faucon crécelle, du milan noir, observé en vol mais pas comme nicheur, et du busard cendré qui présentent un tel intérêt. D'autant que, comme il a été dit ci-dessus, des inventaires ont été réalisés en avril, mai et juin, soit la période la plus favorable au recensement comme le rappelle le guide ministériel d'élaboration des études d'impact des projets éoliens. Par ailleurs, le recensement de l'avifaune migratrice a été effectué depuis deux points d'observation à l'aide de jumelles et d'un télescope jusqu'à une distance de 2 à 3 km pour les vols plus importants. Les dates de prospection ont été choisies en fonction des périodes de migration de la plus grande part des espèces susceptibles de survoler le site d'étude, les observations ayant été menées du début de matinée en début d'après-midi. S'agissant de la grue cendrée, il résulte de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté, que le couloir qu'emprunte cette espèce migratrice se situe à l'extrémité est du site d'implantation et n'est donc pas directement impacté par le projet. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude aurait minimisé les incidences du projet sur les grues cendrées dont la hauteur de vol dépasse généralement celle des éoliennes.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées :

24. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'habitats naturels, d'espèces animales (...) et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 (...) ".

25. Il ne résulte ni des conclusions de l'étude d'impact ni d'aucun autre élément du dossier que l'implantation et le fonctionnement des éoliennes porteraient atteinte au milan royal, espèce protégée, dont la présence sur le site en tant que nicheur n'a pas été identifiée. Une telle conclusion ne saurait être tirée du seul fait que quelques individus de cette espèce ont été observés en vol au-dessus de la zone d'implantation ou, comme l'allèguent les requérants de première instance, dans le secteur du futur parc de Grenouillé distant de 4 km. En définitive, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le milan royal serait présent dans la zone d'implantation autrement que de manière ponctuelle et qu'il serait soumis à un risque particulier de destruction. Par ailleurs, il résulte des motifs exposés au point 23 que le projet n'est pas susceptible d'entraîner la destruction de grues cendrées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté du 15 mai 2018 en litige, en l'absence de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, doit être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte aux paysages et au patrimoine :

26. Il résulte de l'instruction que, si le bourg de Chatain présente une silhouette homogène avec, en son centre, son clocher débordant de l'horizon, il n'est pas établi au dossier que l'implantation du parc éolien porterait une atteinte significative à cet édifice protégé et au bourg alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la présence d'éléments paysagers offre ponctuellement des écrans visuels. Quant au bourg d'Asnois, distant de 3,78 km de l'éolienne la plus proche, les pièces du dossier montrent que les futurs aérogénérateurs seront visibles depuis la route départementale n°103 au-dessus de la trame végétale qui accompagne ce bourg. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que cette visibilité aurait pour effet d'altérer de manière sensible la perception du bourg depuis l'extérieur, tandis qu'au niveau de l'église et du cimetière d'Asnois, les éoliennes, bien que visibles, ne créent pas un effet d'envahissement du paysage. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le projet porterait une atteinte sensible au cadre de vie offert par le bourg de Grenouillé qui est distant de 5,12 km de l'éolienne la plus proche, deux des huit éoliennes projetées étant visibles à une distance relativement éloignée de l'église communale protégée au titre des monuments historiques.

27. Il est vrai qu'il existe, dans les environs du site d'implantation du projet, plusieurs monuments historiques susceptibles d'être visuellement impactés par les futures éoliennes. Ainsi, le château de Cibiou, monument historique protégé, est distant de 2,13 km environ de l'éolienne la plus proche et les photomontages de l'étude paysagère montrent une situation de co-visibilité entre cet édifice et le futur parc. Toutefois, la perception du parc éolien depuis le château et ses alentours est atténuée par la présence d'éléments paysager faisant ponctuellement office d'écrans visuels, si bien que l'atteinte causée par le projet en litige sur ce monument historique protégé n'apparait pas significative. Il en va de même pour le château de Beauregard au vu des éléments du dossier, y compris ceux produits par les requérants de première instance, qui ne permettent pas d'estimer que cet édifice subirait une atteinte visuelle envahissante du fait de la présence relativement proche du parc éolien projeté. Enfin, il résulte de l'instruction que l'abbaye de Charroux, le château de la Roche d'Orillac et le château de Gorce, monuments historiques situés respectivement à 6,2 km, 7 km et 6 km de la zone d'implantation ne subissent pas une atteinte visuelle telle qu'une méconnaissance des intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement devrait être retenue.

