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04/05/2021 | FRANCE | N°20BX01304

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 04 mai 2021, 20BX01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000344 du 5 mars 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, M. E..

., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000344 du 5 mars 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Lot du 7 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il a fui l'Algérie en raison de menaces graves pesant sur sa vie et celle des membres de sa famille, son épouse qui s'est vu accorder la protection subsidiaire ne peut retourner dans ce pays, il est parfaitement intégré et ses enfants scolarisés maîtrisent la langue française ; c'est ainsi à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit au moyen tiré du défaut d'examen personnel de sa situation ;

- il ne représente pas une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a purgé sa peine d'emprisonnement et qu'il s'implique dans l'entretien et l'éducation de ses enfants, ainsi que dans des activités bénévoles ;

- l'arrêté du préfet du Lot méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est menacé en Algérie par son ancien associé, à la tête d'un trafic de drogue et d'êtres humains ; alors qu'il n'a pas pu s'expliquer devant la Cour nationale du droit d'asile, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 août 2020, le préfet du Lot conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité algérienne, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 1er décembre 2018, accompagné de son épouse et de leurs quatre enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 mai 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 septembre 2019. Par un arrêté du 7 janvier 2020, le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Pour retenir que son arrêté ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale, le préfet du Lot, dont il n'est pas établi qu'il aurait alors eu connaissance de l'octroi de la protection subsidiaire à l'épouse de l'intéressé à compter du 8 novembre 2019, s'est fondé sur l'absence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine et sur l'existence d'une peine d'emprisonnement pour des faits de violences conjugales. Le préfet a précisé dans ses écritures que M. E... avait été condamné le 12 avril 2019 à " quatre mois d'emprisonnement pour des faits de violences conjugales sur une personne particulièrement vulnérable ainsi que pour violence sur mineur de 15 ans ". Si les violences conjugales ne sont pas contestées, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits de violence sur mineur, dont la nature n'est pas précisée, auraient conduit à une mesure de séparation d'avec les enfants. Au contraire, les pièces produites en première instance font apparaître qu'après que M. E... ait purgé sa peine, les deux parents ont signé, à la rentrée de l'année scolaire 2019-2020, des autorisations destinées aux enseignants de l'école où leurs enfants sont scolarisés et que M. E... a accompagné son fils chez le dentiste à quatre reprises antérieurement à l'arrêté contesté. En appel, des attestations confirment la persistance de relations entre M. E... et ses enfants, lesquelles sont également documentées par de nombreuses photographies de sorties du père avec ses cinq enfants, le cinquième étant né le 17 novembre 2019. Dans ces circonstances, et alors que la séparation des parents et la protection subsidiaire accordée à la mère feraient obstacle au maintien de ses liens avec ses enfants, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Lot du 7 janvier 2020.

5. L'annulation prononcée au point précédent implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait, qu'il soit fait droit à la demande de titre de séjour rejetée par l'arrêté du 7 janvier 2020. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Lot de délivrer à M. E... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à Me D... sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal du tribunal administratif de Toulouse n° 2000344 du 5 mars 2020 et l'arrêté du préfet du Lot du 7 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Lot, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait, de délivrer à M. E... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., au préfet du Lot et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Anne B..., présidente-assesseure,

Mme A... C..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01304
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : RIMAILHO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-04;20bx01304 ?
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