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04/03/2021 | FRANCE | N°20BX03713,20BX03714

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 mars 2021, 20BX03713,20BX03714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 15 juin 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2002886 et 2002887 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient ê

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 15 juin 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2002886 et 2002887 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être reconduits et a mis à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03713, le 13 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 fixant la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les éléments qui ont été pris en compte sont d'ordre général sur la situation des chrétiens convertis en Tunisie et que les éléments produits par M. et Mme C..., qui ne sont ni circonstanciés ni précis, ne peuvent être regardés comme démontrant le caractère réel, actuel et personnel des persécutions alléguées ; l'ensemble de ces éléments ne permettaient pas de tenir pour établi des risques de traitements inhumains et dégradants dans le cas de retour dans leur pays d'origine ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les décisions fixant le pays de renvoi ne méconnaissaient pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2021, Mme C..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les décisions fixant le pays de renvoi ne sont pas suffisamment motivées et portent atteinte à son droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2021.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03714, le 13 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 fixant la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 20BX03713.

Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2021, M. C..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans le mémoire présenté dans l'instance n° 20BX03713.

M. C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... C... et Mme A... C..., ressortissants tunisiens nés respectivement le 1er août 1984 et le 8 octobre 1990, sont entrés en France le 20 novembre 2018 accompagnés de leurs enfants mineurs. Ils ont présenté une demande d'asile le 28 novembre 2018, laquelle a été rejetée par une décision du 28 juin 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 octobre 2019. Par deux arrêtés du 15 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. et Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement n° 2002886, 2002887 du 26 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être reconduits.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20BX03713 et 20BX03714 tendent à l'annulation du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a, dès lors, lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Pour annuler les décisions du 15 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a fixé la Tunisie comme pays de destination des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre de M. et Mme C..., le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ", et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les certificats de baptême du 13 mai 2019 ainsi que les nombreuses attestations démontrent la sincérité de la conversion au christianisme de M. et Mme C... et leur volonté d'intégration à la société française. Toutefois, en premier lieu, si M. C... fait valoir qu'il a subi des violences à la sortie d'un restaurant après avoir discuté et critiqué l'Islam à haute voix dans ce lieu public, les intéressés n'ont produit devant la Cour nationale du droit d'asile qu'un certificat médical délivré par l'institut médical d'orthopédie Kassab le 3 janvier 2017, se bornant à constater l'existence de séquelles sans se prononcer sur leur compatibilité avec les allégations de l'intéressé. En outre, M. et Mme C... ont bénéficié d'une protection effective des autorités dès lors que, selon leurs déclarations, la police aurait arrêté l'un des agresseurs. En deuxième lieu, si les intéressés ont évoqué une multiplication des menaces et insultes sur les réseaux sociaux où ils seraient tous deux actifs, les documents produits ne sont pas suffisants pour établir le caractère personnel et réel de ces menaces alors en outre que Mme C... a déclaré devant la Cour nationale du droit d'asile qu'elle avait pris de soin de masquer son identité. Enfin, la seule attestation de l'association d'entraide aux chrétiens d'Orient Echo datée du 1er juillet 2020, qui fait état des difficultés pour les chrétiens de vivre en pays musulmans et des " discriminations évidentes " que subiraient M. et Mme C..., considérés comme des apostats, ne permet pas de tenir pour établi le caractère réel, actuel et personnel des persécutions alléguées par M. et Mme C.... Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour annuler les décisions fixant la Tunisie comme pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être reconduits.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C... à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'autre moyen soulevé en première instance et en appel :

7. Il ressort des termes des décisions contestées, qui visent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a mentionné la décision du 28 juin 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté les demandes d'asile présentées par M. et Mme C... ainsi que la décision du 30 octobre 2019 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ces rejets. Ces décisions indiquent également que M. et Mme C... n'établissaient pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, les décisions fixant le pays de destination, qui énoncent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent de sorte que M. et Mme C... étaient en mesure de les comprendre et de les contester, sont suffisamment motivées.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 15 juin 2020 en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être reconduits et a mis à la charge de l'Etat la somme de 750 euros à verser à leur conseil.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au bénéfice du conseil de M. et Mme C....

DECIDE :

Article 1 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2002886, 2002887 du 26 octobre 2020 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation des arrêtés du 15 juin 2020 en tant qu'ils fixent le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... C..., à M. G... C... et à Me D... F....

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... B..., présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.

La présidente,

Marianne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03713, 20BX03714 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03713,20BX03714
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-04;20bx03713.20bx03714 ?
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