Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser la somme de 498 644,75 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement en mai 2013.
Par un jugement n° 1703471 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. H... une somme de 2 400 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 janvier 2019, le 30 août 2019 et le 23 avril 2020, M. H..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu une perte de chance de 20% et en ce qu'il a limité le montant de son indemnisation à 2 400 euros ;
2°) de porter la somme que le CHU de Toulouse a été condamné à lui verser à 498 644,75 euros ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le défaut d'information lui a causé une perte de chance de 100% d'échapper au dommage qui s'est réalisé, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, compte tenu de ce que l'opération qu'il a subie pour retirer du matériel d'ostéosynthèse n'était pas indispensable ; il ne saurait être retenu que l'information qui lui a été délivrée le 21 décembre 2009, pour une intervention en 2010, pallie l'insuffisance de celle qui lui a été délivrée avant l'opération en cause du mois de mai 2013 ; il ne saurait non plus être retenu qu'il n'avait pas à recevoir une information complète en raison de sa profession de vétérinaire ;
- il a subi des pertes de gains professionnels, imputables au défaut d'information, durant une période de dix-huit mois ; cette période d'inactivité a définitivement obéré ses chances de retrouver postérieurement un emploi dans le même secteur d'activité ; son état physique, qui doit être apprécié en tenant compte de son déficit fonctionnel permanent de 18%, ne lui permet pas de reprendre une activité de praticien vétérinaire ; après déduction des sommes perçues du fait de son emploi d'inspecteur de la santé publique vétérinaire à compter de septembre 2016 et des allocations de retour à l'emploi perçues en 2017 et 2018, son préjudice devra être réparé par le versement des sommes de 30 066 euros au titre de l'année 2015, de 14 875,14 euros au titre de l'année 2016 et de 193 511,57 euros au titre de la période postérieure à l'année 2019 ; il subit également un préjudice de perte de retraite qui doit être indemnisé par le versement de la somme de 214 648,74 euros ;
- son déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à 1 543,30 euros ;
- son préjudice d'impréparation, dont il s'était déjà prévalu de façon recevable devant les premiers juges contrairement à ce que fait valoir le CHU de Toulouse, doit être indemnisé par le versement de la somme de 25 000 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 5 500 euros ;
- les souffrances qu'il a endurées, évaluées à 2/7 par l'expertise, devront être réparées par le versement d'une somme de 3 000 euros ;
- son préjudice esthétique doit être évalué à 1 500 euros ;
- son préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de pratiquer la navigation à la voile sera réparé par le versement d'une somme de 8 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2019, la Caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe, représentée par Me A..., indique s'en remettre à la sagesse de la cour quant au principe de la responsabilité du CHU de Toulouse et demande à la cour, dans l'hypothèse où cette responsabilité serait engagée, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 décembre 2018 en tant qu'il limite le montant de ses débours devant être indemnisés par cet établissement de santé à 13 867,54 euros et de porter le montant de cette somme à 69 337,71 euros, à laquelle doit s'ajouter la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Elle soutient que ses débours en lien avec l'opération litigieuse s'élèvent à 69 337,71 euros, dont 66 031,68 euros au titre d'indemnités journalières.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 avril 2019 et le 13 septembre 2019, le CHU de Toulouse, représenté par la SELARL Montazeau et Cara, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. H... et la demande de la Caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement attaqué en tant qu'il fait droit à la demande présentée par M. H... au titre d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice d'impréparation ainsi qu'à la demande de la Caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe au titre des indemnités journalières ;
- de rejeter la demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Toulouse au titre de son préjudice d'agrément et de son préjudice d'impréparation ainsi que la demande de la Caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe au titre des indemnités journalières ;
3°) de mettre à la charge de M. H... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita en accordant à M. H... une somme de 1 000 euros au titre d'un préjudice d'impréparation alors qu'il n'a fait état d'une telle demande que dans un mémoire du 4 septembre 2018, enregistré au greffe du tribunal après l'expiration du délai de recours contentieux ;
- les conclusions présentées au même titre par M. H... devant la cour doivent, dans ces conditions, être regardées comme nouvelles et rejetées comme irrecevables ; subsidiairement, à supposer que la cour retienne la recevabilité de la demande de M. H... au titre du préjudice d'impréparation, l'indemnisation accordée par les premiers juges doit être confirmée ;
- il ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité en raison d'un défaut d'information : le taux de perte de chance de 20% retenu par le tribunal doit être confirmé dès lors que la décision de procéder à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse n'était pas inadaptée et que M. H... en était demandeur compte tenu des douleurs dont il souffrait ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice professionnel qui n'est pas en lien avec la faute qu'il a commise ;
