Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Vouneuil-sous-Biard a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la société Etablissement Souille à lui verser la somme de 36 720 euros TTC au titre de pénalités de retard relatives à l'exécution du lot n° 6 " Menuiseries extérieures aluminium et PVC- Serrurerie " du marché de restructuration du groupe scolaire " Jacques-Yves Cousteau ".
Par un jugement n° 1603739 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires et pièces enregistrés les 28 janvier, 11 et 15 février 2019, la commune de Vouneuil-sous-Biard, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la société Etablissement Souille à lui verser la somme de 36 720 euros TTC au titre de pénalités de retard relatives à l'exécution du lot n° 6 " Menuiseries extérieures aluminium et PVC- Serrurerie " du marché de restructuration du groupe scolaire " Jacques-Yves Cousteau ", à laquelle il convient de déduire la somme de 5 400 euros retenue par elle à titre d'avance ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application de l'article 4.7 du cahier des clauses administratives particulières, elle est en droit de percevoir la somme de 36 720 euros TTC au titre de pénalités de retard ;
- la société Souille n'a pas exécuté les travaux inscrits en réserve dans le procès-verbal de réception, signé le 29 juillet 2015, avant le 5 août 2015, malgré plusieurs relances et une mise en demeure. Elle a enregistré 23 jours de retard s'agissant du préau et 79 jours de retard s'agissant des bavettes d'appui, soit 102 jours de retard ;
- le montant des pénalités de retard, qui représente 6,21 % du montant global du marché, n'est pas excessif ;
- les parties ont pu conventionnellement revenir sur le procès-verbal de réception des travaux du 4 mai 2015 qui n'est pas une décision créatrice de droits ;
- la liste des réserves signée par le maître d'oeuvre et l'entrepreneur le 29 juillet 2015 indiquait qu'elles devaient être levées avant le 5 août 2015.
Par un mémoire enregistré le 17 février 2020, la société Etablissement Souille, représentée par la société Ten France SCP d'avocats, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Vouneuil-sous-Biard ;
2°) de condamner la commune de Vouneuil-sous-Biard à lui payer la somme de 5 400 euros au titre du décompte général définitif du marché de travaux portant sur le lot n° 6 " menuiseries extérieures aluminium PVC serrurerie " ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par courrier du 2 mars 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Etablissement Souille tendant à la condamnation de la commune de Vouneuil-sous-Biard au paiement de la somme de 5 400 euros au titre du solde de son marché, qui ont le caractère de conclusions nouvelles en appel.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique ;
- et les observations de Me D..., représentant la société Etablissement Souille.
Considérant ce qui suit :
1. Afin de procéder à la restructuration du groupe scolaire " Jacques-Yves Cousteau ", la commune de Vouneuil-sous-Biard a, par un acte d'engagement du 9 janvier 2014, attribué à la société Etablissement Souille le lot n° 6 " Menuiseries extérieurs Aluminium et PVC - Serrurerie " pour un montant de 206 271, 50 euros TTC. Aux termes du décompte général du marché notifié à la société Etablissement Souille le 4 octobre 2016, une somme de 5 400 euros a été retenue au titre des pénalités de retard. La société Etablissement Souille a contesté ce décompte par courrier du 7 octobre 2016. La commune de Vouneuil-sous-Biard a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation de la société Etablissement Souille à lui verser la somme de 36 720 euros TTC au titre des pénalités relatives à l'exécution du lot n° 6 du marché précité. Par un jugement du 13 décembre 2018, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur l'appel principal de la commune de Vouneuil-sous-Biard :
2. Aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue du décret du 20 janvier 1976, applicable au marché en cause en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " 20.1. En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixée, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 41.3 du même cahier : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux (...) ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 41.6 de ce cahier : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur ". L'article 4.1.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de ce marché prévoit : " Délai d'exécution. A compter de la date fixée par l'ordre de service de commencer les travaux, le délai d'exécution de l'ensemble des travaux est fixé à 18 mois (...) ". L'article 4.7 " Délai et retenues pour la non levée des réserves " du CCAP prévoit : " A l'occasion des opérations préalables à la réception des travaux, le maitre d'oeuvre fixera un délai pour l'exécution des travaux inscrits en réserves au procès-verbal de réception. Passé ce délai, si l'entreprise n'a pas rempli la totalité de ses obligations, elle se verra appliquer une pénalité calculée sur la base de 300 euros HT par jour calendaire de retard ". L'article 9-2 du CCAP relatif à la réception prévoit : " La réception ne fait l'objet d'aucune stipulation particulière. La procédure de réception se déroule simultanément pour les lots dans les conditions prévues à l'article 42 du CCAG. Il est néanmoins précisé que le chantier comporte deux phases de travaux (...) une réception est prononcée pour chaque phase. La date de démarrage de l'année de parfait achèvement pour l'ensemble des travaux est celle de la phase 2 ".
