Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2000850 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020, un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, et des pièces enregistrées le 15 février 2021 qui n'ont pas été communiquées, Mme B... représentée par Me E... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Indre du 23 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant refus de séjour est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il indique que bien que travailleur solidaire depuis trois ans chez Emmaüs, elle ne justifie ni d'une activité professionnelle ou d'une formation entre 2012 et 2017, ni de perspectives d'intégration en France, ni d'un projet professionnel ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation en ce qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'association Emmaüs Indre atteste qu'elle remplit les conditions de délivrance de ce titre ;
- l'arrêté portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle réside en France depuis 2012, que sa mère est suivie médicalement en France pour une affection grave et s'est d'ailleurs vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, que son frère est régulièrement scolarisé en France et qu'elle est dépourvue d'attache dans son pays d'origine ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'elle a demandé l'asile politique en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. C... D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 8 septembre 1992, est entrée en France, selon ses déclarations, le 24 décembre 2012. Elle a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 juin 2020, le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
S'agissant du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... qui est présente en France depuis 8 ans, est célibataire et sans enfant, a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine et n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale en cas de retour dans celui-ci. En outre, si elle fait valoir que sa mère qui est suivie médicalement en France pour une affection grave s'est vue délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, et que deux de ses frères, dont l'un est scolarisé, vivent en France, elle n'établit pas entretenir des relations personnelles avec eux. Dans ces conditions, la seule circonstance, qu'à la date de l'arrêté attaqué, elle ait travaillé à titre solidaire pendant trois ans chez Emmaüs Indre depuis le 12 mai 2017 et qu'elle maitrise la langue française n'est pas de nature à démontrer, eu égard à ses conditions d'entrée et de séjour en France, que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté n'emporte pas sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les organismes assurant l'accueil ainsi que l'hébergement ou le logement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. ". Aux termes également des dispositions l'article R. 313-25 de ce même code " Pour l'application de l'article L. 313-14-1, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 présente à l'appui de la demande, outre les pièces prévues aux articles R. 313-1 et R. 311-2-2 : 1° Les pièces justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de l'organisme, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration ; 2° Un rapport établi par le responsable de l'organisme d'accueil mentionné au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles précisant notamment la nature des missions effectuées et leur volume horaire, permettant de justifier de trois années d'activité ininterrompue exercée en son sein, ainsi que du caractère réel et sérieux de cette activité ; ce rapport précise également les perspectives d'intégration de l'intéressé au regard notamment du niveau de langue, des compétences acquises et le cas échéant, de son projet professionnel ainsi que des éléments tirés de la vie privée et familiale ; 3° S'il est marié et ressortissant d'un Etat dont la loi autorise la polygamie, une déclaration sur l'honneur selon laquelle il ne vit pas en France en état de polygamie. ". Aux termes enfin des dispositions l'article R. 313-26 de ce même code " Pour l'application de l'article L. 313-14-1, lorsqu'il envisage d'accorder un titre de séjour, le préfet apprécie, au vu des circonstances de l'espèce, s'il délivre la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée au 1° ou au 2° de l'article L. 313-10. ".
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger justifie de trois années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire, qu'un rapport soit établi par le responsable de l'organisme d'accueil, qu'il ne vive pas en état de polygamie et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Pour refuser à Mme B... le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Indre s'est fondé sur la circonstance que bien que travailleur solidaire depuis trois ans chez Emmaüs Indre, l'intéressée ne justifie ni d'une activité professionnelle ou formation entre 2012 et 2017, ni de perspectives d'intégration en France, ni d'un projet professionnel. Il ressort des pièces du dossier que si Mme B... ne vit pas en état de polygamie, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'elle a effectivement travaillé à titre solidaire pendant trois ans pour Emmaüs Indre, organisme de travail solidaire, cette structure n'a toutefois rédigé aucun rapport sur son activité. La requérante se borne, en effet, à produire des attestations de responsables de la communauté Emmaüs selon lesquelles elle est logée à titre gratuit par la communauté de Deol depuis le 12 mai 2017, s'est vite intégrée à la communauté et donne entièrement satisfaction dans son travail. En outre, le projet professionnel dont justifie Mme B... est une promesse d'embauche d'une société de pressing et elle n'a eu de 2012 à 2017 pour seule perspective que l'apprentissage de la langue française. Dans ces conditions, à supposer même que Mme B... justifie du caractère réel et sérieux de son activité chez Emmaüs Indre, elle n'a pas de perspective d'intégration réelle. Par suite, le préfet n'a commis ni une erreur de droit ni une erreur manifeste d'appréciation en refusant à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Indre n'a commis aucune erreur de fait en estimant que l'intéressée ne justifie ni d'une activité professionnelle ou formation entre 2012 et 2017, ni de perspectives d'intégration en France, ni d'un projet professionnel.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Aux termes du dernier alinéa de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. En se bornant à faire valoir qu'elle a demandé l'asile politique en France, la requérante, dont les demandes ont d'ailleurs été rejetées par l'OFPRA et la CNDA respectivement les 29 novembre 2013 et 3 février 2015 puis, à l'occasion d'une demande de réexamen, les 26 mai 2015 et 31 mars 2016, n'établit pas qu'elle est exposée à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions précitées ne peut donc qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. C... D..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
La présidente
Evelyne Balzamo
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03478