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11/03/2021 | FRANCE | N°19BX03803

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 11 mars 2021, 19BX03803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Terre et Création a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2014 à l'occasion de la cession d'un terrain.

Par un jugement n° 1705052 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à l'EURL Terre et Création la décharge sollicitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoi

re, enregistrés les 2 octobre 2019 et 3 décembre 2021 le ministre de l'action et des comptes publics de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Terre et Création a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2014 à l'occasion de la cession d'un terrain.

Par un jugement n° 1705052 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à l'EURL Terre et Création la décharge sollicitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 octobre 2019 et 3 décembre 2021 le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande de décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par les dispositions de l'article 268 du code général des impôts ne trouvait pas à s'appliquer en l'occurrence ;

- en effet ce régime, issu de l'article 392 de la directive européenne sur la taxe sur la valeur ajoutée, ne concerne que les livraisons de terrains à bâtir qui ont eu pour origine l'achat de terrains à bâtir alors qu'en l'espèce l'opération a porté sur un ensemble constitué d'une maison d'habitation et de son terrain d'assiette et qui a fait l'objet ensuite d'une division parcellaire, ce qui a entraîné un changement de qualification juridique, de sorte qu'il n'existait plus d'identité entre le bien acquis et le bien revendu ;

- par ailleurs, le moyen soulevé en première instance et relatif à l'irrégularité de la procédure en raison de ce que le complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux procède d'un contrôle sur pièces et non d'une vérification de comptabilité devra être écarté, l'administration n'ayant consulté aucun document comptable ;

- de même, doit être écarté le moyen soulevé devant les premiers juges tiré de l'existence d'une rupture d'égalité entre les contribuables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, l'EURL Terre et Création, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire a été présenté le 4 février 2021 pour l'EURL Terre et création.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Bourgeois, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'EURL Terre et Création.

Une note en délibéré présentée par Me A... a été enregistrée le 11 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Terre et Création a pour objet l'aménagement de lotissements et la réalisation d'aménagements fonciers. À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 14 octobre 2016, qu'elle envisageait, notamment, de mettre à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, lié à la cession de lots de terrains à bâtir.

2. L'EURL Terre et Création a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui trouve son origine dans la remise en cause de l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à l'opération précitée. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de cette société.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

4. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectué ".

5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.

6. Il résulte de l'instruction que l'intimée a acquis, en 2013, un bien immobilier situé à Muret (Haute-Garonne) constitué d'une maison d'habitation avec garage non attenant et terrain, figurant au cadastre sous les références BW n° 18, pour 2 023 m² et BW n° 20 pour 879 m². Ces parcelles ont ensuite fait l'objet d'une division, le terrain BW n° 18 étant partagé en deux nouvelles parcelles BW n° 145 et BW n° 146 et le terrain BW n° 20 étant divisé en deux nouvelles parcelles BW n° 147 et BW n° 148, celles constituant le terrain d'assiette de la maison d'habitation étant les parcelles BW n° 145 et BW n° 147, les deux autres étant des terrains non bâtis. L'EURL Terre et création a cédé, le 31 janvier 2014, ces deux derniers terrains.

7. Il suit de ce qui vient d'être exposé que les terrains à bâtir vendus par la société intimée proviennent de terrains sur lesquels était édifiée une maison à usage d'habitation et dont la division parcellaire postérieure à leur acquisition par la société a créé des lots comprenant les terrains à bâtir ici en cause. Dès lors et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ces cessions ne peuvent ouvrir droit à l'application du régime de taxation sur la marge.

8. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions présentées par l'EURL devant le tribunal administratif de Toulouse

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances ". Lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable, en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires ou en se procurant des éléments auprès de tiers au titre de son droit de communication, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité. En revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l'exactitude.

10. Si l'EURL Terre et Création soutient que la procédure à l'issue de laquelle lui a été réclamé le complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux est irrégulière, en ce qu'elle n'a pas bénéficié de l'ensemble des garanties offertes aux contribuables qui font l'objet d'une vérification de comptabilité, il résulte de l'instruction que ce complément a été établi à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration s'étant bornée, sans critique de la comptabilité et des pièces justificatives afférentes à celle-ci, à remettre en cause l'application du régime de la taxation sur la marge institué par les dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts au vu de seuls actes d'achat et de vente des terrains concernés.

Sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, les terrains à bâtir vendus par l'EURL Terre et Création proviennent de terrains sur lesquels était édifiée une maison à usage d'habitation et dont la division parcellaire postérieure à leur acquisition par la société a créé des lots comprenant les terrains à bâtir ici en cause, ce qui fait obstacle à l'application du régime de la marge revendiqué.

12. Par ailleurs et à supposer même que l'EURL Terre et Création ait entendu se prévaloir de la garantie offerte aux contribuables par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle Vogel à laquelle elle se réfère, du reste postérieure à la période d'imposition en litige, ne donne pas des dispositions législatives applicables à une interprétation différente de celle dont il a été fait application au point 7 du présent arrêt.

13. Enfin, la seule circonstance que l'administration n'a pas interjeté appel d'un jugement d'un tribunal administratif qui a accordé la décharge à un contribuable en confirmant le bien-fondé de l'application par ce dernier du régime de la taxation sur la marge est strictement sans aucune incidence sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée ici contesté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse aux questions préjudicielles posées à la Cour de justice de l'Union européenne par le Conseil d'État dans l'instance n° 416727, le sort du présent litige n'étant pas conditionné par cette réponse, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit à la demande de l'EURL Terre et Création. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de cette EURL les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la vente concernée ainsi que les pénalités correspondantes.

15. Il suit de ce qui vient d'être exposé que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État verse à l'EURL Terre et Création la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La taxe sur la valeur ajoutée réclamée à l'EURL Terre et Création au titre de l'année 2014 est remise à la charge de cette dernière, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 3 : Les conclusions de l'EURL Terre et Création relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'EURL Terre et Création. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme B... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021.

Le président-rapporteur

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX03803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03803
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. BOURGEOIS
Avocat(s) : RIBES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-11;19bx03803 ?
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