3. Il résulte des stipulations de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales que les pénalités de retard ne peuvent être infligées à l'entrepreneur qu'en vue de l'exécution des travaux et ce jusqu'à leur achèvement, lequel se confond avec la date de réception des ouvrages lorsque ceux-ci peuvent être regardés comme achevés au sens des clauses du cahier des clauses administratives générales. En décidant, au terme des opérations préalables, de prononcer la réception des travaux, avec ou sans réserves, le maître d'ouvrage, qui déclare de ce fait accepter l'ouvrage, estime nécessairement que les constructeurs ont exécuté, pour l'essentiel, les prestations contractuelles leur incombant. Si lorsque la réception de l'ouvrage a été prononcée sous réserve de l'exécution de certains travaux ou prestations ou de la reprise d'imperfections et de malfaçons, le maître d'ouvrage conserve la possibilité de mettre en oeuvre le régime de sanction organisé par les stipulations de l'article 41.6 du CCAG travaux et d'inclure dans le décompte général du marché, le cas échéant, l'ensemble des préjudices subis postérieurement à la réception des travaux en raison de la défaillance ou du retard des constructeurs à lever les réserves émises, il ne peut plus, en revanche, décider d'appliquer aux constructeurs, pour la période postérieure à la réception de l'ouvrage, sauf clause contraire prévue dans les pièces particulières du marché, les pénalités dues à un retard dans l'exécution des travaux, quelle que soit l'importance des éléments réservés.
4. Par ailleurs, s'il est possible au maître de l'ouvrage de déroger à cette règle et d'instituer une pénalité pour retard dans la levée des réserves formulées à la réception, cette dérogation doit résulter clairement des termes du contrat. En l'espèce, les stipulations de l'article 4.7 précitées du cahier des clauses administratives particulières, dont l'intitulé se réfère explicitement aux retenues pour non levée des réserves, doit être compris comme instituant une telle dérogation.
5. Il résulte de l'instruction que le démarrage des travaux du lot n° 6 " menuiseries extérieures aluminium et PVC- Serrurerie ", d'une durée de 18 mois, soit jusqu'au 26 août 2015, a été notifié à la société Etablissement Souille le 25 février 2014 par un ordre de service n° 1 daté du 24 février 2014. Les travaux prévus au marché ont fait l'objet de deux réceptions partielles, conformément à l'article 9-2 du CCAP précité. La première réception, sans réserve, a été décidée par le maître de l'ouvrage le 4 mai 2015, avec effet au 11 février 2015. La seconde réception a été décidée par la maître de l'ouvrage le 3 août 2015 et comportait des réserves portant sur les bavettes d'appui et le préau dans la garderie, à lever avant le 5 août 2015.
