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13/04/2021 | FRANCE | N°19BX01062

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 avril 2021, 19BX01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le numéro 1601026 M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et des intérêts et pénalités correspondants.

Par une requête enregistrée sous le numéro 1601295 M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des coti

sations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le numéro 1601026 M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et des intérêts et pénalités correspondants.

Par une requête enregistrée sous le numéro 1601295 M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et des intérêts et pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1601026-1601295 du 17 décembre 2018 le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars et 23 octobre 2019 M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des intérêts et pénalités correspondants.

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement a omis de se prononcer ou est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réintroduction d'une somme de 57 930 euros dans la contestation du bien-fondé du rehaussement notifié au titre de l'année 2011 dans leur revenu imposable, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée alors qu'il s'agit de l'appréhension sur 2011 d'une partie des revenus de capitaux mobiliers distribués au titre de l'année 2012 ; les premiers juges ont estimé à tort qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette contestation compte tenu du dégrèvement intervenu en cours de procédure ;

- le jugement a omis de se prononcer sur le moyen tiré du double-emploi des sommes notifiées en matière de revenus d'origine indéterminée avec celles retenues en matière de revenus distribués au titre des années 2012 et 2013 ;

- le tribunal ne pouvait motiver sa décision en se référant à un autre jugement intervenu le même jour, pour rejeter les moyens tenant au caractère infondé des rectifications tirées des reconstitutions de recettes opérées à l'occasion de la procédure de redressement de l'EURL A... Automobile Réunion (GAR) dont M. A... est gérant et associé unique ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse à la contestation du bien-fondé de l'application des majorations pour manquements délibérés ; il ne statue que sur celles infligées au titre des revenus distribués de l'année 2012 par un considérant au demeurant insuffisant ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure méconnait les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration a profité des éléments obtenus lors des investigations menées par le ministère public, lesquelles procèdent de l'examen exhaustif des comptes personnels des contribuables et l'absence de déclarations fiscales, pour mener des investigations subordonnées à l'envoi préalable d'un avis d'examen de situation fiscale personnelle antérieurement à l'envoi dudit avis ;

- l'administration a commis un détournement de procédure en recourant à la procédure de demande de justifications à peine de taxation d'office prévue par l'article L. 16 livre des procédures fiscales pour redresser des revenus dont elle n'ignorait, à la date de sa demande, ni la nature, ni par suite, le classement catégoriel ; l'incorporation des crédits inscrits au compte courant d'associé n'est pas justifiée dès lors qu'elles ont été taxée, par ailleurs, en tant que revenus distribués ; le contrôle du compte courant des contribuables, réalisé à l'occasion de la vérification de comptabilité de l'EURL GAR avait permis d'analyser une grande partie des sommes retenues comme d'origine indéterminée comme des distributions provenant de cette société relevant de l'article 109-1-2° du code général des impôts ; l'écart réel de sommes dont l'origine ne pouvait être identifié ne satisfaisait ni à la règle du double ni à la condition de dépasser la somme de 150 000 euros ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- les cotisations supplémentaires résultant des sommes retenues dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée procèdent du double-emploi de celles notifiées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; la reprise de 107 435 euros au titre de 2012 comporte au titre des crédits inscrits au compte courant du requérant qui résulte de la distribution en 2012 de 177 242 euros ; au titre de 2013, sauf à entériner un double-emploi, le montant de la caisse créditrice de 3 811 euros ne peut être artificiellement isolé du reste des distributions, soit 181 176 euros ;

- dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société GAR, l'administration a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de cette société en recourant à une méthode très sommaire et erronée ; les rehaussements issus des revenus regardés comme distribués fondés sur les prétendues minorations de chiffre d'affaires de la société GAR sont donc infondés ;

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibérés :

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré des manquements.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2019, et le 30 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel à hauteur des dégrèvements intervenus suite aux décisions du 22 juillet et du 14 novembre 2016 et celles du 28 mars et du 6 juin 2017 et conclut au rejet du surplus.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à obtenir la décharge de la totalité des impositions supplémentaires mises à la charge des contribuables dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011,2012 et 2013 ne tiennent pas compte des dégrèvements obtenus au cours de la phase contentieuse par deux décisions d'admission partielle du 14 novembre 2016, pour l'année 2011, et du 22 juillet 2016, pour les années 2012 et 2013, ainsi que ceux prononcés au cours de la première instance, soit le 6 juin 2017 pour la somme de 20 842 euros au titre de l'année 2011 et le 28 mars 2017 pour les sommes respectives de 8 384 euros et de 10 079 euros au titre des années 2012 et 2013 ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... D...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL A... Automobile Réunion (GAR), qui exerce une activité de négoce de véhicules, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, entre le 19 septembre 2014 et le 26 février 2015, au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 2013 et 2014 à l'issue de laquelle d'importants rappels d'imposition ont été mis à sa charge, notamment en matière d'impôt sur les sociétés. M. A..., gérant et associé unique de l'EURL GAR, et son épouse ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle (ESFP) au titre des années 2011, 2012 et 2013 à l'issue duquel l'administration leur a notifié, par une proposition de rectification du 18 décembre 2014, des rehaussements dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2011 puis, par une proposition de rectification du 28 juin 2015, des rehaussements portant sur les traitements et salaires (année 2012), ainsi que sur les revenus de capitaux mobiliers et les revenus d'origine indéterminée (années 2012 et 2013). M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion, après avoir constaté les dégrèvements partiels intervenus les 28 mars et 6 juin 2017, a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, une décision juridictionnelle ne peut être motivée par simple référence à une autre décision rendue par la même juridiction dans un autre litige, même lorsque les parties sont identiques. La demande de M.et Mme A... devant le tribunal administratif était dirigée contre les suppléments d'impôts sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de salaires non déclarés, de revenus d'origine indéterminée et de revenus de capitaux mobiliers émanant de l'EURL GAR. En se bornant, pour écarter le moyen contestant le montant des recettes déclarées par l'EURL GAR réintégrées dans les revenus du foyer fiscal, à se référer au jugement rendu le même jour sur la requête de l'EURL GAR relative aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et aux rappels de TVA mis à la charge de celle-ci, le tribunal administratif n'a pas régulièrement motivé le jugement attaqué pour ce qui concerne la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titres des années 2012 et 2013.

3. En second lieu, dans son mémoire en défense enregistré le 6 juin 2017, l'administration fiscale a consenti à abandonner une somme de 48 680 euros en base parmi les sommes retenues dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et un dégrèvement correspondant. Dans leur mémoire en réplique enregistré le 29 juin 2017, M. et Mme A... ont pris acte de ce dégrèvement et ont notamment soutenu que les sommes toujours retenues par l'administration dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ne pouvaient avoir que l'EURL GAR comme origine et retenaient notamment qu'une somme de 35 838 euros provenait d'une distribution de revenus par l'EURL GAR. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur la jonction :

5. Les requêtes enregistrées sous les n°s 1601026 et 1601295 présentées par M. et Mme A... concernent la situation fiscale des mêmes contribuables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'étendue du litige :

6. Par décisions des 28 mars 2017 et 6 juin 2017, postérieures à l'introduction des demandes de première instance, le directeur régional des finances publiques de La Réunion a prononcé des dégrèvements partiels pour un montant total de 18 463 euros au titre des années 2012 et 2013, et pour un montant de 20 842 euros au titre de l'année 2011. Dans la limite de ces dégrèvements, les conclusions des requêtes sont devenues sans objet.

Sur la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le service a adressé un avis d'ESFP aux contribuables le 15 juillet 2014 et que ces derniers lui ont remis le 5 septembre 2014 leurs relevés de comptes bancaires. La seule circonstance que les comptes bancaires des intéressés aient été examinés dans le cadre de l'enquête diligentée à leur encontre pour travail dissimulé et que le ministère public pouvait communiquer ces informations à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales n'est pas de nature à établir, en l'absence d'éléments en ce sens que ne constituent pas les arrêts de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 21 avril 2015, que les opérations de vérification auraient commencé avant l'envoi de l'avis de vérification.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros. (...) ". Ces dispositions permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir, lorsqu'elle constate que ces crédits excèdent le double des revenus déclarés, l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications, mais ne l'obligent pas à procéder à un examen critique préalable de ces crédits ni, quand elle l'a fait, à se référer comme terme de comparaison aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen.

10. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des investigations menées dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle, l'administration fiscale a relevé que les crédits totalisés sur les comptes financiers de M. et Mme A... au titre des années 2011, 2012 et 2013, pour des montants respectifs de 259 691 euros, 298 710 euros et 295 207 euros excédaient le double de leurs revenus déclarés de 36 146 euros, 24 034 euros et 36 062 euros et a, par suite, appliqué la procédure de demande d'éclaircissements et de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Contrairement à ce que soutiennent les contribuables, le vérificateur a pu, à bon droit, tenir compte, pour déterminer le montant des crédits figurant sur les comptes des contribuables, des sommes portées au crédit du compte courant d'associé de M. A... dans les écritures de l'EURL GAR et ce nonobstant la circonstance qu'une partie des sommes créditées sur ce compte ont été identifiées comme des revenus distribués. Au surplus, le seul fait que dans l'attente de la création du compte bancaire de l'EURL GAR, les opérations financières de cette société ont transité sur les comptes personnels de M. A... pendant les six mois suivant la création de cette société le 1er mars 2011 est indifférente. De même, la remise des fichiers d'écritures comptables de l'EURL GAR à l'administration le 30 septembre 2014 dans le cadre de la procédure de vérification de la comptabilité de cette société, n'est pas de nature à établir que l'agent vérificateur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle des crédits constatés sur les comptes bancaires lors de l'envoi de la demande de justifications le 13 octobre 2014 au titre des éléments constatés pour l'année 2011, puis le 23 février 2015 au titre des éléments constatés pour les années 2012 et 2013. Dans ces conditions, le service a pu régulièrement mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". En vertu de ces dispositions, les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

