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08/03/2021 | FRANCE | N°20BX01542

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 08 mars 2021, 20BX01542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel la préfète de l'Ariège lui a fait obligation de quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1906631 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête enregistrée le 6 mai 2020, M. I..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel la préfète de l'Ariège lui a fait obligation de quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1906631 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2020, M. I..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevés à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle : la préfète s'est estimée liée par la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son comportement ne constituant pas une menace pour l'ordre public susceptible de fonder une mesure d'éloignement dès lors qu'il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation pénale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

Sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle : la préfète s'est estimée à tort en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2020, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour l'appelant de produire le courrier de notification du jugement attaqué et de justifier d'une prolongation du délai d'appel par une demande d'aide juridictionnelle ;

- elle est manifestement dépourvue de fondement ;

- les moyens soulevés par M. I... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2021 à 12 heures.

Par une décision du 28 mai 2020, M. I... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant géorgien né le 21 juillet 1978 à Zugdidi (Géorgie), déclare être entré en France une première fois en 2014 puis à nouveau le 7 mai 2019 accompagné de son épouse. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 août 2019. Par jugement du tribunal correctionnel de Foix du 30 juillet 2019, il a été condamné à un an d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un vol et vols aggravés par trois circonstances et remis en liberté le 30 avril 2020. Par arrêté du 6 novembre 2019, dont il demande l'annulation, la préfète de l'Ariège l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il a demandé l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1906631 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. M. I... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, si M I... soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce moyen, qui n'était pas soulevé dans la requête introductive d'instance, ait été soulevé au cours de l'audience du 4 mars 2020. D'autre part, le tribunal, qui n'y était pas tenu dès lors qu'il était inopérant, a répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de ce qui précède que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. M. I... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée, a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu et de ce que la préfète a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Toulouse.

4. La décision en litige comporte les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. I.... Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que la préfète se soit estimée liée par la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 août 2019. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète s'est abstenue de procéder à un examen de sa situation personnelle et s'est estimée liée par la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur sa demande d'asile.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. I... est entré récemment en France et ne se prévaut d'aucune attache personnelle autre que son épouse qui fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Si M. I... soutient qu'il a des problèmes de santé, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. M. I... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Toulouse.

8. Si M. I... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, dès lors qu'il n'a pas été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de refus de délai de départ volontaire, d'une part, ce droit n'a pas été méconnu dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, il n'a présenté aucune observation postérieurement et ne se prévaut d'aucun élément probant qui aurait pu influer sur le contenu de la décision et qu'il aurait été privé de faire valoir. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la décision en litige que la préfète se soit abstenue de procéder à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé et se soit estimée à tort en situation de compétence liée. Dès lors le moyen doit être écarté.

10. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie personnelle est dépourvu de précision et ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. La décision en litige vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. I... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée.

12. M. I... se borne à soutenir qu'il craint d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Géorgie sans verser à l'instance aucun élément probant et alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée à deux reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions du 19 juin 2014 et 30 août 2019. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

13. M. I... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée et de ce qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Toulouse.

14. Si M. I... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, dès lors qu'il n'a pas été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, le moyen ainsi soulevé doit être écarté pour les motifs indiqués au point 8.

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que la préfète se soit abstenue de procéder à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

16. Le moyen tiré de ce que la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté pour les même motifs que ceux évoqués au point 6.

17. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la préfète de l'Ariège, M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 1er février 2021 à laquelle siégeaient :

M. C... A..., président,

Mme F... H..., présidente-assesseure,

Mme E... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2021.

Le président-rapporteur,

Didier A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX01542 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01542
Date de la décision : 08/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-08;20bx01542 ?
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