- M. H... ne justifie pas la réalité de son préjudice d'agrément, qui ne pouvait donc pas être inclus dans l'indemnité globale accordée par le tribunal administratif ;
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de la MSA présentée au titre des indemnités journalières qu'elle a versées à M. H..., qui ne sont pas imputables à la faute qu'il a commise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique,
- et les observations de Me D..., représentant M. H..., et de Me E..., représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... a été victime, le 23 février 2004, d'un accident de moto à la suite duquel il a été opéré à l'hôpital Bichat, à Paris, d'une grave fracture sus et inter condylienne de l'humérus droit. Les suites de l'opération ont été marquées par l'apparition d'une pseudarthrose ayant justifié une nouvelle intervention chirurgicale le 3 février 2010 au CHU de Toulouse afin de réduire cette pseudarthrose et de la stabiliser avec l'interposition d'une greffe spongieuse d'origine iliaque. L'évolution postopératoire ayant été satisfaisante, l'ablation d'un système de haubans au niveau de l'olécrane droit a été réalisée le 5 octobre 2010. L'ablation des plaques d'ostéosynthèse au niveau de la palette humérale droite, initialement programmée au début de l'année 2012 et repoussée en raison d'impératifs professionnels de M. H..., a finalement été pratiquée au CHU de Toulouse lors d'une intervention ayant eu lieu du 14 au 17 mai 2013. Au cours de cette intervention, une vis verrouillée n'a pu être enlevée et il a été nécessaire de casser la tête de vis pour pouvoir enlever la plaque. Trois extrémités de vis sont ainsi demeurées au niveau intra osseux. Les suites opératoires ont été marquées par une atteinte sensitive complète du nerf ulnaire confirmée par un électromyogramme réalisé le 7 juin 2013.
2. M. H... a saisi, le 14 octobre 2015, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) de la région Nouvelle-Aquitaine d'une demande d'indemnisation. Après la réalisation d'une expertise, le président de la commission a déclaré, le 18 mai 2016, cette dernière incompétente pour émettre l'avis prévu par les dispositions de l'article L. 1142-8 du code de la santé publique, faute pour le dommage de présenter le caractère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1 du même code. Par un courrier du 18 avril 2017, M. H... a saisi le CHU de Toulouse d'une demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices, qui a été rejetée par une décision implicite née du silence gardé par l'établissement de santé sur cette demande. M. H... et la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe relèvent appel du jugement n° 1703471 du 20 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a respectivement limité à 2 400 euros et 13 867,54 euros le montant de l'indemnisation de leurs préjudices et débours par le CHU de Toulouse. Cet établissement de santé demande à la cour, par la voie de l'appel incident, le rejet des demandes présentées par M. H... et la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe devant le tribunal et, à titre subsidiaire, la réduction de la condamnation prononcée à son encontre.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.
4. Le CHU de Toulouse fait valoir que les conclusions présentées par M. H... tendant à la réparation d'un préjudice d'impréparation étaient irrecevables en première instance et doivent, par suite, être rejetées comme nouvelles en appel. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, M. H... est en toute hypothèse recevable à se prévaloir en appel du préjudice d'impréparation qui lui aurait été causé par un défaut d'information fautif du CHU de Toulouse dès lors que ce chef de préjudice se rattache au même fait générateur que les autres chefs de préjudices dont il s'était prévalu en première instance et que ses prétentions indemnitaires demeurent identiques à celles qu'il avait soumises aux premiers juges.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Si le CHU de Toulouse soutient que les premiers juges ont statué ultra petita en accordant à M. H... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation alors qu'il n'a fait état d'une telle demande qu'après l'expiration du délai de recours contentieux, la circonstance que le tribunal aurait fait droit à une demande irrecevable ne relève pas de la régularité du jugement et n'est susceptible d'être examinée que dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
6. M. H..., qui a lié le contentieux par la demande indemnitaire préalable qu'il a adressée au CHU de Toulouse pour l'ensemble des dommages causés par le fait générateur que constitue l'intervention chirurgicale réalisée au mois de mai 2013 et saisi le tribunal administratif de Toulouse le 25 juillet 2017 d'une demande recevable aux fins de condamnation de cet établissement de santé à l'indemniser des préjudices en ayant résulté, était recevable à demander aux premiers juges par un mémoire du 5 septembre 2018, quand bien même le délai de recours contentieux était expiré à cette date, l'indemnisation d'un poste de préjudice dont il n'avait pas fait état dans ses précédents mémoires. Par suite, le CHU de Toulouse n'est pas fondé à soutenir qu'en le condamnant à verser à M. H... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation, les premiers juges auraient fait droit à une demande irrecevable de l'intéressé.
