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09/03/2021 | FRANCE | N°19BX00305

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 mars 2021, 19BX00305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement rejeté leur demande tendant à la mise en oeuvre à l'égard de l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer des pouvoirs qu'il tient des articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006.

Par un jugement n° 1702033 du 22 novembre 2018, le tribunal a annulé la décision implicite de rejet en litige et a prescrit au préfet de mettre en demeure l'as

sociation syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer de faire réaliser les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Gironde a implicitement rejeté leur demande tendant à la mise en oeuvre à l'égard de l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer des pouvoirs qu'il tient des articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006.

Par un jugement n° 1702033 du 22 novembre 2018, le tribunal a annulé la décision implicite de rejet en litige et a prescrit au préfet de mettre en demeure l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer de faire réaliser les travaux d'entretien du perré situé en limite de la propriété des époux E....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés le 22 janvier, le 20 mai 2019 et le 5 janvier 2021, l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1702033 du 22 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et Mme E... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme E... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, est entaché de méconnaissance du principe du contradictoire et est entaché d'insuffisance de motivation, de contradiction de motifs et de dénaturation ;

- la demande des époux E... aurait dû être rejetée comme devenue sans objet, les travaux litigieux ayant été réalisés avant l'intervention du jugement ;

- ses statuts prévoient que les travaux d'entretien et de réparation des ouvrages de protection contre la mer sont à la charge de ses membres, conformément aux dispositions de l'article 29 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ;

- en annulant la décision implicite de rejet en litige, le tribunal a permis aux époux E... d'échapper à leurs obligations ;

- de plus, en vertu de l'article 30 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, le préfet peut, après une mise en demeure restée sans effet, faire procéder d'office aux travaux quand la carence de l'association nuit gravement à l'intérêt public ;

- elle n'est pas restée inactive dès lors qu'elle a tenté de faire réaliser les travaux mais s'est heurtée au refus des époux E... de laisser l'entreprise chargée des travaux pénétrer leur propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association appelante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... A...,

- les conclusions de Mme K..., rapporteure publique,

- et les observations de Me J... représentant l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer, et de Me D... représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Propriétaires d'un immeuble situé 128 boulevard de l'Océan à Pyla-sur-Mer, sur le territoire de la commune de la Teste-de-Buch, M. et Mme E... sont à ce titre membres de l'association syndicale autorisée (ASA) des riverains de Pyla-sur-Mer. Cette association, créée en 1926, est composée des propriétaires de terrains situés en front de mer, à l'intérieur d'un périmètre défini par ses statuts, et a pour mission d'assurer la défense de ces terrains contre la mer. A plusieurs reprises, l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer a demandé à M. et Mme E... de faire procéder à des travaux de consolidation du perré situé au droit de leur propriété. M. et Mme E... se sont opposés à ces demandes au motif que les travaux en cause incombaient à l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer compte tenu de son objet statutaire. Ils ont demandé au préfet de la Gironde, par un courrier reçu le 19 janvier 2017, de mettre en oeuvre à l'encontre de l'association les pouvoirs qu'il détient en application des articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006 relatif aux associations syndicales autorisées. M. et Mme E... ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté leur demande. Par un jugement rendu le 22 novembre 2018, dont l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer relève appel, le tribunal a annulé la décision implicite de rejet en litige et a prescrit au préfet de mettre en demeure l'association de réaliser les travaux d'entretien du perré situé en limite de la propriété des époux E....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la circonstance que les époux E... ont réalisé en début d'année 2018 les travaux de renforcement du perré longeant leur propriété ne prive pas d'objet le litige qui porte sur la légalité de la décision du préfet refusant de mettre en demeure l'ASA de réaliser ces travaux en application du décret du 3 mai 2006. Par suite, l'association n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû, dans son jugement du 22 novembre 2018, prononcer un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de la décision en litige.

3. En second lieu, l'association appelante soutient que le jugement du tribunal est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, qu'il est entaché d'une méconnaissance du principe du contradictoire et d'une insuffisance de motivation, sans aucunement assortir ces moyens des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, ces moyens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision implicite de rejet en litige :

4. En vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004, une association syndicale de propriétaires peut être constituée en vue de mettre en oeuvre des actions de prévention des risques naturels. Selon l'article 29 de l'ordonnance, les statuts d'une association syndicale autorisée peuvent prévoir que l'entretien de certains ouvrages peut être attribué à un ou plusieurs membres de l'association.

