Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision de la commission de discipline du centre de détention de Mauzac en date du 2 octobre 2017 lui infligeant une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de douze jours, et de condamner l'État à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1800204 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2019, M. G..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2017 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le compte rendu d'incident rédigé le 6 septembre 2017 ne précisant ni l'identité ni la qualité de son rédacteur, il est impossible de s'assurer que l'auteur de ce compte rendu n'a pas siégé au sein de la commission de discipline du 2 octobre 2017 ;
- il n'a pas été mis à même de vérifier la régularité de la commission de discipline au moment où cette commission a statué ;
- le compte rendu d'incident partiellement anonymisé a été produit postérieurement à la tenue de la commission de discipline, en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun élément relatif à la personnalité du détenu n'est mentionné dans ce compte-rendu ;
- les faits reprochés ont été commis dans un contexte particulier tenant au refus illégitime de l'administration de lui apporter les soins que nécessitait son état de santé, ses deux poignets cassés nécessitant alors l'aide d'un autre détenu ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la matérialité du coup de poing reproché à l'encontre d'un autre détenu serait établie ;
- les attestations de détenus sur lesquels reposent les griefs ont été déformées, les témoins en ont demandé la rectification et la commission n'en a pas tenu compte ;
- le tribunal a méconnu le principe de personnalisation des sanctions ;
- il est recevable à former une demande indemnitaire en cours d'instance ; il maintient sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.
Par une ordonnance du 18 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021 à 12 h.
Un mémoire en défense a été enregistré pour le garde des sceaux, ministre de la justice, le 12 mars 2021 à 16:57.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 2 octobre 2017, la commission de discipline du centre de détention de Mauzac a infligé à M. G..., alors incarcéré au sein de cet établissement, une sanction de douze jours de placement en cellule disciplinaire pour avoir, le 5 septembre 2017, proféré à l'encontre d'un autre détenu des insultes, et lui avoir porté un coup de poing au visage. Cette sanction a été confirmée par une décision du 16 novembre 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux. M. G... relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 16 octobre 2017 et à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice moral.
Sur la légalité de la sanction :
2. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : / (...) / 2° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'une personne détenue / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-2 du même code dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) / 8° De formuler des insultes ou des menaces à l'encontre d'une personne détenue / (...) ". L'article R. 57-7-33 prévoit au nombre des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées la mise en cellule disciplinaire. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. Il ressort du compte-rendu d'incident du 6 septembre 2017 et du rapport d'enquête établi par un premier surveillant le 8 septembre 2017 que le 5 septembre 2017 vers midi, à l'occasion de la répartition des repas, M. G..., auquel un autre détenu cédait régulièrement sa part de viande, a eu une altercation avec un troisième détenu, M. A..., qui contestait le souhait de M. G... d'être servi en premier par prélèvement anticipé sur la part d'un détenu d'un autre pavillon. Il l'a alors insulté et lui aurait, selon le surveillant, porté un coup au visage. Toutefois, si M. A... a porté plainte, aucun élément médical ne corrobore le coup allégué à la mâchoire côté droit, et le surveillant qui a reçu la plainte immédiatement a noté l'absence de marque visible. Les attestations de deux détenus présents au moment des faits, qui indiquent que leurs témoignages auraient été mal retranscrits, contredisent ce coup et indiquent au contraire que le détenu auxiliaire qui participait à la distribution du repas s'est interposé entre les protagonistes pour empêcher M. A... de frapper M. G..., qui a pu quitter les lieux sans violence. Par ailleurs, il ressort d'un certificat médical produit au dossier que M. G... s'était vu retirer le 28 août 2017 les résines enserrant ses deux poignets brisés et devait suivre une rééducation, ce qui permet de douter de sa capacité à porter un coup au visage d'un tiers. Dans ces conditions, et alors même que les insultes sont corroborées par l'ensemble des personnes présentes, la matérialité d'une partie substantielle des griefs reprochés n'est, ainsi que le soutient le requérant, pas établie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction de douze jours de cellule disciplinaire aurait été prise au regard de la seule faute commise en proférant une insulte à l'égard d'un codétenu. Par suite, M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler cette décision.
Sur la demande indemnitaire :
4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
5. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, et comme le soulignait le ministre devant le tribunal, M. G... n'a pas présenté de demande préalable tendant au versement d'une indemnité. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'est pas recevable à solliciter directement cette indemnité devant la juridiction. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros comme irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède que M. G... est seulement fondé à demander la réformation du jugement en tant qu'il a refusé d'annuler la décision du 16 octobre 2017. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'allouer une somme à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 16 octobre 2017 infligeant à M. G... la sanction de douze jours de cellule disciplinaire est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... G... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine E..., présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme B... D..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 avril 2021.
La présidente,
Catherine E...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02774