En ce qui concerne la responsabilité du CHU de Toulouse :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...). / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
8. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
9. Les premiers juges ont retenu que le CHU de Toulouse ne rapportait pas la preuve de l'information de M. H... sur les conséquences possibles de l'intervention chirurgicale du 15 mai 2013. Cet établissement de santé ne conteste pas, en appel, l'existence d'une telle faute et demande la confirmation du taux de perte de chance de 20% retenu par les premiers juges, tandis que M. H... et la caisse de mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe demandent à la cour de le porter à 100%.
10. L'expert désigné par la CCI de la région Nouvelle-Aquitaine retient que la décision d'ablation des plaques d'ostéosynthèse était " discutable " compte tenu de l'absence de douleur de M. H... et de l'état de vulnérabilité de son coude ayant subi une fracture complexe nécessitant deux interventions avec greffe osseuse et transposition antérieure du nerf ulnaire. Il résulte néanmoins de l'instruction que l'ablation du matériel d'ostéosynthèse est une pratique majoritairement répandue quand bien même l'article d'une revue médicale suisse produit au dossier souligne l'importance de cesser de considérer cette opération comme une intervention de routine et la nécessité de mettre en balance, au cas par cas, les bénéfices pouvant en être attendus et les coûts et risques qu'elle représente. Si M. H... soutient qu'il tolérait bien le matériel d'ostéosynthèse, dont il était conscient que le retrait n'allait pas lui permettre de retrouver de la mobilité, et qu'il n'était pas demandeur d'une intervention, il ressort au contraire du courrier de son médecin traitant du 1er mars 2013 qu'il a signalé des douleurs en cas de choc sur le matériel et qu'il souhaitait pouvoir bénéficier rapidement de cette intervention. Le CHU de Toulouse indique, en outre, sans être contredit, que l'ablation du matériel d'ostéosynthèse était recommandée pour un patient tel que M. H... qui pratiquait la voile. Dans ces conditions, M. H... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient fait une insuffisante évaluation du taux de perte de chance entraîné par le défaut d'information en le fixant à 20%.
En ce qui concerne les préjudices de M. H... :
S'agissant du préjudice d'impréparation :
11. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
12. M. H... soutient que le défaut d'information imputable au CHU de Toulouse est à l'origine d'un préjudice moral résultant de l'impréparation aux dommages consécutifs à l'intervention du 15 mai 2013, soit la paralysie de son nerf ulnaire le privant définitivement de la possibilité d'exercer sa profession d'origine de vétérinaire. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
S'agissant des pertes de gains professionnels :
13. M. H... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels comme dépourvue de lien de causalité avec l'intervention réalisée au CHU de Toulouse le 15 mai 2013. Il expose avoir été placé en arrêt de travail pendant une durée de 18 mois à la suite de cette intervention, ce qui aurait fait obstacle à ce qu'il recherche un nouvel emploi et aurait compromis ses chances d'en retrouver un à l'issue de cette période compte tenu des caractéristiques du marché de l'emploi dans son secteur d'activité. Toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal, M. H..., qui avait été placé en arrêt de travail du 30 mars au 26 avril 2013 en raison d'un syndrome dépressif, a été licencié de son emploi de directeur commercial France export au sein d'une entreprise de services utilisant l'expérimentation animale le 3 mai 2013, soit quelques jours avant l'intervention litigieuse, de sorte que cette dernière ne saurait être regardée comme directement à l'origine des pertes de gains professionnels dont il se prévaut. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les séquelles que conserve M. H... de cette intervention ne l'empêchaient pas de reprendre l'activité qu'il exerçait auparavant. Par ailleurs, si le requérant ajoute que son état de santé ne lui permet pas d'exercer de nouveau son activité professionnelle d'origine de praticien vétérinaire dès lors qu'il ne lui est désormais plus possible d'opérer, il n'établit, ni même n'allègue sérieusement, qu'il aurait eu le projet de reprendre une telle activité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande de M. H... tendant à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels comme dépourvue de lien de causalité avec la faute commise par le CHU de Toulouse.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. H... a souffert, en raison de l'intervention litigieuse, d'un déficit fonctionnel temporaire de 10 % du 18 mai 2013 au 19 mars 2015. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, après application du taux de perte de chance, en l'évaluant à la somme de 220 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