12. Il résulte de l'instruction que le rehaussement opéré au titre de l'année 2011 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, à raison des crédits constatés au compte BFCOI de M. A... s'élève, après dégrèvement, à la somme de 47 940 euros. Les requérants font valoir que ce rehaussement fait double emploi, à hauteur d'au moins 35 838 euros, avec celui effectué au titre de l'année 2012 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison de la distribution de la minoration de chiffre d'affaires de l'exercice clos le 30 juin 2012 par l'EURL GAR. Toutefois, ils n'apportent pas la preuve de l'origine des sommes réintégrées en se bornant à soutenir que l'EURL GAR était leur seule source de revenus et en procédant artificiellement à une mensualisation de la minoration de chiffre d'affaires retenue par l'administration fiscale sans qu'aucune corrélation n'existe entre les crédits constatés et les distributions imposées.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des années 2012 et 2013 :

13. Il résulte de l'instruction que pour les années 2012 et 2013, l'administration a procédé, selon la procédure de taxation d'office, à des rectifications fondées sur l'imposition, au titre des années 2012 et 2013, de revenus d'origine indéterminée et, selon la procédure contradictoire, à des rectifications fondées, au titre de l'année 2012, sur le rehaussement des revenus perçus dans la catégorie des traitements et salaires et, pour les années 2012 et 2013, à des rehaussements des revenus de capitaux mobiliers procédant des rehaussements apportés au montant du résultat imposable de l'EURL GAR, qualifiés de revenus distribués et imposés en tant que tels au nom du foyer fiscal. M. et Mme A..., qui ne contestent pas les cotisations supplémentaires procédant des traitements et salaires et des revenus d'origine indéterminée, soutiennent que les revenus de capitaux mobiliers, ont été surévalués à raison des minorations de chiffre d'affaires, des charges non justifiées et de certaines des opérations constatées au crédit du compte courant d'associé de M. A....

14. M. et Mme A... se sont abstenus, à la suite de la réception du courrier du 26 juin 2015 leur notifiant les rectifications en litige, de contester ces dernières dans le délai légal d'un mois. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il leur appartient de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'ils contestent.

15. En premier lieu, pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par l'EURL GAR lors de la période litigieuse, le vérificateur a analysé les opérations d'achats et de ventes effectuées par l'entreprise au cours de cette période et ayant pu être regardées comme justifiées à la faveur des éléments concrets recueillis lors du contrôle, l'origine de l'achat, les prix d'achat et de vente, l'immatriculation et la marge brute constatée. Il a ainsi dégagé un échantillon d'analyse de 60 véhicules identifiés en achat et en vente au titre de l'exercice clos en 2012, de 110 véhicules pour l'exercice clos en 2013 et de 90 véhicules pour l'exercice clos en 2014. Si les lacunes de la comptabilité, sommairement corrigées par des écritures de régularisation inscrites globalement en comptabilité en fin d'exercice, n'ont pas permis de valider les données alléguées par le contribuable en ce qui concerne le nombre de véhicules vendus pour chaque exercice, il résulte de l'instruction que l'administration a été en mesure de fixer le rapport entre le montant des ventes de véhicule pouvant être prises en considération et le montant total des ventes déclarées par la société, à savoir 34,73 % au titre de l'exercice clos en 2012, 38,95 % pour l'exercice clos en 2013 et 38,28 % pour l'exercice clos en 2014, l'échantillon retenu s'appuyant sur une part substantielle des opérations de vente réalisées. Sur la base de cet échantillon, l'administration a calculé le taux de marge moyen réalisé qu'elle a ensuite appliqué à l'ensemble des achats de véhicules réalisés l'EURL GAR.

