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30/03/2021 | FRANCE | N°19BX01278

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 19BX01278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Olympe Energie a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de l'Ariège a rejeté sa demande d'autorisation afin de disposer de l'énergie du cours d'eau du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat.

Par un jugement n° 1604189 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016 et a accordé à la SARL Olympe Energie l'autoris

ation de disposer de l'énergie du Fontronne pour la mise en service d'une usine hy...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Olympe Energie a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de l'Ariège a rejeté sa demande d'autorisation afin de disposer de l'énergie du cours d'eau du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat.

Par un jugement n° 1604189 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016 et a accordé à la SARL Olympe Energie l'autorisation de disposer de l'énergie du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat et a renvoyé cette société devant les services de l'Etat pour la fixation des conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés le 1er avril 2019, le 9 septembre 2020 et le 11 février 2021, le ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la SARL Olympe Energie.

Il soutient que :

- la minute n'a pas été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- en délivrant l'autorisation environnementale sollicitée sur le fondement de l'article L. 183-1 du code de l'environnement sans statuer sur l'autorisation liée que constitue la dérogation espèces protégées au titre de l'article L. 411-2, le tribunal a entaché son jugement d'une première erreur de droit ; il appartenait aux premiers juges de rechercher l'existence d'un intérêt public majeur et dans l'affirmative, de s'assurer que les autres conditions prévues étaient satisfaites ; le tribunal a commis une erreur de droit en se bornant à constater l'existence de mesures de réduction sans rechercher l'existence d'un intérêt public majeur ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si la société requérante devait bénéficier d'une dérogation au titre de la protection des espèces protégées ; la présence du Desman des Pyrénées et de la loutre d'Europe dans le cours d'eau concerné n'est pas contestée ; les rapports et études menées concluent que les travaux et les installations prévues auront un impact sur les espèces protégées ; en l'absence de dérogation, le préfet était tenu de rejeter la demande ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits en estimant que le projet pouvait être autorisé sans la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; les dernières études démontrent que le projet d'usine aura des impacts non négligeables sur le Desman des Pyrénées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 août et 6 octobre 2020 et le 27 janvier 2021, la SARL Olympe Energie, représentée par Me C..., conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et demande, à titre infiniment subsidiaire, que la cour sursoie à statuer afin de lui permettre de régulariser l'autorisation délivrée en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Elle soutient que :

- compte tenu de l'intervention de l'arrêté du 24 décembre 2019, il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du ministre ;

- la requête n'est pas assortie des moyens permettent d'apprécier son bien-fondé et méconnait les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens ne sont pas fondés en l'absence.

Par courrier du 23 février 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, en vue de permettre la régularisation du vice tiré de l'absence de la dérogation prévue par les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant de la SARL Olympe Energie.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Ariège a, par arrêté du 1er aout 2011, refusé de délivrer à la SARL Olympe Energie l'autorisation de disposer de l'énergie du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat (Ariège). Par un jugement n° 1104461 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de l'Ariège de solliciter, dans un délai d'un mois, du président du tribunal la désignation d'un commissaire enquêteur aux fins de soumettre le projet à enquête publique. Par un arrêt n° 15BX00459, 15BX00466 du 3 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté le recours par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a interjeté appel de ce jugement. Au terme d'une enquête publique, qui s'est déroulée du 16 novembre 2015 au 18 décembre 2015, le préfet, par un arrêté du 28 juillet 2016, a, de nouveau, rejeté la demande d'autorisation de la société Olympe Energie. Le ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016, a accordé à la SARL Olympe Energie l'autorisation de disposer de l'énergie du cours d'eau du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat et a renvoyé cette société devant les services de l'Etat pour la fixation des conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Il ressort des termes de l'arrêté du 24 décembre 2019 portant autorisation de disposer de la force motrice du Fontronne que le préfet de l'Ariège prend acte de ce que, par le jugement critiqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé cette autorisation, et se borne, en exécution de l'article 3 de ce même jugement, à fixer les conditions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Par suite, la SARL Olympe Energie n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions par lesquelles le ministre de la transition écologique demande l'annulation du jugement du 22 janvier 2019.

