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17/05/2021 | FRANCE | N°18BX04348

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 18BX04348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision verbale par laquelle le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a mis fin à son engagement ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande du 20 avril 2017, d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Cap Excellence de la réintégrer dans ses fonctions par un contrat à durée indéterminée et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, et de con

damner cet établissement public à lui verser les sommes de 36 000 euros au titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision verbale par laquelle le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a mis fin à son engagement ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande du 20 avril 2017, d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Cap Excellence de la réintégrer dans ses fonctions par un contrat à durée indéterminée et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, et de condamner cet établissement public à lui verser les sommes de 36 000 euros au titre de son préjudice financier pour perte de salaire jusqu'à sa réintégration, de 30 000 euros pour la rupture abusive de son contrat de travail et le refus injustifié de son renouvellement, de 30 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier de l'allocation chômage et de 30 000 euros pour le préjudice moral subi, assorties des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1700782 du 16 octobre 2018 le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la communauté d'agglomération Cap Excellence à verser à Mme C... une indemnité globale de 1 200 euros, intérêts compris, en réparation des préjudices subis résultant de la rupture fautive de son contrat de travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 décembre 2018, le 24 juillet 2019, le 10 décembre 2019 et le 16 janvier 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 octobre 2018 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes ;

2°) d'annuler la décision verbale par laquelle le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a mis fin à son recrutement ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande du 20 avril 2017 tendant à sa réintégration, à la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à la reconstitution de sa carrière et à sa réintégration dans ses droits sociaux et à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction illégale ;

3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Cap Excellence de la réintégrer dans ses fonctions par un contrat à durée indéterminée et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération Cap Excellence à lui verser les sommes de 36 000 euros au titre du préjudice financier pour perte de salaire jusqu'à sa réintégration, de 30 000 euros pour la rupture abusive de son contrat de travail et le refus injustifié de son renouvellement, de 30 000 euros pour la perte de chance de bénéficier de l'allocation chômage et de 30 000 euros pour le préjudice moral subi, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cap Excellence la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, dès lors qu'il est insuffisamment motivé, en se bornant à indiquer que la succession de contrats de prestations de service ne lui conférait pas le droit de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, sans exposer les raisons pour lesquelles elle était liée à la communauté d'agglomération Cap Excellence par un contrat de prestations de service ; il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de ce qu'elle n'était pas une travailleuse indépendante et devait être regardée comme liée à la communauté d'agglomération Cap Excellence par un contrat de droit public ; le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- la décision verbale mettant fin à ses fonctions de professeure de piano, notifiée le 29 septembre 2016, est entachée d'erreurs de droit et d'appréciation, dès lors qu'elle était affectée sur un poste permanent ; ayant exercé les mêmes fonctions de professeure de musique depuis 2007 sans discontinuité, son activité répond à un besoin permanent de l'administration et non pas à un besoin saisonnier ou occasionnel ; son poste, depuis son éviction illégale, n'a pas disparu car elle a été remplacée dans ses fonctions par un nouveau professeur de musique recruté, comme elle, sous statut d'auto-entrepreneur ; elle était en situation de subordination vis-à-vis de l'administration car elle ne disposait pas d'autonomie dans l'organisation de son travail, dès lors que l'établissement du planning lui était imposé, le contenu pédagogique de ses cours était contrôlé, les cours étaient dispensés au centre culturel de Sonis, et l'administration mettait l'ensemble des moyens matériels et humains à sa disposition ; elle conteste les allégations de l'administration selon lesquelles elle aurait travaillé pour d'autres employeurs et qu'elle était indépendante dans l'exercice de ses fonctions ; l'administration a voulu lui imposer une baisse de salaire qu'elle a refusée pour l'année scolaire 2016-2017 ;

- la décision refusant de la réintégrer dans ses fonctions en requalifiant son contrat de travail de contrat à durée indéterminée méconnaît les dispositions de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984, dès lors que, occupant un emploi répondant à un besoin permanent de l'administration, le contrat ne peut être reconduit au-delà de six ans que pour une durée indéterminée ; elle pouvait être recrutée dans le cadre d'emplois des agents de catégorie A des professeurs territoriaux d'enseignement artistiques ; l'article 41 II de la loi du 12 mars 2012 précise que l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 est applicable aux contrats en cours, qui ont été conclus sur le fondement des quatrième au sixième alinéas de l'article 3 de cette loi ;

