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30/03/2021 | FRANCE | N°20BX02458

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 20BX02458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1904488, 1904489 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, Mme E...,

épouse A..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1904488, 1904489 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, Mme E..., épouse A..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement a omis de statuer sur plusieurs moyens en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- la compétence du signataire n'est pas établie ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation qui révèle également un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en tout état de cause, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

- elle est privée de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme E..., épouse A..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. G... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., épouse A..., ressortissante albanaise, née le 7 février 1988, est entrée en France le 11 mai 2017 accompagnée de son époux et de leurs trois enfants. Sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, le 3 juillet 2018. Par arrêté du 17 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision rendue par une juridiction administrative contient notamment l'analyse des conclusions et mémoires des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier que dans sa requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 2 août 2019, Mme A... a notamment invoqué les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige et la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Or, il est constant que le jugement n'a pas répondu à ces moyens et doit par suite être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

5. Par un arrêté n° 31-2019-05-27-002 du 27 mai 2019, publié le 28 mai 2019 au recueil n° 31-2019-148 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a donné délégation à Mme F... D..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer notamment les arrêtés établis dans le champ de compétence de sa direction, dont font partie " les décisions de refus de séjour à quelque titre que ce soit " et " les décisions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. En premier lieu, si Mme A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire ne serait pas suffisamment motivée et qu'elle serait également entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation par le préfet, ces moyens manquent en fait et doivent par conséquent être écartés.

7. En second lieu, Mme A... fait valoir qu'elle est bien intégrée en France avec son époux et leurs trois enfants âgés de 12, 8 et 6 ans à la date de la décision attaquée, que ces derniers sont scolarisés et qu'ainsi la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, alors que l'intéressée et sa famille ne sont présents sur le territoire français que depuis deux ans et deux mois à la date de la décision en litige, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en Albanie, pays d'origine de la requérante, de son époux et de leurs enfants et où l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Par ailleurs, si Mme A... se prévaut de l'état de santé de son mari, dont la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Or, les documents produits par la requérante ne permettent pas d'établir que son époux ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ni que le défaut de prise en charge médicale aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doit aussi être écarté.

8. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

9. Mme A... fait valoir que ses trois enfants mineurs sont scolarisés en France. Toutefois, elle ne démontre pas que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par ailleurs, M. et Mme A... faisant tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement, et compte tenu de la possibilité pour la famille, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, de s'installer dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 17 juillet 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État au titre des frais liés à la présente instance dès lors qu'il n'est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A..., devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. G... C..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX02458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02458
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SARASQUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;20bx02458 ?
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