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04/05/2021 | FRANCE | N°19BX01234-19BX01357

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 04 mai 2021, 19BX01234-19BX01357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 2 août 2016 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bernard Lesgourgues l'a licenciée pour inaptitude en tant qu'elle a pris effet le 22 juillet 2016, d'annuler la décision implicite de rejet de ses demandes du 29 août 2016, de condamner l'EHPAD à lui verser une somme totale de 8 412,44 euros au titre des indemnités, primes et rémunérations qu'ell

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 2 août 2016 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bernard Lesgourgues l'a licenciée pour inaptitude en tant qu'elle a pris effet le 22 juillet 2016, d'annuler la décision implicite de rejet de ses demandes du 29 août 2016, de condamner l'EHPAD à lui verser une somme totale de 8 412,44 euros au titre des indemnités, primes et rémunérations qu'elle estime lui être dus, avec intérêts à compter du 7 septembre 2016, et d'enjoindre sous astreinte à l'EHPAD de lui remettre ses bulletins de salaire de janvier à mai 2016 et de juillet 2016, ainsi qu'une " attestation Pôle emploi " complète.

Par un jugement n° 1702414 du 1er février 2019, le tribunal a annulé la décision du 2 août 2016 en tant qu'elle a fixé la date de prise d'effet du licenciement au 22 juillet 2016, a condamné l'EHPAD Bernard Lesgourgues à verser à Mme C... une indemnité de préavis de 2 954,12 euros bruts avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2016, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 29 mars 2019 sous le n° 19BX01234, l'EHPAD Bernard Lesgourgues, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de Mme C... ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance était tardive au regard des deux décisions attaquées ; c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 août 2016, contestée au-delà d'un délai raisonnable d'un an, au motif que les voies et délais de recours n'étaient pas indiqués ;

- l'origine de son inaptitude n'étant pas professionnelle, Mme C..., qui était placée en congé maladie ordinaire depuis le 3 août 2015, n'avait pas droit à un préavis de deux mois ; c'est ainsi à tort que le tribunal l'a condamné à verser une indemnité de préavis de 2 954,12 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2020, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'EHPAD Bernard Lesgourgues une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande d'annulation de la décision du 2 août 2016, enregistrée le 28 novembre 2017, excédait de peu le délai raisonnable d'un an, qui n'est qu'indicatif ; au demeurant, elle a agi dans le délai de prescription de quatre ans pour réclamer sa créance ;

- dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, issue du décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015, l'article 42 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 prévoit un préavis de deux mois y compris lorsque le licenciement repose sur une inaptitude dont l'origine n'est pas professionnelle.

II. Par une requête enregistrée le 5 avril 2019 sous le n° 19BX01357, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 1er février 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de ses demandes présentées le 29 août 2016 ;

3°) de condamner l'EHPAD Bernard Lesgourgues à lui verser la somme totale de 8 412,44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2016 ;

4°) d'enjoindre à l'EHPAD Bernard Lesgourgues de lui remettre ses bulletins de salaire de janvier à mai 2016 et de juillet 2016, ainsi qu'une " attestation Pôle emploi " complète, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'EHPAD Bernard Lesgourgues une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que sa demande du 29 août 2016 a donné lieu à une décision implicite de rejet, le contentieux était lié par ce rejet et par le premier mémoire en défense qui n'en contestait pas l'existence ; sa demande ayant pour objet d'obtenir le paiement de ses créances sur l'administration, seule la prescription quadriennale lui est opposable ; c'est ainsi à tort que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité ses demandes indemnitaires ;

- dès lors qu'elle avait droit à un préavis de deux mois jusqu'au 22 septembre 2016, c'est à bon droit que le tribunal a annulé la décision du 2 août 2016 en tant qu'elle a fixé la date du licenciement au 22 juillet 2016 et a condamné l'EHPAD à lui verser une indemnité de préavis de 2 954,12 euros ;

- la décision implicite de rejet de sa demande du 29 août 2016 doit être annulée car elle a droit aux sommes demandées ;

- son indemnité de licenciement calculée conformément à l'article 50 du décret

n° 91-155 du 6 février 1991 s'élève à 6 646,50 euros bruts alors qu'elle n'a perçu que 2 568,60 euros ; une somme de 4 077,90 euros lui reste due ;

- pour la période du 25 juin au 22 juillet 2016, elle a droit à la différence entre son salaire et les indemnités journalières, soit 695,58 euros bruts ;

- en vertu de l'article 8 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, elle a droit à une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant total de 1 742,86 euros au titre des années 2015 et 2016 ; elle a perçu 1 634,64 euros, de sorte que 108,22 euros lui restent dus ;

- l'EHPAD a omis de lui verser la prime de service prévue par arrêté du 24 mars 1967 au titre de l'année 2015 ; il convient de la calculer par référence à celle allouée en 2014, soit 545,81 euros bruts pour 8 mois de travail ;