6. Dès lors qu'en vertu des stipulations de l'article 9-2 du CCAP précitées, le maître d'ouvrage devait prononcer des réceptions distinctes à la fin des deux phases des travaux, la société Etablissement Souille ne peut utilement se prévaloir de droits acquis résultant de la réception partielle et sans réserve du 4 mai 2015. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a estimé que la réception partielle du 4 mai 2015 était une décision créatrice de droit que la réception des travaux du lot n° 6 du 3 août 2015, sur laquelle la commune de Vouneuil-sous-Biard se fonde pour calculer le point de départ des pénalités en litige, n'a pu retirer.
7. Toutefois, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
8. La commune de Vouneuil-sous-Biard entend mettre à la charge de la société Etablissement Souille des pénalités de retard pour un montant de 36 720 euros TTC et correspondant à 102 jours calendaires de retard pour remédier, avant le 5 août 2015, délai fixé au procès-verbal des opérations préalables à la réception du 29 juillet 2015, aux réserves indiquées à l'annexe n° 1 du procès-verbal de réception du 3 août 2015 qui portaient sur le préau de la garderie non terminé et sur des bavettes d'appui considérées comme tranchantes. La commune fait valoir que le préau n'a été terminé que le 18 septembre 2015, soit avec 49 jours de retard, et que la levée des réserves s'agissant des bavettes d'appui n'est intervenue que le 23 octobre 2015, soit avec 79 jours de retard.
9. En premier lieu, en ce qui concerne la réserve portant sur le préau de la garderie, la société Etablissement Souille soutient, sans être contredite, qu'elle n'a pas pu intervenir sur cette partie de l'ouvrage avant l'établissement en juillet 2015, par la société DL Structure, des plans nécessaires au dimensionnement des plots réalisés pour le gros-oeuvre afin de supporter la structure. Par ailleurs, selon ses affirmations non contestées par la commune, elle a au cours du mois de juillet 2015 procédé aux opérations de terrassement et de fabrication des supports des dés bétons, et livré à la fin du mois de juillet la matière à galvaniser, mais que l'entreprise chargée de la galvanisation n'a produit le produit galvanisé que le 9 septembre 2015. Dans ces conditions, la circonstance que la société Etablissement Souille aurait posé l'auvent la semaine suivante, ne lui est pas imputable. Par suite, le retard pris dans la levée des réserves relatives au préau de la garderie ne peut être regardé comme étant imputable à la société Etablissement Souille.
10. En second lieu, en ce qui concerne les réserves relatives aux bavettes d'appui, la société Etablissement Souille soutient, sans être contredite, que ces équipements, qui étaient conformes au DTU, ont été installés après accord du bureau du contrôle en janvier 2015. Dans ces conditions, dès lors que ces équipements avaient été exécutés conformément aux stipulations contractuelles, la commune de Vouneuil-sous-Biard ne pouvait imputer le retard lié à ces modifications à la société Etablissement Souille, alors même que ceux qu'elle avait réalisés conformément au contrat, apparaissaient comme dangereuses. Par suite, la commune de Vouneuil-sous-Biard n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Etablissement Souille au paiement de pénalités de retard pour non levée de ces réserves.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vouneuil-sous-Biard n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant aux paiement des pénalités de retard pour non levée des réserves sur le fondement de l'article 4.7 du CCAP.
Sur les conclusions d'appel incident de la société Etablissement Souille :
12. Les conclusions de la société Etablissement Souille tendant à la condamnation de la commune de Vouneuil-sous-Biard au paiement de la somme de 5 400 euros au titre du solde de son marché n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont de ce fait, le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel. Elles sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Etablissement Souille, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande la commune de Vouneuil-sous-Biard au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Vouneuil-sous-Biard la somme de 1 500 euros à payer à la société Etablissement Souille au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vouneuil-sous-Biard est rejetée.
Article 2 : La commune de Vouneuil-sous-Biard est condamnée à payer la somme de 1 500 euros à la société Etablissement Souille sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vouneuil-sous-Biard et à la société Etablissement Souille.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme C... A..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19BX00428