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30/03/2021 | FRANCE | N°19BX03784

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 19BX03784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1701177, Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par une requête n° 1701739, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et la res

titution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 4 506 euros.

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1701177, Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

Par une requête n° 1701739, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 4 506 euros.

Par une requête n° 1803040, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 et le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 180 euros au titre de la même période.

Par un jugement n° 1701177, 1701739, 1803040 du 30 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2019, Mme A..., représentée par le cabinet d'avocats Melot et Buchet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 juillet 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015 et au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 et des intérêts de retard et majorations prévus par les articles 1727, 1728 et 1732 du code général des impôts ;

3°) d'ordonner le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ;

4°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- pour ce qui concerne les prestations de conseil taxées, la société Satina International est intervenue en qualité d'intermédiaire opaque ; cette société est propriétaire de la clientèle avec laquelle elle a été mise en relation ; elle n'a aucun lien contractuel avec les clients de la société Satina International et ne dispose pas de leur identité ; l'ensemble des conditions de fourniture des services et de paiement sont fixées par la société Satina International ; la rémunération des prestations rendues à la société Satina International, qui varie en fonction du temps de consultations téléphoniques et du nombre de consultations écrites, est déconnectée du prix que cette dernière facture aux clients finaux ; la taxe sur la valeur ajoutée est réglée selon les modalités fixées par la société Satina International ;

- dans le cadre de prestations de services électroniques, dès lors que l'intermédiaire autorise la facturation au preneur (l'assujetti peut influencer la survenue du paiement, le moment du paiement ou ses conditions préalables), ou autorise la fourniture des services (en influençant par exemple les conditions de la fourniture de service), ou fixe les conditions générales (autrement dit toutes les conditions générales fixées par un assujetti participant à la fourniture et qu'un consommateur final doit accepter avant d'acheter le service), il est obligatoirement considéré comme un intermédiaire opaque ; cette présomption applicable en matière de services électroniques signifie que pour chaque opération dans une chaîne d'approvisionnement entre un fournisseur de services électroniques et le consommateur final, chaque intermédiaire est réputé avoir reçu et fourni personnellement le service ;

- selon la doctrine référencées " BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40 " n° 50 et suivants, les intermédiaires agissant pour le compte d'autrui, en leur nom propre, à savoir les intermédiaires " opaques ", sont regardés comme ayant personnellement reçu ou fourni les services lorsqu'ils s'entremettent dans des prestations de services ;

- le lieu des prestations fournies au titre de l'exécution du contrat de conseiller conclu avec SATINA INTERNATIONAL est situé en Suisse, lieu d'établissement du preneur de la prestation ; la taxe sur la valeur ajoutée française n'y était donc pas applicable.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les impositions contestées n'ont été assortie d'aucune majoration ;

- il résulte de l'article R. 200-2 alinéa 2 du Livre des procédures fiscales que le demandeur ne peut contester, devant le juge administratif, des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation préalable à l'administration ; de même, l'appelante ne peut solliciter devant la Cour des décharges d'imposition et des remboursements de crédit de taxe supérieurs à ceux demandés devant le tribunal administratif ; compte tenu de l'étendue des réclamations de Mme A... et des demandes présentées en première instance, Mme A... n'est recevable qu'à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes courants du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 et à solliciter le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée demandé au titre de l'année 2015 et de l'année 2017 ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... exerce l'activité de prestation de voyance à titre indépendant sous l'enseigne " Mediane ". A la suite d'une procédure de vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 étendue au 31 décembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a, par proposition de rectification du 15 juillet 2015, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de voyance facturées à la société suisse Satina International, a, en conséquence, réclamé à la contribuable des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les périodes contrôlées et a remis en cause le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée sollicité. Parallèlement, à la suite d'un contrôle sur pièces, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur les mêmes motifs ont été réclamés à Mme A... au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 par proposition de rectification du 15 juin 2016 et le crédit de taxe sur la valeur ajoutée déclaré au titre de l'année 2015 a été annulé. Enfin, par un courrier du 23 janvier 2018, l'administration fiscale a rejeté la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par Mme A... au titre de l'année 2017 au motif que les prestations de voyance facturées à la société suisse Satina International avaient été exonérées à tort de la taxe sur la valeur ajoutée. Par trois requêtes distinctes, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 4 506 euros et enfin de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 et le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 180 euros au titre de la même période. Elle relève appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ces trois demandes.

