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17/05/2021 | FRANCE | N°18BX02173

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 17 mai 2021, 18BX02173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 251,07 euros au titre du remboursement effectué à l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC) ainsi qu'une somme de 20 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, de son préjudice moral et de la perte de retraite, assorties des intérêts avec capitalisation.

Par un jugement n° 1602062 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à

M. A... une somme de 18 835,79 euros assortie des intérêts au taux légal à comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 251,07 euros au titre du remboursement effectué à l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC) ainsi qu'une somme de 20 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, de son préjudice moral et de la perte de retraite, assorties des intérêts avec capitalisation.

Par un jugement n° 1602062 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 18 835,79 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2015 ainsi que la capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés le 30 mai 2018, le 17 juillet 2019 et le 14 octobre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une motivation insuffisante sur sa réponse apportée au moyen tiré de ce que " la qualification d'agent à statut local " ne pouvait être retenue ; le jugement est insuffisamment motivé sur la démonstration d'un lien causal entre la faute de l'administration et les préjudice invoqués, en se bornant à indiquer que les fonctions exercées par M. A... étaient assimilables à celles confiées à un agent titulaire ;

- le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit et dénaturé les faits, dès lors que la prescription quadriennale s'oppose à la demande indemnitaire de M. A... ; il avait nécessairement connaissance du défaut de publication des textes dont il se prévaut, dès lors que le mémoire a été produit le 18 juin 2008 dans le cadre de l'instance n° 06BX02002, 06BX02022, au regard des moyens soulevés par le requérant en fait état, sans que ces éléments de procédure puissent être remis en cause au motif qu'il n'a pas produit le mémoire de M. A... du 18 juin 2008 devant le tribunal administratif à qui il appartenait de se le procurer en prescrivant une mesure d'instruction, et dont la lecture révèle la connaissance du fait générateur de sa prétendue créance à l'encontre de l'Etat ; le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour qui a annulé le jugement condamnant l'Etat au versement des primes litigieuses, impliquait nécessairement que ces primes n'étaient pas dues à ce dernier ; le requérant ne pouvait être regardé, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, comme n'ayant pu avoir eu connaissance du préjudice résultant pour lui du défaut de publication du décret du 5 août 1970 fixant le régime particulier des primes accordées à certains personnels techniques de la navigation aérienne et de l'arrêté du 26 octobre 1987 fixant les modalités de son application qu'à la date à laquelle il a été contraint au reversement des primes à l'ENAC ; la circonstance que l'ENAC n'a pas procédé immédiatement au recouvrement des sommes dues est sans incidence sur le déclenchement du délai de prescription quadriennale ; M. A... ne démontre pas avoir procédé à une quelconque diligence destinée à engager la responsabilité de l'Etat entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, de sorte que le délai de prescription quadriennale n'a pas été interrompu ;

- il résulte tant des motifs que du dispositif de l'arrêt de la cour rendu le 2 septembre 2008, régulièrement notifié à M. A..., que le décret du 5 août 1970 et l'arrêté du 26 octobre 1987 n'ont pas été publiés, comme l'atteste le pourvoi en cassation enregistré le 5 novembre 2008 au Conseil d'Etat contre cet arrêt ;

- M. A... ne saurait faire grief à l'administration de confondre les actions qu'il a respectivement engagées à l'encontre de l'ENAC et de l'Etat ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de qualification juridique relative au champ d'application du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987 ; l'ensemble des conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat n'est pas rempli, à la seule exception de l'existence d'une faute résultant de la carence dans la publication de la réglementation, ce qu'il ne conteste pas ; le lien de causalité entre la faute et le préjudice n'est pas établi dès lors que M. A... n'entrait pas dans le champ d'application du décret du 5 août 1970 et ne pouvait prétendre au bénéfice des primes visées par l'arrêté du 26 octobre 1987 ; les fonctions de pilote opérateur sur simulateur de vol exercées par M. A... n'étaient pas assimilables à celles susceptibles d'être confiées aux techniciens de l'aviation civile ou aux techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile relevant du décret n° 93-622 du 27 mars 1993 ; la justification d'un régime particulier de prime pour les agents titulaires au bénéfice des personnels assimilés, visés par le décret du 5 août 1970, réside dans la technicité et les sujétions liées à l'exploitation des services concourant à la sécurité aérienne ; or, M. A... n'établit pas répondre à ces critères d'attribution ; il doit être regardé comme un " agent à statut local " au sens du décret du 5 août 1970, dès lors qu'il a été recruté et rémunéré directement par l'ENAC et non par la Direction de l'administration centrale ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en présumant que M. A... pouvait automatiquement prétendre au bénéfice des primes visées par l'arrêté du 26 octobre 1987, sans rechercher s'il remplissait effectivement les conditions restrictives posées par cet arrêté ; il a été démontré en première instance qu'il n'était pas éligible à la prime de technicité dès lors que ses fonctions de pilote écho radar ne permettent pas d'assimiler ses fonctions à celles des titulaires et personnels assimilés visés par le décret du 5 août 1970 ; il n'était pas davantage éligible à la prime d'exploitation et de sujétion, n'étant pas chargé de fonctions d'instruction à plein temps, ni à la prime de vacation, au sens de l'arrêté du 26 octobre 1987.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 8 février 2019 et le 29 août 2019, M. A..., représenté par la SCP Potier de la Varde-Buk-Lament-Robillot, conclut au rejet de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularités ni d'insuffisance de motivation ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret du 5 août 1970 ;

