Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2000960 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2020, M. A... représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Indre du 7 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ou au titre de la vie privée et familiale, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de la somme de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Il soutient que :
- la décision d'éloignement est insuffisamment motivée en fait ;
- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour prendre la décision portant refus de titre de séjour ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard de son état de santé et a par suite méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'un état de santé épileptique grave en cours d'aggravation et l'autorité préfectorale n'a pas apprécié si les soins dont il doit bénéficier sont accessibles en Algérie eu égard notamment à leurs coûts et à leurs modalités de prise en charge ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de l'article L. 313-14 du même code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2021, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant tendant à l'annulation de l'arrêté ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. B... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 21 août 1959 est entré régulièrement en France le 5 mars 2019 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 4 septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
1. L'arrêté attaqué vise notamment le 5° et le 7 ° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 511-1 I 3 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel l'autorité préfectorale a pris à l'encontre de M. A... une mesure d'éloignement. L'arrêté indique également que par avis du 13 novembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine et qu'il n'a fourni aucun justificatif de nature à remettre en cause cet avis. Il précise encore les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France et notamment qu'il est entré récemment en France et ne démontre pas ne pas justifier de ressources propres et être à la charge complète de sa fille française. Il indique enfin qu'il n'a pas porté à la connaissance du préfet des éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles de constituer des circonstances humanitaires, et qu'il ne fait valoir aucun motif exceptionnel pouvant être pris en compte pour fonder une décision d'admission au séjour, au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision attaquée, notamment en ce qu'elle oblige M. A... à quitter le territoire français, comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecin de l'OFII et se serait abstenu de se livrer à l'examen sérieux de la situation de M. A.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.
Sur la légalité interne de l'arrêté :
2. En premier lieu, en vertu des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien applicable au requérant, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Dans son avis du 13 novembre 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de l'Indre s'est notamment fondé sur l'avis précité. En se bornant d'une part, à produire un certificat établi par un médecin généraliste le 6 septembre 2019, selon lequel M. A... souffre d'une épilepsie grave, en cours d'aggravation, dont les crises se rapprochent et nécessitent une surveillance de sa famille résidant en France et d'autre part, à faire état, sans autre précision, de ce que les soins dont il doit bénéficier ne seraient pas accessibles en Algérie eu égard notamment à leurs coûts et à leurs modalités de prise en charge, le requérant n'établit pas qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
6. En deuxième lieu, en vertu des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien applicable au requérant, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est entré en France qu'à l'âge de 59 ans sous couvert d'un visa de court séjour, ne réside en France que depuis seulement 1 an à la date de la décision attaquée et a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. En outre, son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Algérie et il n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où vivent ses frères et soeurs. Ni la circonstance que deux de ses enfants sont titulaires d'une carte de séjour valable 10 ans, ni la circonstance qu'il est hébergé, avec son épouse et un autre enfant mineur, par leur fille ainée naturalisée française le 15 juin 2018, mère de trois enfants âgés de 7 mois à 9 ans, et disposant de ressources suffisantes pour les accueillir, ne suffisent à établir que la décision contestée a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise dès lors notamment que le requérant n'établit pas que la retraite de 300 euros dont son foyer bénéficie en Algérie fait obstacle à toute vie privée et familiale normale dans ce pays. Il en va de même du fait que le grand-père de son épouse a servi sous les armes de l'Armée française pendant les deux dernières guerres mondiales et soit décédé en 1946 avant de pouvoir opter par déclaration de reconnaissance de la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie de l'Etat français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
8. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile créé par l'article 32 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, puis modifié par les articles 40 et 50 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt le moyen tiré de ce que c'est à tort que le préfet de l'Indre n'a pas régularisé la situation de M. A... doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné aux entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. B... C..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.
La présidente
Evelyne Balzamo
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03596