Sur la recevabilité :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Dans sa requête sommaire, le ministre de la transition écologique a présenté des conclusions, invoqué l'irrégularité du jugement et a fait valoir que les premiers juges avaient estimé à tort que l'arrêté du 28 juillet 2016 était entaché d'erreur d'appréciation en se fondant sur la présence du Desman des Pyrénées et de la loutre d'Europe sur le site du projet et la nécessité d'obtenir une dérogation au titre de la protection des espèces. Une telle motivation est suffisante au regard des dispositions précitées du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir invoquée, tirée de la tardiveté de la régularisation de la requête sommaire par un mémoire ampliatif, doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au ministre de la transition écologique ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2016 :

7. Il appartient au juge de plein contentieux des installations soumises à la législation sur l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

8. En premier lieu, le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport sur les opérations d'expertise menées le 2 février 2016 par deux membres de l'association des naturalistes de l'Ariège (ANA) accompagnés d'un agent de l'ONEMA et du rapport de septembre 2016 sur les résultats des analyses génétiques des prélèvements réalisés à cette date, de la note établie en juin 2016 pour la compagnie des experts et sapiteurs par Didier Marty, docteur en hydrobiologie et produite par la SARL Olympe Energie et de l'étude réalisée par le bureau ECO-MED en juillet 2020 à la demande de la Direction départementale des territoires de l'Ariège que, d'une part, la présence du Desman des Pyrénées (Galemis pyrenaicus), et de la loutre d'Europe (Lutra lutra) est avérée sur le site du projet et, d'autre part, que la réalisation des ouvrages et les ouvrages eux-mêmes vont entrainer la destruction définitive d'habitats de chasse, de repos et de reproduction du Desman des Pyrénées, une dégradation de la ressource alimentaire de cette espèce et la mort de plusieurs spécimens en gîte sur le site des travaux. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la réalisation du projet pour lequel une autorisation au titre de la loi sur l'eau était sollicitée par la SARL Olympe Energie nécessitait qu'elle sollicite la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

11. En second lieu, d'une part, le premier alinéa du I de l'article L. 214-3 du code de l'environnement soumet à autorisation " les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles ". Aux termes du deuxième alinéa du I du même article, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris : " Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement ". Aux termes du même second alinéa du I du même article, dans sa rédaction applicable à la date du présent arrêt : " Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre ".

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, créé par l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3, y compris les prélèvements d'eau pour l'irrigation en faveur d'un organisme unique en application du 6° du II de l'article L. 211-3 (...) ". En vertu du I de l'article L. 181-2 du même code, créé par la même ordonnance, " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 (...) ".

13. Enfin, en vertu des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II (...), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (...) ".

14. Il résulte des termes des dispositions précitées de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 que seules les autorisations délivrées en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, antérieurement au 1er mars 2017, sont considérées, à compter du 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales et non les décisions de refus telles les décisions en litige.

15. Dès lors qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement qu'elles organisaient, avant l'intervention de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, un régime juridique spécifique en vue de la protection du patrimoine naturel, toute dérogation aux interdictions édictées par l'article L. 411-1 devait faire l'objet d'une autorisation particulière, délivrée par le préfet ou, dans certains cas, par le ministre chargé de la protection de la nature. Le titulaire de l'autorisation délivrée sur le fondement distinct de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, au titre de la législation sur l'eau, était également tenu d'obtenir, en tant que de besoin, une telle dérogation au titre de la législation sur la protection du patrimoine naturel. Si l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement avait connaissance, notamment au vu de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation qui doit en principe faire apparaitre l'existence d'espèces protégées dans la zone concernée, des risques éventuels auxquels étaient exposées certaines espèces protégées, et pouvait alors alerter le pétitionnaire sur la nécessité de se conformer à la législation sur la protection du patrimoine naturel, en revanche, elle ne pouvait légalement subordonner la délivrance de l'autorisation sollicitée au titre de la police de l'eau au respect de cette législation sur la protection du patrimoine naturel. Par suite, le préfet de l'Ariège ne pouvait légalement opposer à la société pétitionnaire qu'elle n'avait pas sollicité la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour rejeter sa demande d'autorisation présentée au titre de la loi sur l'eau.