5. Aux termes de l'article 5 des statuts de l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer, dans sa version approuvée le 22 juillet 2009 et applicable au 19 mars 2017, date de la décision implicite de rejet en litige : " Objet de l'association syndicale. L'association syndicale a pour but et missions : 1) d'assurer l'exécution et l'entretien des travaux de protection et de défense contre la mer (...) ". Ni ces dispositions ni aucun autre article de ces statuts, en particulier l'article 22 relatif aux " bases de répartition des dépenses ", n'imposent aux propriétaires membres de l'ASA de prendre en charge directement les travaux d'entretien ou de reconstruction des perrés riverains de leurs propriétés comme le permettent, sans toutefois l'imposer, les dispositions précitées de l'article 29 de l'ordonnance du 1er juillet 2004. Par suite, les travaux de réfection du perré qui longe la propriété de M. et Mme E... n'incombent pas à ces derniers, mais à l'association syndicale, en sa qualité de maître de l'ouvrage.

6. Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 : " L'autorité administrative peut, après mise en demeure de l'association syndicale autorisée restée sans effet (...) : 1° Faire procéder d'office, aux frais de l'association, à l'accomplissement des opérations correspondant à son objet, dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public (...) ".

7. Aux termes de l'article 46 du décret du 3 mai 2006 : " (...) Le préfet peut mettre en demeure le syndicat de procéder à la réfection des ouvrages lorsque celle-ci est commandée par un intérêt public, dans les conditions prévues aux articles 49 et 50. ". Aux termes de l'article 49 du même décret : " Dans le cas où une association syndicale autorisée (...) laisse sans entretien les travaux entrepris par elle, le préfet fait procéder (...) à une vérification de l'état des lieux. S'il ressort de cette vérification que l'interruption ou le défaut d'entretien peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet indique au syndicat les travaux jugés nécessaires pour pallier ces conséquences et le met en demeure de les exécuter. (...) Faute par le syndicat de se conformer à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office aux frais de l'association et désigne, pour la diriger et la surveiller, un agent chargé de suppléer le président du syndicat (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut d'entretien d'un ouvrage de protection contre un risque naturel peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet a le pouvoir de mettre en demeure l'association syndicale autorisée de faire procéder à la réfection de cet ouvrage. Si l'association ne se conforme pas à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office, aux frais de cette dernière, des travaux nécessaires.

9. Le perré situé au droit de la propriété des époux E... est un ouvrage de protection des terres contre l'action de la mer. Il permet non seulement d'assurer la protection des propriétés situées en première ligne du front de mer mais contribue également à la préservation du trait de côte. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges par des motifs qui ne sont pas contestés, la dégradation importante du perré, notamment décrite avec précision dans le courrier du 26 janvier 2012 que les époux E... ont reçu de leur assureur, crée un risque de submersion de la propriété de ces derniers et des propriétés voisines. Dans ces circonstances, l'inexécution des travaux de confortement du perré peut nuire gravement à la sécurité des personnes et des biens et, partant, à un intérêt public. Il appartenait en conséquence au préfet de mettre en demeure l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer de faire exécuter les travaux nécessaires à la prévention du risque naturel existant. Dès lors, l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de rejet en litige.

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a prescrit au préfet d'adresser à l'ASA de Pyla-sur-Mer la mise en demeure de faire réaliser les travaux de confortement du perré :

10. Il résulte des éléments produits en appel que les travaux de remise en état du perré au droit de la propriété des époux E... ont été réalisés par ces derniers en janvier 2018. Par suite, l'injonction sollicitée par les époux E... n'a plus d'objet. Dès lors, l'association syndicale est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à ces conclusions.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'ASA des riverains de Pyla-sur-Mer la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées sur ce même fondement par l'ASA, partie perdante à l'instance, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1702033 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à ce qu'une injonction soit adressée à l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19BX00305 est rejeté.

Article 4 : L'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer versera à M. et Mme E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée des riverains de Pyla-sur-Mer, à M. et Mme C... et Tania E... et au ministre de cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme I... B..., présidente,

M. G... A..., président-assesseur,

Mme F... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX00305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00305
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Associations syndicales - Questions communes - Ressources.

Associations syndicales - Questions communes - Fonctionnement.

Associations syndicales - Questions propres aux différentes catégories d'associations syndicales - Associations syndicales de défense contre la mer.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-09;19bx00305 ?
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