Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 24 août 2017 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Guadeloupe a refusé de lui accorder le remboursement de ses frais de changement de résidence et d'enjoindre à l'Etat de lui accorder le remboursement de ses frais de changement de résidence assortis des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1700963 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, d'une part, annulé la décision du 24 août 2017 du directeur régional des finances publiques de Guadeloupe, d'autre part, enjoint au ministre de l'économie et des finances de procéder au réexamen de la demande de remboursement de ses frais de changement de résidence et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme D....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 13 février et 6 décembre 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme D....
Il soutient que :
- Mme D... relève du II de l'article 24 du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les changements de résidence des personnels civils de l'Etat (...) entre un territoire d'outre-mer et un département d'outre-mer et non du I de cet article ;
- elle ne satisfaisait pas la condition de durée de cinq ans dans son précédent poste ;
- elle ne peut se prévaloir du I de l'article 24 précité dès lors que son changement d'affectation ne résulte pas de la nécessité de pourvoir à un poste vacant ;
- elle ne peut utilement faire valoir que la décision l'affectant en Polynésie Française est créatrice de droits dès lors qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par ce texte ;
- il appartenait au tribunal de neutraliser le motif erroné tiré de ce qu'elle avait été indemnisée par la collectivité d'outre-mer de Polynésie en 2007, dès lors que la décision en litige était justifiée en droit.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'économie et des finances ;
2°) d'annuler l'article 2 du jugement du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de procéder au remboursement des sommes qui lui sont dues au titre de ses frais de changement de résidence dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 juillet 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., inspectrice des finances publiques, a été affectée à la direction régionale des finances publiques de Guadeloupe depuis le 1er septembre 2009. Puis, elle a été détachée dans un emploi des services du gouvernement de la Polynésie française, à la direction des impôts et contributions de la Polynésie française du 1er avril 2013 au 30 mars 2017. A l'issue de ce détachement et de son congé administratif, elle a réintégré, le 1er juin 2017, la direction régionale des finances publiques de la Guadeloupe. Elle a ensuite été affectée à compter du 1er septembre 2017 au service de la gestion des comptes publics de la direction des finances publiques de la Polynésie française. Le 3 juillet 2017, elle a demandé à bénéficier de la prise en charge de ses billets d'avion de Pointe à Pitre jusqu'à Papeete sans transiter par Paris et de l'indemnité de déménagement. Par une décision du 24 août 2017, le directeur de la direction régionale des finances publiques de Guadeloupe a rejeté sa demande. Mme D... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de la Guadeloupe qui, par un jugement du 11 décembre 2018, a annulé cette décision et enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa demande. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement. Mme D... doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 2 de ce jugement et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de procéder au versement des sommes dues au titre de son changement de résidence et de les assortir des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 juillet 2017.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les changements de résidence des personnels civils de l'Etat à l'intérieur d'un territoire d'outre-mer, entre la métropole et un territoire d'outre-mer, entre deux territoires d'outre-mer et entre un territoire d'outre-mer et un département d'outre-mer, Mayotte ou la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais à la charge des budgets de l'Etat (...) à l'occasion des changements de résidence ou de congés effectués par leurs personnels civils : (...) pour se rendre d'un département d'outre-mer (...) vers un de ces territoires d'outre-mer (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Pour l'application du présent décret sont considérés comme : résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté. Lorsqu'il est fait mention de résidence administrative de l'agent, cette résidence est sa résidence administrative : (...) affectation : décision de l'autorité administrative dont relève l'agent et qui conduit à un changement de résidence y compris par voie de mutation ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " (...) I.- L'agent a droit à la prise en charge des frais de changement de résidence mentionnés à l'article 38, majorée de 20 %, lorsque le changement de résidence est rendu nécessaire par : (...) 2° Un changement d'affectation pour pourvoir à un emploi vacant pour lequel aucune candidature n'a été présentée ou lorsque l'autorité ayant pouvoir de nomination a écarté toutes les candidatures présentées. (...). II.- L'agent a droit à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 39 ou 40 du présent décret, réduite de 20 %, et à la prise en charge des frais mentionnés au a de l'article 38, limitée à 80 % des sommes engagées, lorsque le changement de résidence est consécutif à : 1° Un changement d'affectation ou un détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite, (...), lorsqu'il en a fait la demande. (...) Dans tous les cas mentionnés au II du présent article où le changement de résidence intervient sur demande de l'agent, celui-ci doit remplir une condition de durée de service d'au moins cinq années. ". L'article 38 du même décret dispose que : " La prise en charge des frais de changement de résidence décrits au présent titre comporte : / a) La prise en charge des frais de transport des personnes dans les conditions prévues par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ; / b) L'attribution d'une indemnité forfaitaire de transport de bagages ou de changement de résidence dans les conditions prévues aux articles 39 et 40 ci-dessous. Elle est payable sans application des coefficients de majoration prévus par le décret du 23 juillet 1967 susvisé. / La prise en charge des frais de changement de résidence est limitée au parcours compris entre l'ancienne et la nouvelle résidence. La distance prise en compte dans le calcul du montant de l'indemnité forfaitaire de transport de bagages ou de changement de résidence est mesurée d'après l'itinéraire le plus court par la route ou la distance orthodromique. (...) ".