- le tribunal s'est livré à une appréciation erronée de sa situation, dès lors que le litige est né de la rupture brutale de son contrat, dont le terme était fixé au 30 juin 2017 ; elle doit être regardée comme ayant été licenciée illégalement, dès lors qu'elle a commencé, dans les faits, ses cours dès le 26 septembre 2016, avant d'être brutalement licenciée le 29 septembre suivant, de sorte que la rupture de son contrat est postérieure à son début d'exécution ;

- ayant été licenciée, la décision d'éviction ne respecte pas les formes requises par le décret du 15 février 1988, et elle aurait dû bénéficier d'un préavis de deux mois conformément à son article 40 ; elle n'a pas bénéficié d'un entretien préalable en méconnaissance de l'article 42 et a ainsi été privée d'une garantie ; elle ne s'est jamais vue notifier les motifs de la décision contestée ;

- l'administration ne pouvait légalement procéder au retrait d'un contrat ; la circonstance que le contrat proposé le 23 septembre 2016 n'a pas été signé par les parties ne serait conférer à celui-ci un caractère irrégulier et faire obstacle à sa poursuite ; l'administration ne pouvait procéder au retrait du contrat sans chercher à le régulariser ; la tentative de l'administration de régulariser la situation en modifiant substantiellement le contrat initial en en réduisant la durée au seul mois d'octobre 2016 ne saurait en tenir lieu ;

- à supposer que la décision de rupture du contrat soit regardée comme une décision de retrait, celle-ci n'est pas motivée et méconnaît le 4° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la responsabilité de la communauté d'agglomération Cap Excellence est engagée à son égard dès lors qu'elle avait droit à la réparation intégrale de son préjudice financier jusqu'à sa réintégration, qu'elle évalue à la somme de 36 000 euros, sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 1 923 euros ;

- l'évaluation de son préjudice résultant du défaut de paiement des heures d'enseignement effectuées durant le mois de septembre 2016, ce que la collectivité ne conteste pas, telle que fixée par le tribunal à 700 euros, est insuffisante ;

- elle a droit à ce qu'il lui soit allouée une indemnité résultant du manque à gagner subi, ayant perdu une chance d'être rémunérée jusqu'à la fin du contrat initialement prévue au 30 juin 2017, qu'elle évalue à 30 000 euros ;

- elle a droit à ce qu'il lui soit allouée une indemnité correspondant à l'allocation d'assurance chômage dont elle a été privée dans la mesure où elle a été employée à tort en qualité de prestataire de services, qu'elle fixe à la somme de 30 000 euros ;

- compte tenu de ce qu'elle a été maintenue dans une situation précaire pendant plus de sept ans, l'évaluation par le tribunal de son préjudice moral à 500 euros est insuffisante ; elle justifie, compte tenu de la brutalité de la rupture des relations contractuelles et de ses difficultés à retrouver un emploi, de l'allocation d'une indemnité de 30 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 mai 2019, le 6 novembre 2019, et le 16 janvier 2020, la communauté d'agglomération Cap Excellence, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête de Mme C... et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnité de 1 200 euros qui a été mise à sa charge en première instance soit réduite à de plus juste proportion.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont statué ultra petita en la condamnant à verser à Mme C... une indemnité qu'elle n'avait pas demandée ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 modifié ;

