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23/02/2021 | FRANCE | N°19BX00936

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 février 2021, 19BX00936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, M. et Mme D... A..., M. C... I... et l'association Patrimoine du Guilhaumard, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 août 2014 par lequel le préfet de l'Aveyron a accordé à la société Escandorgue énergie éolienne un permis de construire trois éoliennes et un poste électrique sur un terrain situé lieu-dit Combelandes, sur le territoire de la commune de Cornus.

Par un juge

ment n° 1500647 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, M. et Mme D... A..., M. C... I... et l'association Patrimoine du Guilhaumard, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 août 2014 par lequel le préfet de l'Aveyron a accordé à la société Escandorgue énergie éolienne un permis de construire trois éoliennes et un poste électrique sur un terrain situé lieu-dit Combelandes, sur le territoire de la commune de Cornus.

Par un jugement n° 1500647 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés le 8 mars 2019, le 30 septembre 2020 et le 1er octobre 2020, l'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2014 susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure en l'absence d'étude d'impact et d'études sonores actualisées depuis la première demande de permis de construire ;

- l'étude d'impact existante est insuffisante en méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- les prescriptions mentionnées dans l'arrêté attaqué sont insuffisamment motivées ;

- le maire n'a pas été consulté en méconnaissance de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme ;

- le pétitionnaire n'a pas produit sa déclaration au titre des installations classées en méconnaissance de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme ;

- l'assiette foncière du projet de parc éolien étant enclavée, l'arrêté en litige méconnait l'article R. 111- 5 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en l'absence de mesure prescrite pour éviter le dépassement des seuils sonores règlementaires et l'article R. 111-15 du même code en l'absence de mesure suffisante pour protéger la faune et la flore environnante ;

- l'arrêté méconnait l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme compte tenu de l'atteinte portée aux paysages et lieux environnants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2019, la société Escandorgue énergie éolienne, société par actions simplifiée, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, subsidiairement à ce que la cour prononce un sursis à statuer en vue d'une régularisation, et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; en effet, elle est tardive, elle n'a pas été notifiée aux parties en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et l'association ne justifie pas de sa qualité pour agir ni d'un intérêt à agir ;

- les moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact, de l'absence de consultation du maire et de l'insuffisance des prescriptions sont inopérants et, au surplus, infondés ;

- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé ;

- très subsidiairement, la cour pourra prononcer un sursis à statuer en vue de régulariser un éventuel vice entachant l'arrêté contesté en application de l'article R. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable à défaut de qualité pour agir de l'association et de respect des règles posées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact est inopérant ;

- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... H...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me J... représentant la société Escandorgue énergie éolienne.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 juin 2007 la société Escandorgue énergie éolienne a déposé une demande de permis de construire un parc éolien composé de trois éoliennes d'une hauteur de 75 mètres en bout de pale et d'un poste électrique sur un terrain situé au lieu-dit " Combelandes " sur le territoire de la commune de Cornus. Par un arrêté du 14 décembre 2009, le préfet de l'Aveyron a accordé à la société Escandorgue énergie éolienne le permis de construire sollicité. Par un jugement du 27 juin 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 14 décembre 2009 au motif qu'en l'absence de prescription, il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles R. 111-2 et R. 111-15 du code de l'urbanisme. Par un arrêt n°14BX02531 du 15 novembre 2016 la cour a confirmé ce jugement.

2. Dès la notification du jugement rendu par le tribunal, le préfet de l'Aveyron, à nouveau saisi, par l'effet de cette annulation, de la demande de la société Escandorgue énergie éolienne a, à l'issue d'une nouvelle instruction, par un nouvel arrêté du 28 août 2014, délivré à la société Escandorgue énergie éolienne un permis de construire pour le même projet comportant des prescriptions. L'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, M. et Mme A..., M. I... et l'association Patrimoine du Guilhaumard ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de cet arrêté. L'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal a indiqué au point 5 du jugement attaqué que : " aucune étude d'impact n'était exigible en l'espèce au titre de la législation sur les installations classées, en raison de la hauteur des mâts et, d'autre part, que compte tenu de la soumission du projet à cette législation, les dispositions précitées de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme n'étaient pas applicables. Enfin il ne résulte pas des mentions figurant aux 36° et 37° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, relatives aux travaux soumis à permis de construire devant être précédés à ce titre d'une étude d'impact, qu'une telle étude soit prévue pour le permis de construire une éolienne. Il suit de là que le moyen tiré d'un vice de procédure tenant à l'absence d'une nouvelle étude d'impact doit être écarté comme inopérant ". Ce faisant, le tribunal a répondu au moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en affirmant que ce moyen était inopérant. Alors qu'il n'était pas tenu de répondre à ce moyen, en effet inopérant, ainsi qu'il sera dit ci-après, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation.

