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27/04/2021 | FRANCE | N°19BX00602

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 27 avril 2021, 19BX00602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... P... veuve B..., M. E... B..., Mme I... G...,

Mme O... B... épouse J..., M. K... J... en son nom personnel

et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure A... J..., et la société anonyme (SA) Axa Belgium ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à leur verser une somme totale de 367 877,86 euros, avec intérêts à compter de l'enregistrement de leur requête, en réparation des préjudices résultant de l'accident

de la

circulation ayant causé le décès de M. M... B..., survenu le 2 octobre 2014

sur la route dépa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... P... veuve B..., M. E... B..., Mme I... G...,

Mme O... B... épouse J..., M. K... J... en son nom personnel

et en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure A... J..., et la société anonyme (SA) Axa Belgium ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à leur verser une somme totale de 367 877,86 euros, avec intérêts à compter de l'enregistrement de leur requête, en réparation des préjudices résultant de l'accident

de la circulation ayant causé le décès de M. M... B..., survenu le 2 octobre 2014

sur la route départementale n° 933.

Par un jugement n° 1601846 du 20 décembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2019, la SA Axa Belgium, Mme F... P... veuve B..., M. E... B..., Mme I... G..., Mme O... B... épouse J... et M. K... J..., représentés par la SELARL Astréa, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département des Landes à leur verser une somme totale

de 367 877,86 euros, avec intérêts à compter de l'enregistrement de leur demande devant

le tribunal.

Ils soutiennent que :

- l'accident dont M. B... a été victime n'a pour origine ni un défaut d'aménagement, ni un défaut d'entretien normal, mais la conception même du carrefour qui le rend particulièrement accidentogène ; selon les riverains et les usagers, ce carrefour ne permet pas au conducteur d'assimiler facilement qu'il est débiteur de la priorité au carrefour de la route départementale ; en dépit des accidents survenus le 20 octobre 2009 (deux décès), en janvier 2010 (un décès),

le 20 décembre 2011 (un blessé), le 15 août 2014 (un blessé grave), aucun aménagement n'a été réalisé qui aurait pu éviter le décès de M B... ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ce ne sont pas seulement deux, mais une dizaine d'accidents mortels qui sont survenus depuis plus de vingt ans, auxquels s'ajoutent de nombreux blessés et des dégâts matériels ; c'est ainsi à tort que le tribunal n'a pas retenu le caractère exceptionnellement dangereux du carrefour de Pillelardit ;

- Mme B... sollicite les sommes de 37 500 euros au titre de son préjudice d'affection, 150 000 euros au titre de son préjudice économique, 650 euros au titre de son préjudice matériel, 30 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent de 25 %, ainsi que les frais d'assistance d'une tierce personne à raison de 20 euros par jour à capitaliser ;

- M. E... B... sollicite les sommes de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection et de 222,19 euros au titre de son préjudice matériel ;

- Mme G... sollicite la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

- Mme B... épouse J... sollicite la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

- M. J... sollicite les sommes de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection et de 15 000 euros en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure A... ;

- la SA Axa Belgium sollicite le remboursement des sommes qu'elle a réglées, soit 31 882,89 euros au titre de la valeur du véhicule, 150 euros de frais d'expertise du véhicule, 659,80 euros de frais de remorquage et de gardiennage, 2 792,43 euros de remplacement du poteau électrique, 10 781,89 euros de frais d'obsèques, 150 000 euros d'indemnisation des préjudices de Mme B..., 5 000 euros de provision au titre du préjudice corporel de Mme B..., 33 738,66 euros de " créance de l'organisme social " et 7 000 euros de provisions versées

à Mme R... et M. Q..., avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande devant le tribunal ; elle demande en outre que ses droits soient réservés

sur l'indemnisation définitive de ces derniers, ainsi que sur les préjudices du restaurant exploité par M. et Mme R... dans lequel s'est encastré le camion qui a percuté le véhicule

des époux B..., et de la société Roy TP, propriétaire du camion accidenté.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2019, le département des Landes, représenté par la SELARL Abeille et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme P... veuve B... et autres une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête, qui se borne à reproduire les écritures de première instance, est irrecevable pour absence de motivation ;

- c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait application de la théorie

de l'ouvrage exceptionnellement dangereux, inapplicable en l'espèce, qui constitue

le seul fondement de responsabilité invoqué ;

- l'accident a pour cause unique la faute de la victime qui n'a pas respecté

un panneau Stop ;

- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires sont excessives.

Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2019.

Un mémoire présenté pour Mme B... et autres a été enregistré le 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Beuve Dupuy, rapporteure publique,

- et les observations de Me L..., représentant le département des Landes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 octobre 2014 vers 11 heures, M. M... B..., qui circulait dans son véhicule avec son épouse sur la bretelle de sortie de la route départementale (RD) n° 933 dans le sens de Saint-Justin vers Mont-de-Marsan, sur le territoire de la commune de Lacquy (Landes), n'a pas respecté l'arrêt au panneau Stop à l'intersection avec la RD n° 934, dite carrefour de Pillelardit, et s'est engagé sur cette voie au moment du passage d'un poids-lourd. Sous le choc, le véhicule léger a pivoté sur sa droite et a fini sa course contre un poteau en béton, tandis que le camion traversait à gauche le mur de la cuisine du restaurant situé à l'angle des deux voies. M. B... est décédé peu après au service des urgences de l'hôpital de Mont-de-Marsan. Sa veuve, ses enfants, sa belle-fille et son gendre, ainsi que la SA Axa Belgium, assureur du véhicule, ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à leur verser une somme totale de 367 877,86 euros en réparation des conséquences dommageables de cet accident sur

le fondement de la responsabilité sans faute de cette collectivité à raison du caractère d'ouvrage exceptionnellement dangereux du carrefour de Pillelardit. La SA Axa Belgium et autres relèvent appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.

2. La responsabilité d'une collectivité publique peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.

3. La SA Axa Belgium et autres confirment qu'ils n'entendent invoquer ni un défaut d'aménagement, ni un défaut d'entretien normal, mais la conception même du carrefour qui le rendrait particulièrement accidentogène. Ils font valoir que cette conception " ne permet pas au conducteur d'assimiler facilement qu'il est débiteur de la priorité " et qu'en dépit des accidents survenus le 20 octobre 2009 (deux décès), en janvier 2010 (un décès), le 20 décembre 2011 (un blessé), le 15 août 2014 (un blessé grave), aucun aménagement n'a été réalisé qui aurait pu éviter le décès de M B.... Ce faisant, ils invoquent aussi un défaut d'aménagement, lequel n'est pas caractérisé par les photographies produites montrant sur le bas-côté de la bretelle de sortie de la RD n° 933, à l'approche de la RD n° 934 perpendiculaire à cette bretelle et visible à distance,

un panneau de pré-signalisation d'un Stop, puis un panneau Stop, parfaitement visibles.

Les coupures de presse produites font apparaître que les accidents graves invoqués étaient dus

au non-respect de l'arrêt au Stop par les conducteurs, celui du 20 décembre 2011, lors duquel

un poids lourd avait fini sa course dans la salle du restaurant, ayant eu pour origine l'endormissement du chauffeur. Ainsi, les nombreux accidents déplorés au carrefour

de Pillelardit, imputables, comme celui du 2 octobre 2014, à l'inattention des usagers, ne peuvent être attribués à un caractère exceptionnellement dangereux de cet ouvrage public.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner

la fin de non-recevoir opposée par le département des Landes, la SA Axa Belgium

et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué,

le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge des requérants au titre des frais exposés par le département des Landes à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Axa Belgium et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Landes au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Axa Belgium, représentant unique pour l'ensemble des requérants, qui en informera ceux-ci, et au département des Landes.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne D..., présidente-assesseure,

Mme C... H..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

La présidente,

Catherine Girault

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00602
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique. Dommages imputables à des choses, des activités ou des ouvrages exceptionnellement dangereux. Ouvrages exceptionnellement dangereux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : ASTREA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-27;19bx00602 ?
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