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18/05/2021 | FRANCE | N°20BX03385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 mai 2021, 20BX03385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2001049 du 24 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2020,

Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2001049 du 24 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut de motivation et d'une absence d'examen approfondi de sa situation propre ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle suit depuis son arrivée en France des études qui présentent un caractère réel et sérieux ;

- la préfète a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne ; elle n'a plus de liens avec sa mère restée dans son pays d'origine ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; elle a noué en France des liens familiaux importants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est une ressortissante ivoirienne née le 10 décembre 1993 qui est entrée en France le 6 septembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable une année. Elle a bénéficié par la suite d'un titre de séjour pluriannuel lui permettant de poursuivre ses études en France et dont la durée de validité expirait le 24 octobre 2019. Par un arrêté du 26 décembre 2019, la préfète de la Gironde a rejeté la demande de renouvellement de son titre, présentée par Mme B..., et assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement rendu le 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2019.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

2. En premier lieu, à l'appui de ses moyens tirés de l'absence de motivation de l'arrêté en litige et du défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle, la requérante ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents des premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ".

4. Le renouvellement de la carte de séjour portant la mention " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir. Il appartient ainsi au préfet de rechercher à partir de l'ensemble du dossier et notamment au regard de sa progression dans le cursus universitaire, de son assiduité aux cours et de la cohérence de ses choix d'orientation, si le demandeur peut être regardé comme poursuivant avec sérieux les études entreprises.

5. Il ressort des pièces du dossier que depuis son arrivée en France en 2015, Mme B... a validé un master 1 de " droit, économie, gestion " à l'issue de l'année universitaire 2015/2016 avant d'être ajournée à deux reprises au master 1 " justice, process et procédures " lors des années 2016/2017 et 2017/2018. Elle a également échoué à obtenir un diplôme de master 1 " droit social " à l'issue de l'année 2018/2019. Ainsi, en cinq années d'études, Mme B... a connu trois ajournements successifs et le seul diplôme qu'elle a obtenu est antérieur de plus de trois ans à l'arrêté en litige, ce qui témoigne de l'absence d'évolution positive de son cursus universitaire. Dans ces conditions, les études suivies par Mme B... ne peuvent être regardées comme sérieuses et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme B... ne remplit plus les conditions lui permettant de se voir attribuer un titre de séjour étudiant. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir, à l'appui de sa contestation de l'arrêté en litige, des dispositions de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à un étranger d'obtenir à l'issue d'une première année de présence régulière en France, une carte de séjour pluriannuelle s'il justifie qu'il continue de remplir les conditions de délivrance du titre dont il était précédemment titulaire.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. Le moyen invoqué par Mme B... sur le fondement des stipulations et dispositions précitées est normalement inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies. Toutefois, la préfète a relevé, dans les motifs de sa décision, que Mme B... n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi, sa décision ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme B... peut utilement se prévaloir des stipulations et des dispositions précitées.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée régulièrement en France en septembre 2015 et qu'elle y a suivi des études en situation régulière jusqu'au 26 décembre 2019, date de la décision en litige. Néanmoins, les titres de séjour portant la mention " étudiant " qui ont été successivement renouvelés à Mme B... ne lui donnaient pas vocation à demeurer sur le territoire français alors qu'elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, qu'elle a quitté à l'âge de 21 ans, et où réside sa mère. Certes, le père de Mme B... séjourne et travaille en France sous couvert d'une carte de résident valable 10 ans, ses deux demi-frères demeurent à Longjumeau et possèdent la nationalité française tout comme ses deux demi-soeurs, domiciliées à Sèvres, avec lesquels elle justifie avoir des contacts depuis son arrivée en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été séparée de son père, vivant en France, durant plusieurs années et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'elle aurait entretenu, avant son entrée sur le territoire français, de réels liens affectifs avec lui ni avec les enfants que celui-ci a eus en France en 2002, 2005, 2006 et 2014. Par ailleurs, le fait que Mme B... soit titulaire depuis le 20 janvier 2017 d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel ne suffit pas à la faire regarder comme ayant l'essentiel de ses liens privés et familiaux en France. Dans ces circonstances, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écarté.

10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre au séjour Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 20BX03385 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. F... D..., président-assesseur,

Mme E... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX03385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03385
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : BABOU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-18;20bx03385 ?
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