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27/04/2021 | FRANCE | N°20BX02770

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 27 avril 2021, 20BX02770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juin 2019 par lequel le préfet de l'Ariège lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Russie, pays dont il a la nationalité, comme pays de renvoi.

Par un jugement no 1906087 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de réexaminer la demande, et mis à la charge de l'Eta

t une somme de 1 500 euros à verser au conseil du requérant.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juin 2019 par lequel le préfet de l'Ariège lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Russie, pays dont il a la nationalité, comme pays de renvoi.

Par un jugement no 1906087 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de réexaminer la demande, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil du requérant.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2020, et un mémoire enregistré le 12 mars 2021, la préfète de l'Ariège demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont fondés à tort sur une promesse d'embauche qui n'avait pas été communiquée à ses services, alors que la jurisprudence reconnaît que sont seuls à prendre en compte les éléments portés à la connaissance du préfet ; au demeurant, la société qui l'aurait consentie le 30 mai 2019 n'a commencé son activité que le 8 juin 2020 ;

- à supposer même que l'arrêté attaqué ait été entaché d'une erreur de fait, le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en qualifiant de " substantielle " cette erreur, alors au demeurant que les termes du courrier de l'employeur ne permettent pas de retenir une promesse d'embauche certaine ;

- les éléments invoqués par l'intéressé ne constituent pas des motifs exceptionnels au sens de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, M. E..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les services préfectoraux étaient parfaitement informés qu'il était titulaire d'un contrat de travail en cours d'exécution dans la société Onet, dont la durée a été suspendue par suite de leur intervention en janvier 2018, alors pourtant que son récépissé était valable jusqu'en février ; si les services souhaitaient des documents de cette entreprise, il leur appartenait d'en formuler la demande précise ;

- la nouvelle promesse d'embauche établie par la société Web Car était antérieure à l'arrêté portant refus de titre de séjour ; une nouvelle promesse d'embauche du même employeur a été établie à son profit le 9 septembre 2020, dans le cadre d'un réexamen de sa demande, et cependant la préfecture a annulé son rendez-vous ;

- le préfet ne pouvait retenir une absence d'ancienneté au travail significative alors qu'il est présent depuis plus de cinq ans et que l'interruption de son contrat est la conséquence de l'intervention de l'administration ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucune appréciation n'avait été portée sur les circonstances humanitaires ou motifs exceptionnels dont il s'est prévalu.

- c'est à la suite d'une appréciation erronée que l'administration exige que le requérant justifie d'une entrée régulière et d'un visa de long séjour alors même qu'il a sollicité une admission exceptionnelle au séjour. De même, il avait déjà réglé les sommes relatives au visa de régularisation et a été en outre muni d'un titre de séjour pour soins.

M. E... a été admis au maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant russe d'origine arménienne, né le 11 juin 1963 à Erevan, est entré en France le 19 juin 2014 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 octobre 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2016. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour pour soins du 11 octobre 2016 au 10 octobre 2017. Le refus de renouvellement opposé par le préfet de l'Ariège le 6 février 2018 a été confirmé en dernier lieu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 21 mai 2019. Le 14 mars 2018, l'intéressé a demandé une admission exceptionnelle au séjour, qui lui a été refusée par arrêté du 28 juin 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La préfète de l'Ariège relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2020 qui a annulé cet arrêté.

2. Pour annuler l'arrêté du 28 juin 2019, le tribunal administratif s'est borné à relever " qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant est titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée délivrée par la société " Garage Web Car " en date du 30 mai 2019. Par suite, la décision portant refus d'admission au séjour, fondée sur le motif tiré de l'absence de détention d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, est entachée d'une erreur de fait substantielle ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande de M. E... était initialement fondée sur la circonstance que la société Onet Services qui lui avait consenti un contrat à durée déterminée de 5 jours en qualité d'agent de service en janvier 2018, suspendu par l'information de la préfecture selon laquelle il n'aurait pas été autorisé à travailler en France, serait " prête à le reprendre " en cas d'autorisation. Ainsi que le soulignait le préfet devant le tribunal, aucun élément ne permettait d'assurer que la " promes d'embauch " de la société Garage Web Car, qui au demeurant indiquait seulement qu'elle pouvait envisager de signer avec l'intéressé, connu pour " ses compétences en qualité de main d'oeuvre polivalente "(sic), un contrat à durée indéterminée dès lors que sa situation administrative l'autoriserait à occuper un emploi salarié, aurait été communiquée aux services de la préfecture avant l'arrêté litigieux. Le requérant se borne d'ailleurs en appel à soutenir qu'elle aurait effectivement été établie le 30 mai 2019, avant l'arrêté du 28 juin attaqué, ce qu'aucun élément du dossier ne permet de corroborer, alors que la préfète produit un extrait Kbis dont il ressort que cette société n'a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés que le 11 juin 2020. Dans ces conditions, la préfète est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu une erreur de fait sur l'absence de présentation d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche pour annuler l'arrêté, et il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par le requérant devant le tribunal et la cour.