- l'arrêté du 26 octobre 1987 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.

Une note en délibéré, présentée dans plusieurs instances, pour les requérants, MM. A..., Cros, et Waterinckx a été enregistrée le 9 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A... a été recruté en tant qu'agent " vacataire " par l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC), de 1993 à 1997, pour occuper les fonctions de pilote-instructeur sur simulateur de vol. Il a été rémunéré, en application des dispositions combinées du décret du 12 juin 1956 portant fixation du système général de rétribution des agents de l'Etat ou des personnels non fonctionnaires assurant à titre d'occupation accessoire une tâche d'enseignement et d'un arrêté du 7 novembre 1953, sur la base d'un nombre de vacations multipliées par un taux horaire correspondant à une fraction pondérée du traitement brut afférent à l'indice net 450 de la fonction publique. Par un jugement du 11 juillet 2006, le tribunal administratif de Toulouse, ayant constaté l'illégalité de la décision par laquelle l'ENAC avait refusé de requalifier en contrat à durée déterminée les services accomplis par M. A... au sein de cet établissement de 1993 à 1997 selon un régime de vacations, a condamné l'ENAC à verser à M. A... les sommes représentatives des congés annuels et jours fériés rémunérés, ainsi que la prime de technicité et la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion prévue par l'arrêté du 26 octobre 1987. Toutefois, ce jugement a été annulé par un arrêt n° 06BX02002, 06BX02022 du 2 septembre 2008 de la cour, en tant qu'il a condamné l'ENAC à verser à M. A... des primes dont ce dernier ne pouvait se prévaloir dès lors qu'elles avaient été instituées par des dispositions réglementaires non publiées au Journal Officiel de la République française. Cet arrêt a été confirmé, sur ce point, par le Conseil d'Etat le 16 mars 2011 par une décision n°322268. M. A... a alors saisi ce même tribunal d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables ayant résulté pour lui du défaut de publication du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987, pris pour son application. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 16 835,79 euros en réparation du préjudice matériel subi et de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, résultant de la privation de la prime de technicité, d'exploitation, de vacation ou de sujétion durant sa période d'activité au sein de l'ENAC.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En premier lieu, le ministre de la transition écologique soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur le caractère assimilable des fonctions exercées de pilote sur simulateur à celles des personnels des corps techniques de la navigation aérienne, et sur le refus de qualifier M. A... d'agent à statut local au sens du décret du 5 août 1970. Toutefois, les premiers juges, après avoir considéré que M. A... devait être regardé, au regard des pièces du dossier, comme un agent contractuel assimilé aux personnels techniques de la navigation aérienne, au sens des dispositions du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987, ont estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il puisse être regardé comme un agent à statut local, comme le ministre le faisait valoir en défense. Ainsi, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement.

4. En deuxième lieu, en relevant que " (...) le requérant est fondé à soutenir qu'il entrait dans les prévisions du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987 susvisés et que la non-publication fautive desdits textes lui a causé un préjudice direct et certain résultant de l'impossibilité pour lui de s'en prévaloir et de bénéficier, partant, de la prime de technicité et de la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion (...) ", que " (...) M. A... a subi un préjudice matériel direct et certain correspondant au montant des primes qu'il aurait dû percevoir en application du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987 s'ils avaient été régulièrement publiés ; qu'il n'est pas contesté que le montant des primes initialement alloué à M. A... et qu'il a ensuite été contraint de rembourser s'élève à 16 835,79 euros (...) " et que " la non-publication fautive du décret du 5 août 1970 et de son arrêté d'application ont causé à M. A... un préjudice moral dès lors qu'il a été privé d'un régime de primes auquel il aurait normalement pu prétendre ", les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen invoqué tiré de l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise et les préjudices invoqués.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement contesté n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

6. Aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...). Selon l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Enfin l'article 3 de la même loi dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

7. Il résulte de ces dispositions que le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration. Lorsque l'origine du dommage, ou les indications permettant d'imputer un dommage à un fait fautif de l'administration, résulte d'un jugement ou d'un arrêt de cour administrative d'appel, la prescription peut être interrompue notamment par un pourvoi en cassation dirigé contre cette décision.

8. Compte tenu de la nature de l'abstention fautive de publier des textes qui se trouve à l'origine du dommage subi par l'agent, M. A... doit être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au titre des indemnités auxquelles il pouvait prétendre jusqu'à la date à laquelle la cour a statué sur l'inopposabilité de textes non publiés. Ce délai de prescription a été interrompu, en application de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, par le pourvoi en cassation dirigé contre cet arrêt. Les circonstances, invoquées par le ministre de la transition écologique, que l'arrêt de la cour était exécutoire et que l'agent avait invoqué dans les instances n° 06BX02002 et 06BX02022 devant la cour, l'absence fautive de publication des textes, ne sont pas de nature à modifier cette analyse. Par suite, le délai de prescription a donc recommencé à courir à compter du 1er janvier 2012, premier jour de l'année suivant celle de la décision n° 322268 du 16 mars 2011 du Conseil d'Etat rejetant ce pourvoi. Dans ces conditions, à la date du 23 décembre 2015 à laquelle M. A... a formé sa réclamation indemnitaire préalable pour obtenir réparation du préjudice que leur cause la non publication du décret du 5 août 1970, sa créance n'était pas prescrite ainsi que l'ont jugé à bon droit les juges de première instance.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

9. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 5 août 1970 fixant le régime particulier des primes accordées à certains personnels techniques de la navigation aérienne : " Les personnels des corps techniques de la navigation aérienne, autres que les ingénieurs des travaux, bénéficient en raison de leur technicité, des sujétions liées à l'exploitation des services concourant à la sécurité aérienne et des responsabilités qui en découlent, d'un régime de primes particulier. En bénéficient également les personnels assimilés à l'exclusion des agents à statut local. Ces primes varient selon les fonctions exercées, les qualifications obtenues, l'activité des centres ou services d'affectation, la régularité du trafic assuré ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " (...) Outre la prime de technicité, les personnels visés à l'article 1er peuvent bénéficier d'une prime mensuelle tenant compte de la manière de servir appelée : (...) / - prime de vacations, pour les personnels chargés à plein temps de fonctions d'instruction ". Le 5° de l'article 6 de l'arrêté du 26 octobre 1987 fixant les modalités d'application du décret du 5 août 1970 vise, parmi les agents bénéficiaires de la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion, " les techniciens de l'aviation civile et les agents contractuels assimilés exerçant effectivement leurs fonctions (...) à l'ENAC. ".

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que le décret du 5 août 1970 ainsi que l'arrêté du 26 octobre 1987 pris pour son application n'ont jamais fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française, sans que des circonstances exceptionnelles aient justifié l'absence de publication régulière. Ainsi, le défaut de publication de ces textes dans un délai raisonnable constitue une abstention fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

11. Toutefois, le ministre de la transition écologique conteste l'existence du lien de causalité entre la carence fautive de l'Etat et les préjudices invoqués par M. A..., en faisant valoir que l'agent ne relevait pas du champ d'application des dispositions précitées. Il précise que, d'une part M. A... ne pouvait être " assimilé " à un technicien de l'aviation civile ou à un technicien supérieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile, dès lors que les fonctions qu'il exerçait étaient limitées à celles de pilote opérateur sur simulateur de vol, et n'impliquait pas les responsabilités d'un instructeur ni de mission d'enseignement, d'autre part, le ministre fait valoir que M. A..., recruté et rémunéré par l'ENAC, devait être regardé comme un " agent à statut local " exclut du dispositif des primes en cause.