- en vertu de l'article 10 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 et compte tenu de son ancienneté supérieure à trois ans, elle avait droit au maintien de son plein traitement au titre du mois d'octobre 2015, soit 120,81 euros bruts après déduction des indemnités journalières ;

- elle n'a obtenu aucun bulletin de salaire pour les mois de janvier à mai 2016 et de juillet 2016, en méconnaissance des dispositions de l'article L.3243-2 du code du travail ; ses demandes d'injonction relatives aux bulletins de salaire et à l'" attestation Pôle emploi " sont en lien avec ses demandes d'annulation des décisions relatives à son licenciement et à ses demandes indemnitaires, et le juge du plein contentieux est compétent pour prononcer des injonctions.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2019, l'EHPAD Bernard Lesgourgues, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- Mme C..., qui lui a adressé une demande par lettre recommandée du 19 juin 2017, n'apporte la preuve ni de l'envoi, ni de la réception de sa demande du 29 août 2016 ;

- la demande de première instance était tardive au regard des deux décisions attaquées ; c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 août 2016, contestée au-delà d'un délai raisonnable d'un an, au motif que les voies et délais de recours n'étaient pas indiqués.

Par lettre du 31 mars 2021, les parties ont été informées dans les deux instances, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de première instance :

- en ce qui concerne la décision implicite de rejet de la réclamation du 29 août 2016, le délai de recours contentieux, qui a couru à compter du 1er janvier 2017, était expiré lors de la saisine du tribunal (CE 30 janvier 2019 n° 420797, A) ;

- en ce qui concerne la décision implicite de rejet de la réclamation du 19 juin 2017, le délai de recours contentieux de deux mois était expiré (article R. 421-1 du code de justice administrative) ;

- la demande de condamnation de l'EHPAD Bernard Lesgourgues au versement d'un reliquat de salaire du mois de juillet 2016 n'a pas fait l'objet d'une demande préalable ;

- la demande d'annulation de la décision de licenciement du 2 octobre 2016 a été présentée au-delà d'un délai raisonnable d'un an suivant la date à laquelle Mme C... en a eu connaissance.

Des observations présentées pour Mme C... ont été enregistrées le 31 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2015-1145 du 15 septembre 2015 ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., agent des services hospitaliers qualifié recrutée par l'EHPAD Bernard Lesgourgues à compter du 26 septembre 2007 et sous contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2009, a été placée en congé de maladie ordinaire à partir du 3 août 2015. A l'issue de deux visites médicales successives, les 2 mai et 24 mai 2016, le service de santé au travail l'a déclarée inapte à tout poste de l'établissement. Par une décision du 19 juillet 2016, la directrice de l'EHPAD l'a licenciée pour inaptitude médicale non professionnelle à compter du 1er août 2016, date correspondant à la fin du dernier arrêt de travail. En réponse à un premier courrier du 26 juillet 2016 par lequel Mme C... s'étonnait du montant du solde de tout compte, la directrice de l'EHPAD, par lettre du 2 août 2016, en a explicité le détail et a en outre notifié à l'intéressée une décision de licenciement du même jour annulant et remplaçant la précédente, fixant la date du licenciement au 22 juillet 2016, date de réception de la décision du 19 juillet 2016. Par une lettre du 29 août 2016 restée sans réponse, Mme C... a détaillé les indemnités et rappels qu'elle estimait lui être dus au titre du solde de tout compte et réclamé les bulletins de salaire manquants. Puis elle a présenté par l'intermédiaire de son conseil une nouvelle demande du 19 juin 2017 ayant partiellement le même objet, et en l'absence de réponse, a saisi le tribunal administratif de Pau de conclusions aux fins d'annulation de la décision du 2 août 2016 en tant que le licenciement prenait effet le 22 juillet 2016, d'annulation de la décision implicite de rejet de ses demandes du 29 août 2016, de condamnation de l'EHPAD à lui verser avec intérêts les diverses sommes qu'elle estimait lui être dues et d'injonction à l'EHPAD, sous astreinte, de lui remettre ses bulletins de salaire de janvier à mai 2016 et de juillet 2016, ainsi qu'une " attestation Pôle emploi " complète. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 2 août 2016 en tant qu'elle avait fixé la date d'effet du licenciement au 22 juillet 2016, a condamné l'EHPAD Bernard Lesgourgues à verser à Mme C... une somme de 2 954,12 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, avec intérêts à compter du 7 septembre 2016, et a rejeté le surplus de la demande. Il y a lieu de joindre les requêtes nos 19BX01234 et 19BX01357 par lesquelles l'EHPAD Bernard Lesgourgues et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

En ce qui concerne la décision du 2 août 2016 :