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent, et la circonstance que le préfet, qui a pris en compte la résidence de cinq années en France, ait qualifié l'arrivée de M. E... de " récente " est sans incidence sur la suffisance de cette motivation. Dès lors que l'intéressé ne justifie pas avoir transmis au préfet la promesse d'embauche évoquée au point 2, il ne saurait lui reprocher de ne pas en avoir analysé les caractéristiques, au demeurant dépourvues de tout engagement, dans la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. E... n'était pas présentée sur le fondement du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il reconnaissait dans son courrier n'avoir pu obtenir de rendez-vous avec les médecins qui le soignent avant la " clôture de son dossier ". Un précédent refus de titre de séjour en raison de l'état de santé en date du 6 février 2018 avait été confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 21 mai 2019. Par suite, le préfet, qui n'était saisi d'aucun dossier médical, n'était pas tenu de solliciter de l'OFII un avis du collège des médecins sur le cas de l'intéressé. M. E... s'est d'ailleurs borné à produire devant le tribunal deux certificats médicaux attestant seulement, l'un d'un bilan à faire tous les trois mois pour suivi de l'hépatite C dont il avait été atteint, et l'autre d'une tendinite et de polyalgies nécessitant quelques examens complémentaires. Dans ces conditions, le requérant, qui au demeurant ne démontre pas que son suivi serait impossible en Russie, n'établit en tout état de cause aucune méconnaissance de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni du 10° de l'article L. 511-4 du même code en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement faire valoir qu'un titre de séjour lui a été brièvement accordé et qu'il a payé un visa de régularisation pour critiquer le rappel factuel par l'arrêté des conditions irrégulières de son entrée en France, qui n'est pas entaché d'inexactitude et dont le préfet ne tire aucune conséquence. De même, la qualification par le préfet de périodes d'admission temporaire au séjour n'est pas entachée d'inexactitude, alors même que le préfet n'avait pas donné suite à une annulation par le tribunal administratif du refus de séjour du 6 février 2018 en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, alors que ce jugement a été annulé par la cour le 21 mai 2019 comme rappelé au point 4.

6. En quatrième lieu, la circonstance que le préfet a estimé que l'intéressé, présent depuis cinq ans en France, ne justifiait pas d'une " ancienneté de résidence significative " ne peut être regardée comme entachant l'arrêté d'une erreur de fait de nature à en justifier l'annulation.

7. En cinquième lieu, le rappel de l'absence de visa de long séjour n'a été fait que pour écarter l'hypothèse d'une délivrance de plein droit d'une carte de séjour en qualité de salarié au titre de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais n'a pas empêché le préfet d'examiner si l'intéressé présentait des moyens de subsistance suffisants ou des motifs exceptionnels justifiant une délivrance de cette carte à titre dérogatoire.

8. Enfin, ni l'apprentissage de la langue française et l'activité de bénévole, ni le contrat de quelques jours mentionné ci-avant, quand bien même l'administration aurait fait obstacle à son renouvellement avant l'expiration du récépissé autorisant M. E... à travailler, ni la promesse d'embauche peu circonstanciée et l'état de santé évoqués précédemment ne caractérisent des circonstances exceptionnelles justifiant l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. La décision de refus de séjour n'étant pas illégale, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ne sont pas privées de base légale. Pour les raisons exposées ci-avant, elles ne sont pas davantage entachées ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison d'une prétendue rupture de soins.

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ariège est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 28 juin 2019. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. E... ne peuvent qu'être rejetées.

11. M. E... étant la partie perdante dans la présente instance, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à son conseil une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent également qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... E... et à Me F.... Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine D..., présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme A... C..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2021.

La présidente,

Catherine D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02770
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-27;20bx02770 ?
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