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07/04/2021 | FRANCE | N°18BX02527

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 avril 2021, 18BX02527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions implicites et expresses des 27 janvier 2014 et 4 août 2014 de La Poste rejetant ses demandes de réintégration à compter du 1er décembre 2013 et prolongeant son congé de longue durée d'office, d'annuler la décision du 1er décembre 2014 le réintégrant dans ses fonctions, d'annuler la décision par laquelle La Poste lui a refusé l'accès à l'Intranet et à l'information professionnelle, et de condamner La Poste à l'ind

emniser des préjudices causés par diverses fautes ;

Par un jugement n° 1400377, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions implicites et expresses des 27 janvier 2014 et 4 août 2014 de La Poste rejetant ses demandes de réintégration à compter du 1er décembre 2013 et prolongeant son congé de longue durée d'office, d'annuler la décision du 1er décembre 2014 le réintégrant dans ses fonctions, d'annuler la décision par laquelle La Poste lui a refusé l'accès à l'Intranet et à l'information professionnelle, et de condamner La Poste à l'indemniser des préjudices causés par diverses fautes ;

Par un jugement n° 1400377, 1401323, 1402901, 1405834, 1500488 et 1602213 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 1er décembre 2014 affectant M. C... à l'ATM de Toulouse, a condamné La Poste à verser à M. C... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, a rejeté le surplus des requêtes de M. C... et a condamné ce dernier à une amende pour recours abusif.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 avril 2018, le 27 juillet 2018 et le 5 février 2021, M. C..., représenté par Me F..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2018 en tant qu'il porte sur ses demandes enregistrées sous le n°1405834 ;

2°) d'annuler la décision du 4 août 2014 par laquelle La Poste a prolongé son congé de longue durée du 1er juin 2014 au 30 novembre 2014 ;

3°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices causés par ses fautes ainsi que la somme de 2 000 euros par mois de congé longue durée abusif ;

4°) d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière ;

5°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été informé de l'adresse à laquelle s'est réuni le comité médical, le privant de la possibilité d'y assister ; la note n° 959 de La Poste a été méconnue ; aucun spécialiste de l'affection qui avait entrainé son congé de longue durée ne s'est prononcé sur son état de santé ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'est atteint d'aucune maladie mentale et que l'autorité de la chose jugée s'attache à l'arrêt n° 16BX01476.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2020, La Poste, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête à ce que soit mise à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... H...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de M. A... C..., et de Me G..., représentant La Poste.

Une note en délibéré, déposée par M. C..., a été enregistrée au greffe de la cour le 16 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., a intégré le service public des Postes et Télécommunications le 9 mars 1976, et a été titularisé dans le grade de cadre de premier niveau de La Poste le 11 octobre 2000. Muté à compter du 1er octobre 2003 à l'antenne territoriale de maintenance (ATM) d'Aurillac, M. C... s'est vu infliger, par décision du 17 octobre 2006, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, dont un an avec sursis, pour avoir menacé de mort le directeur de la direction du support et de la maintenance (DSEM), la directrice des ressources humaines et les responsables de l'Agence Régionale de Maintenance (ARM) et de l'ATM. Le 24 octobre 2007, M. C... a été réintégré au sein de La Poste et affecté en qualité de conseiller support technique, dans un premier temps, à l'ARM de Paris par une décision du 18 octobre 2007 puis, dans un second temps, à la DSEM de Chartres par une décision du 26 novembre suivant. Ces deux décisions ayant été annulées par jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 2011 devenu définitif, M. C... a ensuite été muté à Toulouse, sur un poste de conseiller support, à compter du 14 mai 2008. Cependant l'intéressé a sollicité à plusieurs reprises son affectation à Aurillac puis, à défaut d'obtenir satisfaction, a entamé une grève de la faim en avril 2010. Par une décision n° 11013 du 19 janvier 2011, La Poste, suivant l'avis favorable rendu par le comité médical le 12 janvier 2011, a placé d'office M. C... en congé de longue durée pour une période de six mois, à compter du 1er décembre 2010 en raison des troubles psychologiques dont il était atteint, caractérisés notamment par un risque suicidaire, une pathologie dépressive et une psychorigidité. Ce congé de longue durée a été renouvelé à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par une décision du 4 août 2014 qui précise que, compte tenu de l'avis du comité médical du 8 janvier 2014, M. C... est apte à reprendre le travail sous réserve d'une affectation sur un poste compatible avec son état de santé et que, dans l'attente de recherche d'un poste adapté, il y a lieu de prolonger le congé de longue durée du 1er juin 2014 au 30 novembre 2014. M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de cette décision ainsi que la condamnation de La Poste à réparer les préjudices qu'il a subis. Il relève appel du jugement du 19 février 2018 rejetant ses demandes.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 4 août 2014 :

2. Aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 : " Les comités médicaux (...) consultés obligatoirement en ce qui concerne : (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; 3. Le renouvellement de ces congés ; 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : (...) - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix (...) L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande". Selon l'article 41 du même décret : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent./Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par l'administration dont il relève./Les conditions exigées pour que la réintégration puisse être prononcée sont fixées par les arrêtés prévus à l'article 49 ci-dessous ". Selon l'article 43 du même décret : " Le comité médical consulté sur la reprise des fonctions d'un fonctionnaire qui avait bénéficié d'un congé de longue maladie ou de longue durée peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi du fonctionnaire, sans qu'il puisse être porté atteinte à la situation administrative de l'intéressé (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, que M. C... a été informé par lettre du 27 juin 2014 que le comité médical se réunirait le 23 juillet 2014 à 9h à la DOTC Midi Pyrénées Sud pour examiner les conditions de sa reprise d'activité après un congé de longue durée. S'il soutient que la décision attaquée est intervenue sans qu'il ait été examiné par un spécialiste agréé en méconnaissance de l'article 41 précité du décret du 14 mars1986, ces dispositions prévoient seulement la nécessité de recourir à un spécialiste agréé pour que l'agent soit reconnu apte à reprendre ses fonctions. Or, en l'espèce, M. C... avait déjà été reconnu apte à reprendre ses fonctions par décision précédente du 27 janvier 2014, qui a été reconduite par la décision attaquée, sous réserve de son affectation sur un poste adapté. Dès lors, la décision du 4 août 2014, qui confirmait l'aptitude de M. C... à reprendre ses fonctions, mais prolongeait le congé de longue durée dans l'attente de lui proposer un poste adapté, n'a pas méconnu les dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, M. C... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, les moyens de l'absence de mention de l'adresse exacte à laquelle se réunissait le comité médical et de communication spontanée de l'avis du comité médical, moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

5. En troisième lieu, M. C... soutient que la procédure est irrégulière dès lors qu'il avait demandé, par courrier du 7 juillet 2014, la communication de son dossier médical et que sa demande n'a pas été satisfaite. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, alors que l'aptitude de M. C... à reprendre ses fonctions n'était plus en débat, et dès lors que M. C... avait obtenu précédemment les pièces de son dossier médical, notamment les 11 juillet 2011, 7 décembre 2011, 4 juillet 2013, 29 janvier 2014, 20 février 2014 et 27 juin 2014 et qu'il ne soutient pas que d'autres pièces médicales composaient ce dossier, l'absence de communication du dossier médical n'a pas été de nature à priver M. C... d'une garantie ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision.

6. En quatrième lieu, M. C... fait valoir que la décision attaquée serait entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il n'était pas atteint de maladie mentale au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été placé en congé de longue durée d'office depuis le 1er décembre 2010 et qu'un tel congé a été renouvelé à plusieurs reprises en raison des troubles psychologiques dont il souffrait, caractérisés notamment par un risque suicidaire, une pathologie dépressive et une psychorigidité. Si son état mental s'est ensuite amélioré, conduisant à ce que le spécialiste agréé le 25 novembre 2013, le médecin du travail le 19 décembre 2013 ainsi que le comité médical lors de ses séances du 8 janvier 2014 et 23 juillet 2014 reconnaissent son aptitude à la reprise du travail, ces avis étaient néanmoins conditionnés, de façon unanime, à ce que le retour en exercice se fasse sur un poste adapté, sans fonction d'encadrement, sans exigence de rendement et avec un contact limité avec le public et ses collègues de travail. Aussi, eu égard à la teneur de l'avis du comité médical sur la situation de M. C..., qui a estimé que la reprise du travail devait intervenir sur un poste adapté, La Poste n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, ni n'a commis le détournement de pouvoir allégué, en prolongeant le congé de longue durée de M. C... par la décision du 4 août 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 4 août 2014.

Sur les autres conclusions :

8. Enfin, M. C... fait valoir qu'il a subi des faits de harcèlement moral et que la décision de prolonger le congé de longue durée est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle avait pour seul objet de masquer l'incapacité de La Poste à le réintégrer. Toutefois, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. En l'espèce, en se bornant à soutenir que La Poste l'aurait continuellement humilié et lui aurait opposé des refus non fondés à ses demandes de mutation, sans accompagner ces allégations de faits précis, circonstanciés et concordants, M. C... ne peut être regardé comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En l'absence de tels agissements, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions sur ce point. Il en va de même des allégations de M. C... selon lesquelles les décisions seraient entachées d'un détournement de pouvoir, dès lors que de tels agissements ne ressortent pas des pièces du dossier.

9. En l'absence d'illégalité fautive commise par La Poste, les conclusions de M. C..., tendant à ce que son employeur soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'illégalité de la décision du 4 août 2014 prolongeant son congé de longue durée, ne peuvent qu'être rejetées.

10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 4 août 2014 n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant sur ce point doivent être rejetées.

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. C... sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de La Poste présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 et de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme E... H..., présidente-assesseure,

Mme D... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18BX02526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02527
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP HERALD, ANCIENNEMENT GRANRUT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-07;18bx02527 ?
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