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) V. - L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. ". Aux termes de l'article 259 B du même code : " Par dérogation à l'article 259, le lieu des prestations de services suivantes est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elles sont fournies à une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre de la Communauté européenne : (...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; 5° Traitement de données et fournitures d'information ; 10° Prestations de télécommunications. 12° Services fournis par voie électronique fixés par décret. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Il résulte de l'instruction que sur toutes les périodes considérées Mme A... a fourni des prestations de voyances à des personnes physiques avec lesquelles elle a été mise en relation à partir d'un serveur téléphonique et d'une plateforme informatique mises en place par la SARL Satina International, société établie en Suisse. Cette dernière facturait du temps de communication ou des prestations ponctuelles aux utilisateurs de la plateforme et reversait à Mme A... le gain de ses activités selon une tarification à la minute du temps de consultations téléphoniques ou au nombre de consultations écrites. Mme A..., pour la récupération de ses gains, a émis des factures à l'attention de la SARL Satina International en exonération de taxe sur la valeur ajoutée d'abord sur le fondement du 1) de l'article 259 du code général des impôts puis, à compter du 1er janvier 2013 sur le fondement de l'article 259 B du même code. L'administration a remis en cause ce régime en retenant, d'une part, que les prestations n'étaient pas rendues à la SARL Satina International et ne relevaient donc pas des dispositions du 1) de l'article 259 du code général des impôts et, d'autre part, qu'elles n'entraient pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts.

5. Mme A... fait valoir en appel que la SARL Satina International doit être regardée, en sa qualité d'intermédiaire opaque, comme le preneur des prestations rendues.

6. En premier lieu, selon l'article 7 du règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 définit les services électroniques : " 1. Les " services fournis par voie électronique " visés par la directive 2006/112/CE comprennent les services fournis sur l'internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d'une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l'absence de technologie de l'information. (...) ". Les prestations de voyance rendues par Mme A... ne répondant pas à cette définition, elle n'est pas fondée à soutenir que la société Satina International doit être considérée comme un intermédiaire opaque dans le cadre de prestations de services électroniques.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la " convention de consultation " liant Mme A... et la société Satina International prévoit que la redevable exerce son activité en son nom propre et pour son propre compte sur les sites internet du mandant et exclut tout lien de subordination et de préposition. Aux termes de l'article 5 de cette convention, Mme A... propose ses services, au moyen de consultations par téléphone ou par écrit, à la clientèle des sites de la société Satina International selon les moyens de consultation et à des horaires qu'elle détermine seule et cette société fournit un droit d'accès et d'utilisation à certains outils de ses sites internet et notamment une fiche de professionnel accessible sur ses sites internet et faisant état des compétences et expériences de Mme A.... La lettre accompagnant ce contrat précise à son point 7 que la SARL Satina International est une plateforme intermédiaire mettant à dispositions des conseillers pour les utilisateurs, qu'elle est " uniquement un fournisseur d'accès et ne prend pas part contractuellement à la fourniture des prestations " et que " les transactions se forment directement entre le conseiller et l'utilisateur ". Alors que la SARL Satina International maîtrise les conditions matérielles de fournitures et de paiement des services et qu'elle interdit à Mme A... de s'approprier la clientèle à laquelle elle a pu avoir accès par l'intermédiaire de ses sites internet, il résulte de ces éléments que les prestations de service de Mme A... sont directement rendues à des personnes non-assujetties, qu'elle perçoit une rémunération sur chaque minute de consultation téléphonique ou chaque consultation écrite réalisée et que la société Satina International, qui n'intervient qu'en qualité d'opérateur de plateforme en ligne, rémunère la prestation qu'elle rend à Mme A... en prélevant une part du prix final réglé par les utilisateurs des sites internet. En conséquence, la SARL Satina International n'effectue pas une opération d'entremise entre elle-même et le client final et ne peut être regardée comme un intermédiaire opaque et, par extension, comme le client final de Mme A.... Par suite, l'activité de Mme A... constituait une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... ne peut utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales , les paragraphes n° 50 et suivants des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des Finances publiques sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40 , qui viennent préciser le régime applicable aux opérations des intermédiaires agissant pour le compte d'autrui, en leur nom propre, à savoir les intermédiaires " opaques ".

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera transmise à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. C... B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03784
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET MELOT et BUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;19bx03784 ?
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