- le décret n° 2011-558 du 20 mai 2011 modifié ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... D...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de Me G..., représentant la communauté d'Agglomération Cap Excellence.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par la commune des Abymes pour la pratique d'une activité musicale au sein du centre culturel de Sonis par un contrat à durée déterminée conclu en application de la loi du 26 janvier 1984, successivement renouvelé du 1er octobre 2007 au 30 juin 2011. Le centre culturel de Sonis ayant été déclaré d'intérêt communautaire, sa gestion a été transférée à la communauté d'agglomération Cap Excellence. Depuis 2011, Mme C... a été employée par cette communauté sous le statut d'auto-entrepreneur pour exercer au sein du centre culturel de Sonis les mêmes fonctions. Dans ce cadre, elle a conclu avec la communauté d'agglomération Cap Excellence plusieurs contrats intitulés " contrat de prestations de service " d'une durée de neuf mois, du 1er octobre 2011 au 30 juin 2016. Le 23 septembre 2016, une proposition de contrat lui a été faite, qui n'a pas été signée par l'intéressée. Par une réclamation préalable du 20 avril 2017, reçue le 3 mai 2017, Mme C... a demandé à la communauté d'agglomération Cap Excellence sa réintégration, la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la reconstitution de sa carrière et de réintégration dans ses droits sociaux ainsi que l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction illégale, demande sur laquelle l'administration a gardé le silence. Mme C... relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la communauté d'agglomération Cap Excellence à lui verser une indemnité totale de 1 200 euros, intérêts compris, en réparation des préjudices subis résultant de la rupture fautive de son contrat de travail. La communauté d'agglomération Cap Excellence demande, par la voie de l'appel incident, la réduction du montant de l'indemnité mise à sa charge par les premiers juges.

Sur la qualification du contrat liant Mme C... à la Communauté d'agglomération Cap Excellence :

En ce qui concerne les conclusions au fin d'annulation dirigées contre la décision verbale mettant fin à l'engagement de Mme C... :

2. D'une part, aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; / 3° Pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants et de secrétaire des groupements composés de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil ; / 4° Pour les emplois à temps non complet des communes de moins de 1 000 habitants et des groupements composés de communes dont la population moyenne est inférieure à ce seuil, lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 % ; / 5° Pour les emplois des communes de moins de 2 000 habitants et des groupements de communes de moins de 10 000 habitants dont la création ou la suppression dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité ou à l'établissement en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public. / Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Et aux termes du II de l'article 3-4 de cette loi : " Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. /La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3. (...) /Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à des services effectués à temps complet. /Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois. /Lorsqu'un agent remplit les conditions d'ancienneté mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas du présent II avant l'échéance de son contrat en cours, les parties peuvent conclure d'un commun accord un nouveau contrat, qui ne peut être qu'à durée indéterminée. ". Aux termes du II de son article 41 : " L'article 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est applicable aux contrats, en cours à la date de publication de la présente loi, qui ont été conclus sur le fondement des quatrième à sixième alinéas de l'article 3 de ladite loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi. ".

3. Il résulte de ces dispositions combinées qu'un agent contractuel de droit public d'une collectivité territoriale recruté sur un emploi permanent ne peut bénéficier de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée qu'à la condition de relever des cas prévus par l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, désormais repris à son article 3-3 dans sa version issue de la loi du 12 mars 2012.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n°2011-558 du 20 mai 2011 relatif au cadre d'emploi des animateurs territoriaux : " les animateurs territoriaux constituent un cadre d'emploi d'animation de catégorie B au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " I. _ Les membres du cadre d'emplois des animateurs territoriaux coordonnent et mettent en oeuvre des activités d'animation. Ils peuvent encadrer des adjoints d'animation. / Ils interviennent dans le secteur périscolaire et dans les domaines de l'animation des quartiers, de la médiation sociale, de la cohésion sociale, du développement rural et de la politique du développement social urbain. Ils peuvent participer à la mise en place de mesures d'insertion. / Ils interviennent également au sein de structures d'accueil ou d'hébergement, ainsi que dans l'organisation d'activités de loisirs. / ".

5. Il est constant que Mme C... a été recrutée initialement le 1er octobre 2007 par la commune des Abymes, puis par la communauté d'agglomération Cap Excellence à compter du mois d'octobre 2011, au sein du centre culturel de Sonis, situé dans un quartier classé prioritaire, ayant vocation à mener des actions d'animation de quartier et de sensibilisation à l'art et à la culture à destination d'une population aux revenus modestes en vue de réduire la fracture sociale. Dans ce cadre, Mme C... a été recrutée notamment pour y conduire des missions d'animation par l'initiation au piano, dans un cadre périscolaire, à raison d'environ seize heures par semaine, jusqu'au 30 juin 2016. Il ressort en particulier de ses contrats de recrutement qu'elle avait pour missions d'intervenir sur des actions d'acquisition et de perfectionnement des connaissances artistiques au sein d'ateliers de formation dirigées par elle, de transmettre sa connaissance, ainsi qu'à former l'élève à la pratique du piano. Il résulte également de l'instruction que ses contrats ont été régulièrement renouvelés sur une période allant du 1er octobre 2007 au 30 juin 2016 pour y exercer les mêmes fonctions. Les fonctions ainsi exercées par Mme C... au sein du centre culturel de Sonis s'inscrivaient dans le cadre de celles qui sont susceptibles d'être assurées dans le cadre de l'animation des quartiers, par des agents titulaires appartenant au cadre d'emplois des animateurs territoriaux de catégorie B, et non pas, comme elle le soutient, par des professeurs territoriaux d'enseignement artistiques de catégorie A.

