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23/02/2021 | FRANCE | N°20BX01889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 février 2021, 20BX01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000847 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2020, M. F..., représenté par Me D..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000847 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de la Gironde du 5 février 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde d'examiner sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de la faculté d'instruire sa demande d'asile en application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 car il est exposé à une expulsion vers l'Afghanistan en cas de retour en Allemagne, où sa demande d'asile a été rejetée à deux reprises et où a été édictée à son encontre une mesure d'éloignement ;

- son transfert aux autorités allemandes méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle renvoie à ses écritures de première instance et précise que M. F... a été transféré en Allemagne le 22 juillet 2020.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant afghan né le 1er juillet 2000, est entré sur le territoire français afin d'y solliciter l'asile. Il a déposé une demande d'asile le 15 novembre 2019 à la préfecture du Val-d'Oise et la consultation des données de l'unité centrale Eurodac lors de l'instruction de cette demande a révélé qu'il avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités bulgares, le 21 octobre 2015 et allemandes, le 7 décembre 2016 ainsi que le 20 décembre 2016. Les autorités bulgares, saisies d'une demande sur le fondement de l'article 18-1-b) du règlement (UE) n° 604/2013 ont refusé de reprendre en charge M. F.... Les autorités allemandes ont, quant à elles, fait connaître leur accord explicite à un tel transfert le 16 janvier 2020. Par un arrêté du 5 février 2020, la préfète de la Gironde a décidé du transfert de M. F... aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé relève appel du jugement du 4 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La préfète de la Gironde a informé la cour que le transfert du requérant vers l'Allemagne est intervenu le 22 juillet 2020.

2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'État membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Il est constant que la demande d'asile déposée par M. F... auprès des autorités allemandes a été rejetée, dès lors que ces autorités ont accepté de reprendre en charge l'intéressé sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En revanche, si l'intéressé soutient avoir épuisé l'ensemble des voies de recours contre cette décision et avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en Allemagne, il ne produit aucune pièce permettant de corroborer ces informations. En outre, la décision attaquée a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne, et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A supposer même que la décision allemande de rejet d'asile ait acquis un caractère définitif, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. F... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités allemandes, à l'occasion d'une éventuelle procédure d'éloignement, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Afghanistan, ni que les autorités allemandes n'évalueront pas d'office les risques réels auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors que M. F... ne produit aucun élément permettant d'établir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouverait dans une région particulièrement exposée, ni de supposer l'existence d'un risque personnel en cas de retour en Afghanistan et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la violence prévalant à la date de la décision attaquée dans la ville de Kaboul serait telle qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, les moyens tirés de ce qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la préfète de la Gironde aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, et méconnu les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, l'arrêté de la préfète de la Gironde ne méconnaît pas l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme I... H..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2021.

La rapporteure,

Kolia G...

La présidente,

Catherine H...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01889
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : LARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-23;20bx01889 ?
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