28. D'autres parcs éoliens existent déjà dans le secteur où le projet doit être implanté et il est établi au dossier qu'en certains endroits, ces parcs seront visibles simultanément avec celui que l'arrêté du 15 mai 2018 en litige a autorisé. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que, par ses effets cumulés avec ceux des parcs existants, le projet irait jusqu'à créer une saturation visuelle de l'espace qui résulterait, notamment, d'un effet d'encerclement du paysage.

29. Au demeurant, et ainsi qu'il a été dit, le projet de parc éolien a fait l'objet d'un avis favorable du commissaire enquêteur et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, lesquels ont pris en considération les incidences du projet sur son environnement.

30. Par suite, en délivrant l'autorisation du 15 mai 2018 contestée, la préfète n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'atteinte à la biodiversité :

31. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) soit pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

32. Il résulte de l'instruction que le site retenu pour l'implantation du projet est fréquenté par les chiroptères, en particulier la Barbastelle et le Petit Rhinolophe, espèces à fort enjeu patrimonial et de conservation locale. Les structures boisées présentes dans le site servent d'habitats à ces espèces qui sont soumises, ainsi que l'ont d'ailleurs reconnu les auteurs de l'étude d'impact, à un risque de collision avec les pales des éoliennes. S'il est vrai que certaines des éoliennes projetées seront implantées à une distance des lisières boisées inférieure à celle qui est recommandée par l'accord européen Eurobats, il n'en demeure pas moins que toutes les éoliennes sont situées au-delà de 50 mètres de ces lisières, distance au-delà de laquelle l'activité des chiroptères décroît rapidement comme l'indique, sans que cela soit sérieusement contesté, l'étude écologique jointe à l'étude d'impact. De plus, l'arrêté du 15 mai 2018 comporte une série de prescriptions destinées à limiter les incidences négatives que le projet peut entraîner pour les chiroptères. Ainsi, son article 3 instaure, entre le 1er avril et le 31 octobre, de trois heures après le coucher du soleil à huit heures après le coucher du soleil, un bridage des éoliennes lorsque la vitesse du vent est inférieure à 6 m/s et les températures supérieures à 10°C. Il est imposé à l'exploitant d'établir, dans les trois mois qui suivent la mise en service de son installation, un rapport à mettre à disposition de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement. Des mesures de suivi de l'activité chiroptérologique doivent être effectuées pendant trois ans à compter de l'entrée en fonctionnement du parc et, en fonction de leurs résultats, une adaptation des paramètres de bridage dans un sens plus contraignant peut être imposé à l'exploitant.

33. Par ailleurs et ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne résulte pas de l'instruction que le projet contesté créerait des risques particuliers pour l'avifaune nicheuse et migratrice, notamment le milan royal et la grue cendrée, qui auraient dû conduire la préfète à prévoir des mesures autres que le simple suivi de mortalité éventuelle défini à l'article 3 de l'arrêté d'autorisation du 15 mai 2018.

34. Il résulte de ce qui précède qu'en délivrant l'autorisation en litige, la préfète n'a pas porté atteinte aux intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

35. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que le ministre de la transition écologique et la société Parc éolien du Bois Merle sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en litige du 15 mai 2018. Le jugement du tribunal rendu le 21 novembre 2019 doit être annulé et les conclusions présentées en première instance par l'association Environnement Confolentais et Charlois et autres doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

36. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge des requérants de première instance, défendeurs en appel, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien du Bois Merle. En revanche, les conclusions présentées sur ce même fondement par les intimés, parties perdantes en appel, doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1802175 du tribunal administratif de Poitiers du 21 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par l'association Environnement Confolentais et Charlois et autres et les conclusions d'appel de ces derniers sont rejetées.

Article 3 : L'association pour la protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme N... B..., M. A... H..., M. O... G..., Mme M... L... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, pris ensemble, verseront à la société Parc éolien du Bois Merle la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique, à la société Parc éolien du Bois Merle, à l'association Environnement Confolentais et Charlois, désignée en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. J... D..., président-assesseur,

Mme I... K..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00269, 20BX00300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00269
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET BCTG et ASSOCIES ; CABINET BCTG et ASSOCIES ; CABINET FCA ; CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-01;20bx00269 ?
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