16. D'une part, la société contribuable, qui ne propose aucune méthode alternative de reconstitution de son chiffre d'affaires ni ne produit un inventaire exhaustif des opérations réalisées, n'est pas fondée à soutenir que le choix de recourir à un taux de marge moyen brute établi sur la base d'un échantillon représentatif serait inadapté en raison de la disparité des taux de marge réalisés sur chaque opération d'achat-revente de véhicule. D'autre part, l'EURL GAR soutient que le taux de marge moyen brute n'intègre pas les frais exposés préalablement à la revente de chaque véhicule, qu'elle évalue à 3 % du prix d'achat, mais ne justifie ni du montant des sommes qui n'auraient pas été prises en compte ni de leur impact sur le chiffre d'affaires reconstitué. Enfin, elle se prévaut d'un nouveau calcul de coefficient de marge effectué à partir d'un échantillon qu'elle estime plus représentatif au regard du nombre d'opérations recensées mais, outre que les ventes concernées ont été réalisées au cours des seules exercices clos en 2012 et 2013, elle ne corrobore par aucun élément justificatif les prix d'achat et de revente des véhicules concernés à l'appui du tableau présenté en annexe de son mémoire et ne peut utilement soutenir qu'il appartenait à l'agent vérificateur de constater sur place et sur pièces la réalité des prix retenus. Dans ces conditions, les contribuables n'apportent pas la preuve de ce que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires mise en oeuvre par le vérificateur est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".

18. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des opérations de contrôle, le service a relevé la comptabilisation, via le journal des opérations diverses, de charges inscrites sous le libellé " NJ " (non justifiée) ou " FNP " (factures non parvenues), à hauteur de 14 418 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et 3 906 euros au titre de celui clos en 2013. Aucune facture ni aucun justificatif d'une autre nature n'ayant été présenté à 1'appui de ces écritures, l'agent vérificateur a procédé à la réintégration au résultat imposable de ces sommes au titre des exercices litigieux. Les requérants, qui se contentent de soutenir que les libellés portés en comptabilité permettaient d'identifier le bénéficiaire des paiements, ne produisent aucune facture justifiant du caractère déductible des sommes concernées.

19. En troisième lieu, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En l'espèce, au titre de l'année 2012, une somme de 107 435 euros a été créditée au compte courant de M. A... au sein de la société GAR. Les contribuables admettent la rectification opérée à hauteur de 82 935 euros mais soutiennent que le surplus, soit 24 500 euros, correspond au remboursement d'achats de véhicules effectués avec le compte personnel de M. A.... En l'absence de production des pièces justificatives annoncées, ce moyen doit être écarté.

20. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les rehaussements ont été opérés au titre des années 2012 et 2013 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, pour les sommes de 59 863 euros et 81 749 euros, à raison des crédits constatés sur les comptes bancaires de M. et Mme A.... Les requérants font valoir que ces rehaussements font double emploi, à hauteur de 42 878 euros pour 2012 et 41 896 euros pour 2013, avec ceux effectués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison de la distribution de la minoration de chiffre d'affaires des exercices clos en 2012 et 2013 par l'EURL GAR. Toutefois, ils n'apportent pas la preuve de l'existence de l'origine des sommes réintégrées en se bornant à soutenir que l'EURL GAR était leur seule source de revenus et en procédant artificiellement à une mensualisation de la minoration de chiffre d'affaires retenue par l'administration fiscale sans qu'aucune corrélation n'existe entre les crédits constatés et les distributions imposées.

En ce qui concerne les cotisations sociales :

21. Les requérants sollicitent la révision de la base de calcul des contributions sociales à hauteur des rectifications contestées dans les catégories des revenus d'origine indéterminée et des revenus de capitaux mobiliers. Il résulte de ce qui précède que ces prétentions doivent être écartées.

En ce qui concerne les pénalités :

22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. Il résulte de l'instruction que les rappels d'impôts sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2012 et 2013 consécutifs aux rehaussements opérés à raison de la distribution, au nom du foyer fiscal, des minorations de chiffre d'affaires constatées à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société GAR, ont été assortis de la majoration de 40 % sanctionnant le caractère délibéré des manquements constatés.

24. Pour appliquer la pénalité pour manquement délibéré, l'administration a retenu que M. A..., qui était le gérant et associé unique de l'EURL GAR et participait activement à l'activité de l'entreprise dans toutes ses composantes, ne pouvait ignorer qu'il avait appréhendé des revenus portés sur le compte courant d'associé qui devaient donner lieu à déclaration de sa part et qu'ainsi ses déclarations de revenus des années 2012 et 2013 étaient incomplètes. L'administration doit ainsi être regardée comme établissant l'intention délibérée des contribuables d'éluder l'impôt au titre de ces années.

25. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des intérêts et pénalités correspondants.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante au principal dans la présente instance, la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1601026, 1601295 du 17 décembre 2018 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... à concurrence des dégrèvements prononcés par le directeur régional des finances publiques au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Article 3 : Le surplus des demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de La Réunion et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera transmise à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX01062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01062
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Modalités de la réglementation.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL DAVID HOARAU - MATHIEU GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-13;19bx01062 ?
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