6. Eu égard à l'identité d'activité de Mme C... au sein du centre culturel de Sonis sur toute la période susmentionnée, et de la circonstance que ses contrats se sont succédés au titre de chaque année scolaire, sur la même période, la communauté d'agglomération Cap Excellence doit être regardée comme ayant instauré avec cette dernière un lien contractuel présentant les caractéristiques d'un contrat de droit public, telles qu'énoncées à l'article 3 précité de la loi du 26 janvier 1984, nonobstant la circonstance qu'elle exerçait ses fonctions sous le statut d'auto entrepreneur, et alors même qu'elle disposait d'une certaine latitude dans l'organisation de ses ateliers.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les fonctions exercées par Mme C... n'étaient pas susceptibles d'être exercées par des fonctionnaires relevant des cadres d'emplois des fonctionnaires territoriaux du niveau de la catégorie A, par référence aux dispositions du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des professeurs territoriaux d'enseignement artistique prévoyant qu'ils constituent un cadre d'emplois de catégorie A. Par conséquent, Mme C... n'entrant dans aucune des catégories prévues par l'article 3-3 précité de la loi du 26 janvier 1984, elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de cet article qui n'autorisent le renouvellement du contrat que pour une durée indéterminée.

8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le dernier contrat de Mme C... prenait fin au 30 juin 2016. S'il résulte de l'instruction qu'un nouveau contrat, avec prise d'effet au 1er octobre 2016, lui a été proposé le 23 septembre 2016, revêtu de la signature de la collectivité, et qu'une négociation s'est alors engagée sur le montant tarifaire, la requérante n'a pas accepté cette proposition. Dans ces conditions, la décision verbale par laquelle son employeur l'a informée le 29 septembre 2016 de son intention de ne plus recourir à ses services doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme procédant au retrait de la proposition de contrat et, par suite, doit s'analyser comme une décision de non renouvellement de son contrat à durée déterminée, venu à échéance au 30 juin 2016. La circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier, qu'elle aurait commencé ses ateliers de formation dès la fin du mois de septembre 2016 est sans incidence sur cette qualification. Par suite, les moyens tirés du non-respect du délai de préavis et du défaut d'entretien préalable précédant la décision de licenciement tels que régis par les dispositions invoquées par la requérante des articles 39 et suivants du décret 15 février 1988, doivent être écartés comme inopérants.

9. Si la décision refusant à un agent non titulaire le renouvellement de son contrat n'est pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées et si cet agent n'a pas droit au renouvellement de son contrat, il appartient toutefois à l'autorité administrative, lorsque l'agent a saisi le juge d'une demande à fin d'annulation de la décision de non renouvellement et lorsqu'il soutient, comme en l'espèce, que celle-ci n'a pas été prise dans l'intérêt du service, d'indiquer, s'ils ne figurent pas dans la décision, les motifs pour lesquels il a été décidé de ne pas renouveler le contrat. A défaut de fournir ces motifs, la décision de non renouvellement doit être regardée comme ne reposant pas sur des motifs tirés de l'intérêt du service. En l'espèce, la communauté d'agglomération Cap Excellence, qui se borne à faire valoir que l'intéressée ne peut invoquer un droit à renouvellement de son contrat, ne fournit pas les motifs pour lesquels son président a pris la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme C.... Dans une telle hypothèse, et alors que ses fonctions ont fait l'objet d'un nouveau recrutement, la décision verbale litigieuse doit être regardée comme ayant été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et doit être, alors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante, annulée.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision implicite refusant de réintégrer Mme C... sur la base d'un contrat de travail à durée indéterminée :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la requérante n'était liée, en dernier lieu, à la communauté d'agglomération Cap Excellence que par un contrat à durée déterminée, lequel n'a pas été renouvelé. Par suite, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation d'un prétendu contrat en cours.

