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22/02/2021 | FRANCE | N°19BX00587

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 22 février 2021, 19BX00587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du 24 juin 2016 par laquelle le ministre de la défense a limité à la somme de 7 778,79 euros le montant de la prise en charge par l'administration des frais de déménagement liés à sa mutation à La Réunion et d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement intégral de ses frais de déménagement.

Par un jugement n° 1600909 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la d

écision du ministre de la défense du 24 juin 2016 et a enjoint à l'administration de rég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du 24 juin 2016 par laquelle le ministre de la défense a limité à la somme de 7 778,79 euros le montant de la prise en charge par l'administration des frais de déménagement liés à sa mutation à La Réunion et d'enjoindre à l'administration de procéder au remboursement intégral de ses frais de déménagement.

Par un jugement n° 1600909 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du ministre de la défense du 24 juin 2016 et a enjoint à l'administration de régulariser la situation de M. D... sur la base d'un droit à la prise en charge de ses frais de déménagement à hauteur de 9 960,35 euros, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2019, le ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. D....

Il soutient que :

- les incohérences dans les pièces que produit l'intéressé pour la liquidation de ses droits, comme les explications contradictoires et peu convaincantes qu'il a apportées ne pouvaient que le conduire à prendre la décision en litige que les premiers juges ont annulé à tort ;

- M. D... ne justifiait pas de deux contrats distincts ;

- la modicité du coût de transport de ses deux véhicules révèle un défaut de sincérité quant au prix fixé quant aux bagages lourds ;

- eu égard aux circonstances dans lesquelles le transport de la caisse et de ses véhicules a eu lieu, de la modicité du prix pour le transport des seuls véhicules, dont on ne sait pas s'il concerne un ou deux véhicules au regard des explications fournies, il a pu en conséquence procéder à la globalisation de ces prix pour ramener à un juste montant les frais de déménagement pris en charge par l'administration.

Par un mémoire enregistré le 3 juin 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre des armées ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret du 3 juillet 1897 portant règlement sur les indemnités de route et de séjour, les concessions de passage et les frais de voyage à l'étranger des officiers, fonctionnaires, employés et agents civils et militaires des services coloniaux ou locaux ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., lieutenant-colonel affecté à Pau, a été muté à La Réunion à compter du 13 août 2014. Devant organiser pour lui, sa femme et ses deux enfants son changement de résidence, il a retenu le devis de la société AMTD d'un montant de 9 960, 35 euros pour un poids de 1 250 kg et un volume de 12,5 m3. Ce devis ayant été accepté par le centre de l'administration ministériel des indemnités de déplacement (CAMID) le 5 mai 2014, le déménagement a été confié à cette société. En août 2014, M. D... a transmis son dossier de liquidation. Toutefois, il est apparu que son bon de livraison faisait état de ce qu'il manquait un véhicule Peugeot. A la suite de la demande d'explication formulée par la CAMID le 23 janvier 2015, M. D... a produit le 27 janvier suivant un devis et une facture pour le transport de deux véhicules pour un montant de 500 euros, ainsi qu'un bon de livraison. Par une décision ministérielle du 27 mai 2015, un droit à transport de véhicule lui a été accordé à hauteur de 15 m3. Enfin, par décompte du 16 juin 2015, l'administration a liquidé ses frais de transports à hauteur de 27, 5 m3 (12, 5m3 de bagages lourds et de 15 m3 de transport de véhicule) et lui a versé une somme de de 7 413,90 euros, laissant ainsi à la charge de M. D... la somme de 3 046, 45 euros. M. D... a alors présenté une demande de révision de ses frais auprès de la CAMID qui a été rejetée par une décision du 1er septembre 2015. Il a alors formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre cette dernière décision, qui a été partiellement agréé par une décision ministérielle du 24 juin 2016, par laquelle le montant de la prise en charge des frais de déménagement de M. D... a été porté à la somme de 7 778,79 euros. M. D... a ensuite saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière décision et a présenté des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que l'administration lui verse le reliquat non remboursé de ses frais de déménagement. Le ministre des armées relève appel du jugement du 29 novembre 2018, par lequel le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du ministre de la défense du 24 juin 2016 et a enjoint à l'administration de régulariser la situation de M. D... sur la base d'un droit à la prise en charge de ses frais de déménagement à hauteur de 9 960,35 euros, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 39 du décret du 3 juillet 1897 visé ci-dessus : " Dans tous les cas où l'officier (...) ou sa famille a droit au passage gratuit, le poids des bagages dont le transport doit rester à la charge de l'Etat (...) est fixé d'après les indications portées au tableau ci-après ". Ces dispositions ont été complétées par une instruction ministérielle n° 107200 du 1er avril 1960.