16. En troisième lieu, le ministre ne conteste pas le second motif retenu par les premiers juges tiré de ce qu'en retenant que le projet emportera une perturbation significative de l'hydrologie ainsi que des zones d'habitat et de reproduction des espèces inféodées au milieu, provoquant ainsi la détérioration de l'état des masses d'eau impactées en violation de l'article R. 212-13 du code de l'environnement, le préfet de l'Ariège a méconnu l'autorité de la chose jugée par la Cour dans son arrêt n° 15BX00459, 15BX00466 du 3 novembre 2015, devenu irrévocable.

17. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2016 par lequel le préfet de l'Ariège a rejeté la demande d'autorisation afin de disposer de l'énergie du cours d'eau du Fontronne pour la mise en service d'une usine hydro-électrique sur le territoire de la commune d'Axiat.

En ce qui concerne l'autorisation environnementale délivrée par le tribunal :

18. Aux termes de l'article L. 214-10 du code de l'environnement : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues aux articles L. 181-17 à L. 181-18 ". Aux termes de l'article L. 181-17 du code de l'environnement : " Les décisions prises sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. ".

19. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 214-10 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation visée à l'article L. 214-3 de ce code en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

20. Il résulte des dispositions citées aux points 12 et 13 que l'autorisation délivrée par le jugement critiqué, lequel est intervenu postérieurement au 1er mars 2017, est une autorisation environnementale au sens des dispositions précitées du second alinéa du I de l'article L. 214-3 du code de l'environnement dans sa version issue de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée, laquelle tient lieu des diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés au I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, au nombre desquelles figure la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

21. Par conséquent, pour les motifs retenus au point 10, le ministre de la transition écologique est fondé à soutenir que la réalisation du projet de la SARL Olympe Energie nécessite qu'elle demande la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement et que l'autorisation délivrée par le tribunal administratif est en conséquence irrégulière dans cette mesure.

Sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

22. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

23. Le vice résultant de l'absence de la demande de dérogation en application du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement en ce qui concerne les espèces protégées susceptibles d'être impactées par le projet, relevé au point 10 du présent arrêt, est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative.

24. D'une part, cette éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu par suite de surseoir à statuer sur le recours du ministre jusqu'à l'expiration de ce délai afin de permettre cette régularisation. D'autre part, eu égard aux éléments produits par l'Etat faisant état de considérations d'ordre économique et social et de l'absence de motif d'intérêt général pouvant justifier l'exécution des travaux autorisés par le jugement du 22 janvier 2019 et au regard de la portée du vice tiré de l'absence de la demande de dérogation prévue par le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il y a lieu conformément aux dispositions du II de l'article L. 181-18 précité, de suspendre l'exécution de l'autorisation délivrée par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2019 telle que complétée par l'arrêté du 24 décembre 2019 du préfet de l'Ariège en tant qu'elle autorise les travaux au titre de la police de l'eau, jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur le recours présenté par le ministre de la transition écologique jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SARL Olympe Energie ou à l'Etat, pour notifier à la cour une autorisation environnementale modificative comprenant une dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Article 2 : L'exécution de l'autorisation environnementale délivrée par le jugement n° 1604189 du 22 janvier 2019 complétée par l'arrêté du 24 décembre 2019 est suspendue jusqu'à l'édiction de l'autorisation environnementale modificative prévue à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Olympe Energie et au ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. B... A..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01278
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-02-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET LARROUY-CASTERA ET CADIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;19bx01278 ?
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