Sur la réparation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices financiers :

11. Lorsque l'éviction d'un agent est entachée d'une illégalité interne comme en l'espèce, cet agent n'a pas droit, en l'absence de service fait, aux salaires qu'il n'a pas perçus mais a en revanche droit sur la période de son éviction à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait perçus s'il n'avait pas été évincé, diminuée des revenus d'activité ou de remplacement dont il a éventuellement bénéficié au cours de la même période d'éviction.

12. Le tribunal a condamné la communauté d'agglomération Cap Excellence à verser à Mme C... la somme de 700 euros au titre d'heures de travail effectuées les 26 et 28 septembre 2016 qui ne lui aurait pas été payées. Toutefois, Mme C... ne produit pas davantage en appel qu'en première instance les justifications correspondant aux heures d'enseignement qu'elle prétend avoir réalisées. Par suite, le jugement attaqué doit être réformé sur ce point.

13. Si la requérante sollicite un rappel de traitement dont elle avait une chance sérieuse de bénéficier jusqu'à sa réintégration et qu'elle chiffre à la somme de 36 000 euros, toutefois, et en l'absence de service fait, ces prétentions indemnitaires ne sauraient être accueillies.

14. Il résulte de ce qui précède que le refus de renouvellement du dernier contrat à durée déterminée de Mme C... étant imputable à la communauté d'agglomération Cap Excellence, l'intéressée est, par suite, en droit de prétendre à un revenu de remplacement. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande tendant au paiement d'une indemnité au titre de l'allocation d'assurance chômage dont elle a été privée.

En ce qui concerne le préjudice moral :

15. Mme C... a exercé les mêmes fonctions au sein du centre culturel de Sonie entre 2007 et 2016. Compte tenu des conditions de non renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée, il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en lui allouant la somme de 3 000 euros, intérêts compris. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir qu'en lui allouant 500 euros, le tribunal administratif s'est livré à une évaluation insuffisante de son préjudice moral.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de régularité du jugement tiré de l'omission à statuer sur la nature juridique du prétendu contrat, d'une part, que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a limité le montant de l'indemnité globale qu'il a condamné la communauté d'agglomération Cap Excellence à lui verser à la somme de 1 200 euros et à demander que le montant de cette indemnité soit porté à la somme de 3 000 euros intérêts compris et, d'autre part, que la communauté d'agglomération Cap Excellence n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à soutenir que la somme qu'elle a été condamnée à verser à la requérante en réparation des préjudices résultant de la rupture illégale de son contrat est excessive.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

17. L'annulation contentieuse du refus de l'autorité administrative de renouveler le contrat à durée déterminée qui la lie à un de ses agents ne saurait impliquer l'obligation pour celle-ci de renouveler ce contrat, mais uniquement celle de statuer à nouveau sur l'éventuel renouvellement. Ainsi, l'annulation, par le présent arrêt, de la décision verbale du 29 septembre 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a refusé de renouveler le contrat à durée déterminée de Mme C... n'implique pas nécessairement, comme le demande l'intéressée, le renouvellement de son contrat. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction tendant à ce que soit ordonnée sa réintégration ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la communauté d'agglomération Cap Excellence au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

19. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cap Excellence, qui est dans la présente instance la partie perdante, la somme de 1 500 euros à son profit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision verbale du 29 septembre 2016 par laquelle la communauté d'agglomération Cap Excellence a décidé de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de Mme C... est annulée.

Article 2 : La somme que la communauté d'agglomération Cap Excellence a été condamnée à verser à Mme C... au titre des préjudices subis du fait de la rupture illégale de son contrat est portée à 3 000 euros, intérêts compris.

Article 3 : Le jugement n° 1700782 du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La communauté d'agglomération Cap Excellence versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Cap Excellence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... et les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération Cap Excellence sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et à la communauté d'agglomération Cap Excellence.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme A... D..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2020.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne à la ministre de l'outre-mer en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

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N°18BX04348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04348
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : ADAMAS - AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-17;18bx04348 ?
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