Sur la légalité du permis de construire :

En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :

4. En vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. L'article R. 431-16 du même code, relatif à certaines pièces complémentaires qui doivent être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet dispose que : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ; (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement dresse la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, notamment lorsqu'ils sont subordonnés à la délivrance d'un permis de construire.

5. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de joindre l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire, prévue par l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, ne concerne que les cas où l'étude d'impact est exigée en vertu des dispositions du code de l'environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme. Elles s'imposent également lorsque le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire est soumis à la réalisation d'une étude d'impact ou d'une enquête publique en vertu d'autres dispositions que celles prises au titre des constructions soumises à permis de construire, mais que seule la procédure de délivrance du permis de construire permet de prendre en compte les éléments de l'étude d'impact ou d'organiser l'enquête publique.

6. Ainsi que l'a jugé le tribunal à bon droit, d'une part, le projet litigieux, qui porte sur trois aérogénérateurs dont les mâts présentent une hauteur inférieure à 50 mètres, est soumis, au titre de la rubrique n° 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, créée par le décret n° 2011-984 du 23 août 2011, au régime de la déclaration prévue par la législation relative à ces installations. D'autre part, le projet en litige n'ayant pas été soumis à la procédure d'enquête publique, les dispositions transitoires du quatrième alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, ne sauraient être utilement invoquées, dès lors que la demande de permis de construire a été déposée antérieurement au 23 juillet 2011. De sorte qu'étaient seules applicables à la date de l'arrêté en litige les dispositions nouvelles issues du décret susmentionné du 23 août 2011. Ainsi, aucune étude d'impact n'était exigible en l'espèce au titre de la législation sur les installations classées, en raison de la hauteur des mâts. Comme l'a également relevé le tribunal, les éoliennes ne figurent pas davantage au tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa version applicable, parmi les opérations soumises à permis de construire devant être précédés à ce titre d'une étude d'impact. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'insuffisance de motivation des prescriptions :

7. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. ". Le permis de construire, qui vise le jugement du tribunal administratif du Toulouse du 27 juin 2014 ainsi que la demande formulée par la société pétitionnaire en date du 4 juillet 2014, ne comporte pas de prescriptions dont la motivation ne résulterait pas de leur énoncé même. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de consultation du maire :

8. Aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) / b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, (...) ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; / (...) / Lorsque la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l'avis du maire (...) ". Aux termes de l'article R. 422-2 du même code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, (...) dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) / b) Pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur ; / (...) " Aux termes du premier alinéa de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme " Dispositions particulières aux demandes et aux déclarations lorsque la décision est de la compétence de l'Etat : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis (...). Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis (...) ".

9. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, lorsqu'il est prévu que le préfet, comme autorité désignée pour se prononcer sur une demande de permis de construire, recueille l'avis du maire, cette consultation n'impose pas que l'autorité préfectorale lui adresse une demande expresse en ce sens dès lors qu'il est prévu que, le maire étant informé par le dépôt du dossier de demande de permis de construire en mairie, son avis peut être réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de ce dépôt.

10. Il résulte de l'instruction et notamment des termes de l'arrêté en litige que le maire de Cornus a émis, " un avis réputé favorable " sur la demande de permis de construire présentée par la société pétitionnaire, dont le récépissé de dépôt en mairie a été produit en première instance par la société. Par suite, les dispositions précitées du code de l'urbanisme, prises pour l'application de l'article L. 422-2 du même code, n'ont pas été méconnues.

En ce qui concerne la justification du dépôt de la déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement :

11. Aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation de la demande d'enregistrement ou de la déclaration ".

12. La déclaration au titre de la législation sur les installations classés pour la protection de l'environnement, déposée le 23 octobre 2012, a fait l'objet le même jour d'un accusé de réception par le préfet de l'Aveyron. Ainsi, à supposer que cette justification n'ait pas été jointe à la demande de permis de construire lors du dépôt de celle-ci, elle est néanmoins parvenue au service suffisamment tôt pour lui permettre d'instruire la demande de permis de construire en litige sans que le décalage entre la demande de permis et le dépôt de cette déclaration n'ait été de nature à avoir faussé l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Si le récépissé délivré par le préfet de l'Aveyron le 23 octobre 2012 comportait une erreur de classement dans la nomenclature sur les installations classées, cette erreur consécutive à l'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature sur les installations classées, corrigée par un nouveau récépissé délivré le 7 mars 2017, n'a pas en l'espèce eu d'influence sur l'appréciation portée par l'autorité décisionnaire.

