La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2021 | FRANCE | N°19BX00649

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 01 avril 2021, 19BX00649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Océan 1882 a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2016 lui refusant un permis de construire une résidence de tourisme et un ensemble de commerces sur les parcelles cadastrées AN 318, 350, 351, 354, 355, 357, 358, 359, 360 et 361, situées au 76 avenue de l'Océan à l'Étang-Salé les Bains, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700151 du 15 novembre 2018, le tribunal admi

nistratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Océan 1882 a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2016 lui refusant un permis de construire une résidence de tourisme et un ensemble de commerces sur les parcelles cadastrées AN 318, 350, 351, 354, 355, 357, 358, 359, 360 et 361, situées au 76 avenue de l'Océan à l'Étang-Salé les Bains, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700151 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2019 et 11 septembre 2020, la société Océan 1882, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler l'arrêté de refus de permis de construire du 7 septembre 2016 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de l'Etang-Salé de lui délivrer un arrêté de permis de construire pour les projets " La Pirogue " et " Les 3 Cocos ", tels que présentés dans le dossier de demande de permis de construire déposé le 26 juillet 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de l'Etang-Salé une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il est fondé sur l'existence d'une servitude sur les parcelles AN 175 et 177 au profit de la parcelle AN 176 alors qu'une délibération du 17 juillet 2003 a supprimé cette servitude, ainsi que le rappellent les actes notariés des 8, 9 et 11 septembre 2008 ; c'est à tort que le tribunal a jugé que ce moyen était inopérant dès lors que le refus de permis de construire est explicitement fondé sur l'existence de cette servitude de canal ;

- la parcelle objet de la demande de permis de construire n'est pas concernée par le risque submersion marine ; la décision est fondée sur des considérations relatives à une parcelle autre que celle objet de la demande de permis de construire ; le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans la zone d'inondation du plan de prévention des risques ; aucun élément du dossier ne permet de démontrer l'existence du risque invoqué par la commune ; le projet ne méconnait donc pas les dispositions de l'article L. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2020, la commune de l'Etang Salé, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- la requête est irrecevable en ce que l'appelante ne produit pas le jugement attaqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-3 du code de justice administrative ;

- la requête, qui est la reproduction littérale des moyens et conclusions enregistrés au greffe du tribunal administratif de La Réunion, n'est pas suffisamment motivée et est irrecevable en application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens développés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 juillet 2016, la société civile immobilière Océan 1882 a sollicité la délivrance d'un permis de construire afin de réaliser sept résidences de tourisme et six commerces sur un terrain situé 76 avenue de l'Océan sur le territoire de la commune de l'Etang-Salé. Par un arrêté du 7 septembre 2016, le maire de l'Etang-Salé a refusé de lui délivrer ce permis de construire. La société Océan 1882 a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision par un courrier daté du 4 novembre 2016, reçu en mairie le 7 novembre 2016. La société Océan 1882 relève appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 septembre 2016 :

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte les caractéristiques de la zone du projet et de la construction projetée.

4. Pour refuser le permis de construire sollicité par la société appelante, le maire de l'Etang-Salé s'est fondé sur les circonstances que le terrain d'assiette du projet est concerné par le niveau d'aléa faible de l'aléa submersion marine et est situé dans un périmètre de dépression arrière-littorale favorisant la stagnation de l'eau, que les travaux effectués sur le terrain d'assiette du projet lors de la construction de l'hôtel de la SARL Caro Beach Village ont constitué un barrage à la transparence hydraulique et ont favorisé la stagnation de l'eau, générant des inondations lors des dernières intempéries, que le terrain d'assiette du projet est situé sur une nappe phréatique dont les remontées dépassent la côte du terrain naturel lors de fortes pluies et, enfin, qu'en période de pluie, les exutoires du réseau des eaux pluviales du secteur se déversant vers la mer, la remontée de la nappe phréatique empêche l'évacuation des eaux pluviales et produit une stagnation de l'eau sur le terrain d'assiette du projet.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le préfet avait prescrit, par un arrêté du 25 juin 2015, l'élaboration du plan de prévention des risques naturels prévisibles pour la commune de l'Etang-Salé relatif aux aléas recul du trait de côte et submersion marine et que le maire de l'Etang-Salé était informé du porter à connaissance du préfet daté du 19 mai 2014 indiquant, dans la cartographie des aléas côtiers jointe, que le terrain d'assiette du projet, qui faisait partie des anciens marais salants, était situé dans un périmètre de dépression arrière-littorale favorisant la stagnation de l'eau. Les éléments ainsi portés à la connaissance du maire étaient de nature à caractériser l'existence d'un risque d'inondation par stagnation de l'eau sur les parcelles d'implantation du projet de la SCI Ocean 1882. Contrairement à ce que soutient la société appelante, le maire pouvait, même en l'absence de classement du terrain d'assiette du projet en zone à risques dans le plan de prévention des risques naturels prévisibles relatif aux phénomènes d'inondation et de mouvement de terrain approuvé le 26 janvier 2016, et alors même que le terrain n'est concerné que par un niveau faible de l'aléa submersion marine, tenir compte de la probabilité de réalisation du risque d'inondation par stagnation de l'eau au regard des éléments connus sur les parcelles situées à proximité immédiate des constructions projetées. Compte tenu du renforcement du risque de stagnation de l'eau sur le terrain d'assiette des constructions prévues et de la gravité des conséquences des inondations générées sur les résidences et commerces envisagés, le projet présenté par la société Océan 1882 était de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Ainsi, le maire de l'Etang-Salé, en refusant le permis de construire sollicité, n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce motif étant, à lui seul, de nature à justifier le refus de permis de construire, la circonstance que les autres motifs de refus ne seraient pas fondés est sans incidence.

6. Enfin, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de l'absence de servitude de canal réelle et perpétuelle, instituée par l'acte authentique daté du 12 septembre 1994 et retranscrite dans l'acte authentique daté des 8 et 11 septembre 2008, en vue de la réalisation d'une voie d'eau afin de permettre des travaux d'aménagement du réseau d'évacuation des eaux pluviales du secteur dès lors que cette servitude, qui est uniquement visée par l'arrêté contesté, ne constitue pas un des motifs du refus du permis de construire sollicité.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées, que la société Océan 1882 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de l'Etang-Salé du 7 septembre 2016 portant refus de permis de construire et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Océan 1882, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de l'Etang-Salé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la société Océan 1882. Il convient en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la société Océan 1882 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de l'Etang-Salé et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Océan 1882 est rejetée.

Article 2 : La SCI Océan 1882 versera à la commune de l'Etang-Salé une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Océan 1882 et à la commune de l'Etang-Salé.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00649 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00649
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL DAVID HOARAU - MATHIEU GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-01;19bx00649 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award