3. Pour refuser la prise en charge de ses frais de résidence par la décision en litige du 24 août 2017, l'administration s'est fondée sur trois motifs : sur l'existence d'une mutation pour convenance personnelle, d'une prise en charge antérieure de frais de changement de résidence par la collectivité territoriale d'outre-mer de Polynésie dans le cadre de son détachement et sur la circonstance que Mme D... ne remplissait pas les conditions prévues par le II de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998 précité, notamment la condition de durée de service.
4. Pour annuler la décision précitée, le tribunal administratif de la Guadeloupe, sans se prononcer sur deux de ses motifs, a estimé que le troisième était erroné en droit dès lors que la circonstance que Mme D... ait déjà bénéficié d'une prise en charge de ses frais de changement de résidence par la collectivité d'outre-mer de Polynésie Française ne faisait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 24 du décret précité.
5. Toutefois, il ressort, d'une part, des pièces du dossier que Mme D... a présenté une demande d'affectation en Polynésie française dans le cadre du mouvement de mutations hors métropole. Il n'est, par suite, pas établi qu'aucune candidature n'aurait été présentée sur l'emploi obtenu par Mme D..., ni que la direction générale des finances publiques aurait écarté toutes les candidatures présentées avant le dépôt de sa demande. Ainsi, même si la mutation de Mme D... répond à un besoin de l'administration, Mme D... n'est pas au nombre des agents mentionnés au 2° du I de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a réintégré la direction des finances publiques de la Guadeloupe du 1er juin au 31 août 2017, à l'issue de son détachement à la collectivité d'outre-mer de Polynésie Française, qui a pris fin le 30 mars 2017, et d'un congé administratif de deux mois, avant de recevoir une nouvelle affectation, par voie de mutation, à la direction des finances publiques de la Polynésie française à compter du 1er septembre 2017. Toutefois, elle n'avait exercé ses fonctions que pendant trois mois dans un poste à la direction des finances publiques de la Guadeloupe. Par suite, elle ne remplissait pas la condition de durée de service d'au moins cinq années exigée par le II de l'article 24 du décret du 22 septembre 1998.
7. Par suite, même si le motif tiré d'une prise en charge antérieure de frais de changement de résidence par la collectivité territoriale d'outre-mer de Polynésie était erroné en droit, Mme D... ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 24 du décret précité de sorte que les deux autres motifs justifiaient à eux seuls que lui soit refusé le bénéfice de la prise en charge de ses frais de changement de résidence. Le ministre de l'économie et des finances est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler sa décision.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
9. D'une part, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, elle est suffisamment motivée.
10. D'autre part, Mme D... ne peut utilement faire valoir qu'elle n'a pas été informée de ce que ses frais de changement de résidence ne seraient pas pris en charge par son administration, dès lors qu'aucun texte n'impose cette information, et que le refus de prise en charge résulte de l'application des textes réglementaires précités au point 2.
11. Enfin, la décision de l'affecter sur un poste en Polynésie française ne lui a fait acquérir aucun droit à la prise en charge de ses frais de changement de résidence que l'administration n'aurait pu légalement lui retirer dès lors, ainsi qu'il a été dit, qu'elle ne remplissait pas les conditions règlementaires pour bénéficier de cette prise en charge. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le refus de prise en charge qui lui a été opposé est intervenu en méconnaissance de droits acquis par elle.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision en litige du 24 août 2017 et a enjoint à la direction régionale des finances publiques de Guadeloupe de procéder au réexamen de la demande de remboursement des frais de changement de résidence de Mme D.... Par suite, il y a lieu de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions d'appel incident.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme demandée par Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700963 du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2: La demande de première instance présentée par Mme D... et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme F... G..., présidente-assesseure,
Mme C... A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 février 2021.
Le président,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00511