En ce qui concerne la desserte par les voies publiques ou privées :

13. Aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie (...) ".

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du plan de situation figurant au dossier de permis de construire, alors que l'appelante ne précise d'ailleurs pas en quoi le projet serait " totalement enclavé ", que le parc éolien est desservi par plusieurs voies publiques et le plan de masse fait apparaitre que les voies de circulation internes au projet sont reliées au réseau public routier. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

16. En vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

17. L'appelante soutient que les prescriptions édictées pour protéger notamment les habitations les plus proches des émissions sonores des machines et ce en exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse, sont insuffisantes. Lors du dépôt de sa demande de permis de construire, la société Escandorgue énergie éolienne a fait réaliser, par un bureau spécialisé, une étude acoustique, remise le 10 mai 2007, destinée à évaluer les incidences sonores générées par le fonctionnement des trois éoliennes sur l'environnement. A partir de différents enregistrements d'émissions sonores, un dépassement important des émergences sonores admissibles en période nocturne, fixées à 3 db(A) maximum, a été constaté, sur deux des trois éoliennes, au point du hameau de Tapiès, localisé à 500 mètres environ de celles-ci, lorsque la vitesse des vents oscille entre cinq à huit mètres par seconde. Cette étude a été complétée par une seconde étude " gestion du parc " de février 2008, préconisant de brider les éoliennes E1 et E2 concernées par le dépassement afin de diminuer les niveaux sonores. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé le précédent permis de construire au motif de l'absence de prescription en matière d'émissions de bruit. Il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 28 août 2014 pris en exécution de ce jugement, qu'il prescrit, au titre de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, des mesures en matière de sécurité aérienne en imposant un balisage des obstacles à la navigation aérienne dans le strict respect des avis émis par les services de l'armée de l'air et de la direction de l'aviation civile sud et des mesures de défense incendie en imposant que cette défense soit réalisée en concertation avec les services du service départemental d'incendie et de secours. L'arrêté contesté ne comporte, en revanche, aucune prescription en matière d'émissions sonores.

18. Toutefois, d'une part, il n'appartient pas à l'autorité publique d'assortir un arrêté portant délivrance d'un permis de construire de mesures spécifiques relevant de la police des installations classées, et notamment, en l'espèce, des mesures qui s'imposent à ce titre aux éoliennes en matière d'émissions sonores. D'autre part et surtout, par un second arrêté du 5 mai 2017 non contesté, le préfet de l'Aveyron a délivré à la société pétitionnaire un permis de construire modificatif portant bridage des machines E1 et E2, ainsi que le préconisait l'étude acoustique précitée intitulée " gestion du parc " réalisée en 2008, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ne permet pas de respecter le niveau d'émergences règlementaires en matière d'effets sonores notamment depuis le hameau de Tapiès le plus proche du parc, à une distance de 500 mètres. L'article 2 de cet arrêté modificatif prescrit également un contrôle de l'efficacité de ce dispositif mis en place par une simulation complémentaire réalisée par un bureau agréé. Il ne résulte pas de l'instruction que la situation des hameaux les plus proches aurait rendu nécessaire une nouvelle étude acoustique. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ces mesures, ainsi que celles énumérées au point précédent, seraient insuffisantes pour protéger les intérêts visés à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme :

19. Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. (...) ".

20. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

21. L'appelante soutient que les prescriptions spéciales mentionnées dans l'arrêté contesté pour protéger la faune et la flore sont insuffisantes. A cet égard, il résulte de l'instruction que si le projet de parc éolien, qui comporte seulement trois aérogénérateurs, est situé à l'extrémité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II et du parc naturel des Grands Causse à la limite de la zone Natura 2000 des Causses du Larzac dont il est éloigné de plusieurs centaines de mètres, cette circonstance ne saurait toutefois, par elle-même, permettre de retenir la méconnaissance des dispositions précitées, en l'absence de tout élément sérieux permettant de contredire les études qui ont été réalisées dans le cadre de ce projet, lesquelles ont conclu notamment à l'absence d'incidences particulières pour la flore.