3. En application de ces dispositions les frais de transport de mobilier supportés par les militaires à l'occasion de leurs changements de résidence sont remboursés par l'Etat sur la base des frais réellement exposés sous la réserve des limites de poids fixées par ce décret. Or le tableau annexé à cet article détermine, pour un officier supérieur, un poids maximal de 600 kg pour lui-même, 350 kg pour son conjoint et 150 kg pour chaque enfant.

4. Pour annuler la décision du ministre de la défense du 24 juin 2016 et considérer que l'administration avait remis en cause à tort le volume et le prix du transport des bagages lourds dont il se prévalait et qui avaient été initialement validés par l'administration, pour y substituer un calcul qui intégrait, sur la base des dispositions de l'instruction ministérielle du 27 mai 2015, le volume et le coût de la prestation de transport des véhicules, le tribunal administratif de La Réunion a estimé, d'une part, que M. D... n'avait jamais sollicité une prise en charge par l'administration des frais de transport de ses véhicules et, d'autre part, que la prestation afférente à ce transport de véhicules avait donné lieu à un contrat distinct passé entre l'intéressé et l'entreprise de déménagement, alors même que les deux prestations ont été simultanément mentionnées dans un bon de livraison en date du 11 août 2014, et enfin que l'administration n'établissait pas que le montant de la prestation de transport des deux véhicules, fixé à 500 euros, ne correspondrait pas au tarif habituellement pratiqué dans des conditions similaires et serait de nature, de ce seul fait, à révéler un défaut de sincérité quant au prix fixé au titre des bagages lourds.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'acceptation par le CAMID le 5 mai 2014 de son devis du 28 avril 2014 pour le transport de bagages lourds d'un montant de 9 960, 35 euros, M. D..., a produit un devis du 30 avril 2014, une facture et un bon de livraison pour le transport de véhicules. Dans le cadre de la demande d'explications demandées par le CAMID pour la liquidation de son dossier, M. D... a indiqué dans un courrier du 27 janvier 2015, avoir demandé un devis de transport de véhicules après validation de son devis de transports de bagages lourds par l'administration. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le devis de transports de véhicules date du 30 avril 2014 et a été établi deux jours après le devis de transports pour bagages lourds, qui a été validé, ainsi qu'il a été dit, le 5 mai 2014. Par ailleurs, M. D... soutenait que le transport de ses deux véhicules était séparé du transport des bagages lourds et qu'il a réceptionné son véhicule Peugeot 207 à une date différente. Néanmoins, il ressort du bon de livraison du 11 août 2014 que M. D... a été livré de 138 colis correspondant à un volume de 12,5 m3. Il ressort des observations de M. D... portées sur ce bon de livraison qu'il manquait le véhicule Peugeot 207, ce qui signifie que son autre véhicule a été livré ce jour-là et qu'il devait prendre livraison de ces deux voitures le même jour que ses bagages lourds. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le prix moyen d'une prestation de transport d'un véhicule de la France métropolitaine vers La Réunion s'élève à 1 915 euros. En conséquence du prix anormalement bas de 500 euros payé par M. D... pour le transport de deux véhicules, et compte-tenu de ses explications contradictoires, l'administration a pu retenir une estimation excessive du prix pour le transport de bagages lourds et, partant, se fonder sur le volume total autorisé de 27,5 m3 pour procéder à la réfaction du montant facturé de 10 460, 35 euros pour un volume livré de 12,5 m3 de bagages et de 24,48 m3 pour les véhicules.

6. En effet, ainsi qu'il vient d'être dit, à l'occasion de sa mutation du groupement de soutien de la base de défense de Pau vers celle de La Réunion, les dispositions précitées du décret du 3 juillet 1897 donnaient droit à l'intéressé, officier marié et père de deux enfants, au remboursement des frais de transport de 1 250 kgs correspondant à un volume de 12,5 m3, compte tenu de son grade et de la composition de sa famille. Par ailleurs, par une décision ministérielle du 27 mai 2015, un droit à transport de véhicules lui a été accordé à hauteur de 15 m3. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le volume des objets déménagés par M. D... excédait le cubage de 27,5 m3 qui avait été autorisé. Par suite, le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a pu sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de droit, pour les motifs exposés au point 5, rejeter la demande de M. D... tendant à obtenir la prise en charge de l'intégralité des frais exposés à l'occasion de son déménagement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé sa décision du 24 juin 2016 et a enjoint à l'administration de régulariser la situation de M. D... sur la base d'un droit à la prise en charge de ses frais de déménagement à hauteur de 9 960,35 euros dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. En l'absence d'autre moyen présenté en première instance ou en appel par M. D..., il y a lieu par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter sa demande de première instance.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme demandée par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600909 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. D... et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. F... D....

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme E... G..., présidente-assesseure,

Mme C... B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 février 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00587
Date de la décision : 22/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-006 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Frais de changement de résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CAZEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-22;19bx00587 ?
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