12. En premier lieu, il ressort des termes de ses contrats d'engagement que M. A... a été recruté par l'ENAC afin d'assurer pour partie des fonctions de pilotage de simulateur contrôle automatisé du trafic aérien (CAUTRA) et pour partie des fonctions d'instruction. Il ressort également du rapport de l'expert désigné devant le tribunal administratif de Toulouse à l'occasion du litige relatif à la requalification du contrat de travail de M. A..., lequel s'il n'a pas été contradictoire avec l'Etat peut néanmoins être pris en compte à titre d'information dès lors qu'il a été communiqué aux parties qui ont pu faire valoir leurs observations, que l'ENAC indiquait que les pilotes écho radar ou pilotes sur simulateur, tels que M. A..., pouvaient être assimilés aux personnels techniques de la navigation aérienne. Si le ministre de la transition écologique ajoute que les pilotes écho-radar n'exercent pas la totalité des fonctions des techniciens de l'aviation civile, cependant il ne conteste pas que les postes de pilote écho-radar étaient auparavant pourvus par des techniciens de l'aviation civile. Dès lors, M. A..., qui a été recruté en qualité de vacataire pour pallier le sous-effectif des techniciens de l'aviation civile, qui avait un niveau de recrutement comparable à ces techniciens et qui occupait un poste auparavant pourvu par les techniciens de l'aviation civile doit être regardé comme un personnel assimilé au sens de l'article 1er du décret du 5 août 1970 précité.

13. En second lieu, le ministre fait valoir que M. A... devait être regardé comme un " agent à statut local ", au sens du décret du 5 août 1970 précité dès lors qu'il était recruté et rémunéré par l'ENAC. Cependant, les conditions de rémunération et de recrutement ne sauraient suffire à établir l'existence d'un statut local érigé par l'ENAC pour son personnel. Aussi, en l'absence d'un statut local spécifique aux agents de l'ENAC, le ministre n'est pas fondé à soutenir que M. A... devait être qualifié " d'agent à statut local ".

14. Il résulte de ce qui précède, que c'est à bon droit que les juges de première instance ont jugé que M. A... devait être regardé comme un agent contractuel assimilé aux personnels des corps techniques de l'aviation civile.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :

S'agissant de la prime de technicité et de la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion :

15. Le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à M. A..., d'une part, la somme de 16 835,79 euros en réparation de son préjudice matériel résultant de ce qu'il a été privé du droit à la prime de technicité et à la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion, auxquelles il était éligible, qu'il avait été contraint de restituer et, d'autre part, la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que M. A..., qui doit être regardé comme un agent assimilé aux techniciens de l'aviation civile, entre dans le champ du décret du 5 août 1970. M. A... est donc susceptible de bénéficier des primes de technicité et d'exploitation, de vacation ou de sujétion à la condition qu'il remplisse les autres conditions posées par ce décret. D'une part, en ce qui concerne la prime de technicité, si le ministre fait valoir que M. A... n'avait pas la technicité et les sujétions imposés aux personnels statutaires de l'aviation civile, il ressort des pièces du dossier que les pilotes écho-radar exerçaient dans les mêmes conditions que les techniciens de l'aviation civile. La seule circonstance qu'ils n'exerçaient pas la totalité des missions des agents statutaires, ne saurait les exclure du bénéfice de ladite prime. D'autre part, en ce qui concerne la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion, le ministre fait valoir que M. A... ne remplit pas la condition posée par l'article 4 du décret du 5 août 1970 dès lors qu'il n'exerçait pas à temps plein. Il ressort effectivement du rapport d'expertise que M. A... était un agent à temps partiel par conséquent non concerné par la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion. Dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, M. A... n'était pas éligible à la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion et il y a lieu de réformer le jugement du tribunal en tant qu'il a condamné le ministre à indemniser M. A... du préjudice résultant de la privation de cette prime.

S'agissant du préjudice moral :

17. Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la non-publication fautive du décret du 5 août 1970 et de son arrêté d'application ont causé à M. A... un préjudice moral dès lors qu'il a été privé d'un régime de primes auquel il aurait normalement pu prétendre, renforcé par la circonstance qu'il n'est pas contesté en défense que les agents titulaires, contrairement aux agents contractuels, n'ont pas été astreints au remboursement des primes perçues à tort. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a alloué à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme au titre de son préjudice matériel correspondant au montant de la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion qu'il aurait dû percevoir en application du décret du 5 août 1970 et de l'arrêté du 26 octobre 1987 s'ils avaient été régulièrement publiés.

Sur les frais d'instance :

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1602062 du 26 mars 2018 est réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme correspondant au préjudice subi du fait de la privation de la prime d'exploitation, de vacation ou de sujétion.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de la transition écologique est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à M. F... A....

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme C... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX02173


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