22. En outre, afin de réduire les risques pour l'environnement et en exécution du jugement du tribunal qui a annulé le précédent permis de construire également au motif qu'il ne prévoyait aucune mesure de protection des espèces et de contrôle des effets du projet sur ces dernières, l'article 2 de l'arrêté en litige prescrit, à titre général, de mettre en place un cahier des charges environnemental pour la réalisation des travaux, d'informer la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de la date de démarrage et de fin des travaux et, en fonction des résultats des suivis post-installation, de prendre toute mesure en concertation avec la DREAL telles que l'arrêt des machines lors des périodes de migration.

23. En outre, s'agissant plus précisément de la protection de l'avifaune, l'arrêté en litige prescrit conformément aux préconisations de l'étude d'impact, de respecter les périodes de nidification des oiseaux en proscrivant les interventions entre le 1er mars et le 1er août. Par ailleurs, alors que le risque de collision des oiseaux avec l'un des trois aérogénérateurs apparait résiduel compte tenu de la propension des espèces d'oiseaux identifiées à évoluer en haut vol et à éviter les mâts d'une hauteur de 75 mètres en bout de pâle, si l'étude d'impact a relevé la présence d'un couple d'aigle royal, espèce protégée, à quelques kilomètres du parc, sa présence n'a pas été identifiée sur le site d'implantation du projet. A cet égard la seule attestation en date du 8 avril 2010 établie par M. E... et l'analyse du 5 mai 2017 émanant de l'association Becot ne suffisent pas pour permettre d'estimer que l'implantation de ces trois éoliennes constituerait une menace pour la survie de ces oiseaux.

24. S'agissant de la protection des chiroptères, peu présents sur le site, selon l'étude d'impact, mais dont plusieurs espèces peuvent en nombre fréquenter les alentours, l'arrêté prescrit l'installation, au niveau des orifices de ventilation des nacelles, de filets de protection avec des mailles suffisamment petites pour empêcher leur passage et l'entretien des surfaces au pied des éoliennes afin de limiter les risques de collision de chauves-souris en maintenant une strate herbacée très rase et en gyrobroyant le couvert régulièrement. Enfin, il est prévu, ainsi qu'il a été dit, de mettre en place des mesures de bridage des pales notamment en période nocturne.

25. Il ne résulte nullement de l'instruction que ces mesures explicites et précises seraient insuffisantes ou trop vagues pour préserver l'environnement. L'appelante n'apporte d'ailleurs aucune précision sur la nature exacte des prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme dont, selon elle, aurait dû être assorti le permis de construire en litige afin d'assurer la protection de l'avifaune, de la flore et des chiroptères. Le moyen tiré de ce que le préfet, en n'assortissant pas l'arrêté attaqué de prescriptions spéciales supplémentaires relatives à la préservation de l'avifaune de la flore et à la protection des chiroptères, aurait méconnu l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

26. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

27. Le projet porté par la société pétitionnaire concerne un ensemble de seulement trois éoliennes d'une hauteur de 75 m en bout de pale sur un site d'implantation qui appartient au massif d'Escandorgue sur la commune de Cornus dans l'Aveyron, au sommet d'une crête qui culmine à 850 m sur le plateau du Guilhaumard. Le projet de parc éolien se situe dans un secteur vallonné, dans un paysage de prairie à cinq kilomètres de l'autoroute A75 et à huit kilomètres du monument historique le plus proche. Par ailleurs, l'arrêté en litige, dans un souci d'insertion du projet à son environnement, prescrit l'absence de toute marque et inscription sur les nacelles, mâts et pales. Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient l'appelante, le parc éolien projeté, d'une taille et d'une hauteur modestes, ne peut être regardé comme susceptible de porter une atteinte significative au caractère, à l'identité, à l'attractivité ou à la structuration de ce paysage de type naturel.

28. Dans ces conditions, le permis de construire en litige n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

29. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non- recevoir opposées, que l'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 août 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les conclusions de l'appelante, présentées à l'encontre de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante à l'instance d'appel. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Escandorgue énergie éolienne et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards est rejetée.

Article 2 : L'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards versera une somme de 1 500 euros à la société Escandorgue énergie éolienne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association pour la conservation des ressources naturelles et des paysages Caussenards, à la SAS Escandorgue énergie éolienne, à M. et Mme D... A..., à M. C... I..., à l'association Patrimoine du Guilhaumard, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme F... H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

10

N° 19BX00936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00936
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : GALLON NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-23;19bx00936 ?
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