15. L'expertise diligentée par la CCI de la région Nouvelle-Aquitaine retient que M. H... a enduré, du fait de l'intervention litigieuse, des souffrances pouvant être évaluées à un degré de deux sur une échelle de sept, compte tenu de son incapacité temporaire prolongée, de la surveillance qui a été nécessaire et de la réalisation de multiples électromyogrammes. Dans ces conditions, ce préjudice sera indemnisé, compte tenu du taux de perte de chance de 20%, à hauteur de 400 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
16. L 'expert a relevé que la paralysie du nerf cubital ou ulnaire dont M. H... reste atteint après l'intervention du 15 mai 2013 correspond à un déficit fonctionnel permanent pouvant être évalué à 5%. Il sera fait une juste évaluation de ce poste de préjudice en l'indemnisant à hauteur de 1 100 euros, après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice d'agrément :
17. M. H... expose être désormais dans l'incapacité de pratiquer la voile, loisir dont il justifie suffisamment de la réalité, contrairement à ce que fait valoir le CHU de Toulouse, par la production d'une attestation d'une amie pratiquant avec lui. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice, après application du taux de perte de chance de 20%, en lui allouant une somme de 400 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
18. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. H... conserve une atrophie persistante et une ébauche de griffe cubitale représentant un préjudice esthétique permanent pouvant être évalué à un degré d'un sur une échelle de sept. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu du taux de perte de chance, en l'indemnisant à hauteur de 200 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. H... est seulement fondé à demander à la cour de porter la somme que le tribunal a condamné le CHU de Toulouse à lui verser à 3 320 euros et, d'autre part, que le CHU de Toulouse n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, la minoration de cette somme.
En ce qui concerne les droits de la mutualité sociale agricole :
20. Les premiers juges ont retenu que la mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe justifiait de débours imputables à l'intervention du mois de mai 2013 pour un montant de 69 337,71 euros, ainsi qu'elle l'indiquait, et ont condamné le CHU de Toulouse, compte tenu d'un taux de perte de chance de 20%, à lui verser la somme de 13 867,54 euros. Le CHU de Toulouse soutient, pour la première fois en appel, que la part de ces débours constituée des indemnités journalières versées à M. H... pour un montant de 66 031,68 euros n'est pas imputable à la faute qu'il a commise. Néanmoins, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que l'atteinte du nerf ulnaire dont a souffert M. H... a été à l'origine de quinze mois d'arrêt de travail. La circonstance que l'intéressé était sans emploi durant la période concernée n'est pas de nature à rompre le lien de causalité entre la faute commise par le centre hospitalier et le versement d'indemnités journalières par la mutualité sociale agricole dès lors que, dans une telle configuration, les indemnités journalières servies par la caisse d'assurance maladie se substituent aux allocations chômage. Par suite, le CHU de Toulouse n'est pas fondé à demander la minoration de la somme qu'il a été condamné à verser à la mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe.Celle-ci n'est pas davantage fondée, compte tenu du taux de perte de chance retenu ci-dessus, à demander que le montant de cette somme soit porté à 69 337,71 euros.
21. La mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe n'obtenant pas la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées à M. H..., les conclusions qu'elle présente au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 1 500 euros à verser à M. H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que la somme que demande le CHU de Toulouse au titre des frais qu'il a exposés pour la présente instance soit mise à la charge de M. H..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 2 400 euros que le CHU de Toulouse a été condamné à verser à M. H... par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 décembre 2018 est portée à 3 320 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1703471 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CHU de Toulouse versera à M. H... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... H..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à la mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme C... F..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2021.
La rapporteure,
Kolia F...
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX00295