2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. Par lettre recommandée du 2 août 2016, l'EHPAD Bernard Lesgourgues a adressé à Mme C..., en réponse à sa demande d'explications sur son solde de tout compte, le détail des calculs ayant conduit à arrêter les sommes dues et a précisé joindre la décision de licenciement " corrigée avec la date légale de notification ". Mme C..., qui n'a pas contesté avoir reçu cette décision dont elle n'a d'ailleurs pas sollicité la communication, doit être regardée comme l'ayant reçue avec les explications sur son solde qu'elle a contestées par lettre du 18 août 2016. Dans ces circonstances, l'EHPAD est fondé à soutenir qu'elle a eu connaissance de la décision modifiant la date d'effet de son licenciement au mois d'août 2016 et que les conclusions à fin d'annulation de cette décision, présentées pour la première fois le 28 novembre 2017 dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, plus d'un an après en avoir pris connaissance, étaient tardives.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires présentées par lettres du 29 août 2016 et du 19 juin 2017 :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". S'agissant du délai de recours contre les décisions implicites, l'article R. 421-2 du même code dispose, dans sa rédaction issue du décret de modification du code de justice administrative du 15 septembre 2015 : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ". Ce même décret du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse " en matière de plein contentieux ".

5. Lorsque, avant le 1er janvier 2017, une personne s'était vu tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification.

6. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.

S'agissant des demandes présentées par lettre du 29 août 2016 :

7. La lettre du 29 août 2016 par laquelle Mme C... a demandé les sommes de 3 897,90 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 238,38 euros au titre de l'indemnité de congés payés, de 204,54 euros au titre du salaire d'octobre 2015 ainsi que la prime de service de l'année 2015, constitue une demande indemnitaire préalable à la saisine du juge dans le cadre d'un recours de plein contentieux. Il résulte de l'instruction qu'elle a été reçue le 1er septembre 2016 par l'EHPAD, lequel n'était pas tenu d'adresser à son agent un accusé de réception comportant les voies et délais de recours. Une décision implicite de rejet est née le 1er novembre 2016. En vertu des principes exposés au point 5, le délai de recours contentieux a commencé à courir le 1er janvier 2017, de sorte qu'il était expiré lorsque Mme C... a saisi le tribunal le 28 novembre 2017.

S'agissant des demandes présentées par lettre du 19 juin 2017 :

8. Outre les demandes mentionnées au point précédent qui avaient déjà fait l'objet d'une décision implicite de rejet non contestée dans le délai de recours contentieux, la demande indemnitaire préalable présentée par lettre du 19 juin 2017 sollicitait les sommes de 2 954 euros au titre de l'indemnité de préavis et de 109,28 euros au titre du salaire de décembre 2015. Il résulte de l'instruction qu'elle a été reçue le 21 juin 2017 par l'EHPAD, de sorte qu'une décision implicite de rejet est née le 21 août 2017 et que le délai de recours contentieux était expiré lors de l'enregistrement de la demande devant le tribunal le 28 novembre 2017.

S'agissant de la demande relative au salaire de juillet 2016 :

9. Il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative citées au point 4 qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.

10. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas sollicité de rappel de salaire au titre du mois de juillet 2016 dans ses réclamations à l'EHPAD. Le contentieux n'étant pas lié, la demande était irrecevable.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête de Mme C..., que toutes ses demandes présentées en première instance étaient irrecevables. Par suite, l'EHPAD Bernard Lesgourgues est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 2 août 2016 en ce qu'elle fixe la date d'effet du licenciement au 22 juillet 2016 et l'a condamné à verser une somme de 2 954,12 euros bruts avec intérêts au titre de l'indemnité de préavis et a mis à sa charge une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté ses autres demandes indemnitaires.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le tribunal a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de Mme C... tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'EHPAD Bernard Lesgourgues de lui remettre ses bulletins de salaire de janvier à mai 2016 et de juillet 2016 ainsi qu'une " attestation Pôle emploi complète ", au motif que cette demande présentée à titre principal, et non pour l'exécution du jugement, n'entrait pas dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. En se bornant à faire valoir que le juge administratif peut, notamment en plein contentieux, adresser des injonctions à l'administration, Mme C... ne conteste pas utilement ce rejet.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

14. Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par l'EHPAD Bernard Lesgourgues à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1702414 du 1er février 2019 annulant la décision du 2 août 2016 en tant qu'elle a fixé la date d'effet du licenciement au 22 juillet 2016, l'article 2 de ce jugement condamnant l'EHPAD Bernard Lesgourgues à verser à Mme C... une somme de 2 954,12 euros bruts avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2016 et l'article 4 de ce jugement sont annulés.

Article 2 : Les demandes d'annulation de la décision du 2 août 2016 fixant la date d'effet du licenciement au 22 juillet 2016, de condamnation de l'EHPAD Bernard Lesgourgues au versement d'une indemnité de préavis et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme C... devant le tribunal sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD Bernard Lesgourgues et à Mme H... E... épouse C....

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Anne B..., présidente-assesseure,

Mme A... F..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

Nos 19BX01234, 19BX01357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01234-19BX01357
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : KHADDAM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-04;19bx01234.19bx01357 ?
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