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16/02/2021 | FRANCE | N°19BX00389

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 19BX00389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Morne Champagne a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel le préfet de la Martinique a refusé le défrichement de 26 a 97ca sur les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118 situées lieu-dit Morne Champagne, ensemble la décision du 7 septembre 2017 portant rejet du recours gracieux.

Par un jugement n° 1700643 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête enregistrée le 4 février 2019, et un mémoire enregistré le 6 septembre 2020, la SC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Morne Champagne a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel le préfet de la Martinique a refusé le défrichement de 26 a 97ca sur les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118 situées lieu-dit Morne Champagne, ensemble la décision du 7 septembre 2017 portant rejet du recours gracieux.

Par un jugement n° 1700643 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2019, et un mémoire enregistré le 6 septembre 2020, la SCI Morne Champagne représentée par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 4 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel le préfet de la Martinique a refusé le défrichement de 26 a 97ca sur les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118 situées lieu-dit Morne Champagne, ensemble la décision du 7 septembre 2017 portant rejet du recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique à titre principal, de lui délivrer une autorisation de défrichement, subsidiairement de réexaminer sa demande d'autorisation de défrichement, dans un délai de trois jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les motifs de refus qui lui ont été opposés méconnaissent les dispositions de l'article L. 341-5 1°, 8° et 9° du code de l'environnement et de l'article R. 373-1 du même code ; le défrichement ne porte pas atteinte à la préservation des sols dès lors que la pente des parcelles en cause n'est pas en moyenne de plus de 35 %, qu'il concerne une surface limitée et qu'il n'existe aucun risque en matière de sécurité ; le site à défricher ne présente aucun intérêt remarquable, le défrichement est compatible avec le plan local d'urbanisme et l'impact du défrichement ne sera pas élevé d'un point de vue paysager ; le projet n'est pas affecté par la présence de risques naturels d'ordre sismiques ; la nécessité de protéger les sols contre l'aridité et la dégradation ne fait pas obstacle en l'espèce au défrichement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... E...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SCI Morne Champagne.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Morne Champagne a demandé au préfet de la Martinique de l'autoriser à défricher une superficie de 27 a 30 ca sur les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118 situées lieu-dit Morne Champagne dont elle est propriétaire sur la commune des Anses d'Arlet. Par un arrêté en date du 29 mai 2017, le préfet a refusé le défrichement pour une superficie de 26 a 97 ca. La société a introduit un recours gracieux contre ce refus par lettre du 17 juillet 2017 qui a été rejeté par une décision du 7 septembre 2017. La SCI Morne Champagne relève appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 4 décembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Pour refuser de délivrer à la SCI Morne Champagne une autorisation de défrichement, le préfet de la Martinique a estimé qu'un défrichement serait de nature à porter atteinte au massif forestier sur lequel se situent les terrains d'assiette pour lesquels l'autorisation a été demandée au regard des dispositions de l'article L. 341-5 1° du code forestier compte tenu de la pente des parcelles, de l'article L. 341-5 8° du même code eu égard à l'équilibre biologique de ce territoire présentant un intérêt remarquable, de l'article L. 341-5 9° du même code compte tenu du risque de mouvement de terrain, et de l'article R. 373-1 du même code visant à protéger les sols contre l'aridité.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : 1° Au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations de l'agent assermenté de l'Office national des forêts (ONF) qui font foi jusqu'à preuve contraire que " La partie du terrain la plus grande a une pente forte. " et qu'" En cas de mise à nu du terrain, le risque de départs terrigènes serait élevé ". Toutefois, alors que la pente d'un terrain ne peut être qualifiée de forte qu'à partir d'une déclivité de 35 %, la requérante produit un tracé topographique établi par un architecte et un plan topographique établi par un géomètre selon lesquels la pente des terrains en cause est en moyenne de respectivement 30,81 % et 27,80 %. En outre, une étude géotechnique de conception très détaillée réalisée par une société d'ingéniérie des mouvements de sol et des risques naturels indique que " d'une manière générale, aucun signe d'instabilité d'ensemble n'a été repéré ni sur la parcelle, ni à son voisinage immédiat ". Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les terrains d'assiette pour lesquels la demande d'autorisation de défrichement a été refusée n'ont pas une pente susceptible de créer un problème d'érosion du massif forestier sur lequel elles sont situées. Par suite, c'est à tort que le préfet de la Martinique a rejeté la demande d'autorisation de défrichement sur le fondement de l'article L. 341-5 1° du code forestier.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population (...) ".

6. D'une part, si la requérante fait valoir que l'autorisation sollicitée est compatible avec le règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone à défricher, une telle circonstance est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que les dispositions du code de l'urbanisme et celle du code forestier ont des objets différents.

7. D'autre part, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que les terrains d'assiette pour lesquels l'autorisation de défrichement a été demandée se trouvent dans un espace botanique remarquable identifié par le conservatoire de Botanique de la Martinique, il ressort en revanche d'une carte extraite du schéma applicable de mise en valeur de la mer protégeant les espaces remarquables en terme de biodiversité et de naturalité que les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118, implantées en limite sud d'un vaste espace boisé dans un milieu non urbanisé, se situent bien dans un espace remarquable couvert par ce schéma. Le procès-verbal de reconnaissance de l'état des bois réalisé le 2 mai 2017 indique, à cet égard, à juste titre, que l'impact du défrichement serait élevé d'un point de vue paysager. Ainsi, c'est à bon droit que le préfet de la Martinique a estimé, pour rejeter la demande, qu'il était nécessaire de préserver l'équilibre biologique de la zone présentant un intérêt remarquable en application de l'article L. 341-5 8° du code forestier.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés, contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. ". Aux termes du règlement du plan de prévention des risques " Règlement de la zone jaune. Mouvement de terrain (...) déboisements et défrichements des sols : Autorisé (...) dans le respect du code forestier ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations de l'agent assermenté de l'ONF que si les parcelles cadastrées D 114, 115 et 118 sont situées dans une zone ou le risque inondation est nul, en revanche le risque sismique est fort, et le risque " mouvement de terrain " est moyen pour les glissements de terrain, les coulées, les chutes de bloc et les effondrements. En outre, il ressort de la carte du plan de prévention des risques naturels applicable sur le territoire de la commune des Anses d'Arlet que les parcelles de la société requérante sont situées en zone d'aléa moyen " mouvement de terrain ". Toutefois, dans une telle zone, les défrichements sont autorisés dans le respect du code forestier. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation en considérant que la conservation du massif était nécessaire à la protection des personnes et des biens.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 373-1 du code forestier : " L'autorisation de défrichement prévue à l'article L. 341-5 peut être refusée, outre les cas prévus à cet article, lorsque la conservation des bois ou des massifs que ces bois complètent est reconnue nécessaire à la protection des sols contre l'aridité et la dégradation ".

11. Il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations de l'agent assermenté de l'ONF qui font foi et qui ne sont pas infirmées par l'étude géotechnique précitée que le terrain présente un caractère xérique marqué. Par suite, et alors même que selon cette étude, compte tenu de la qualité des terrains de surface, de la morphologie de la parcelle et de l'hydrologie du site, les phénomènes de ruissellement semblent prépondérants par rapport aux infiltrations des eaux de surface, c'est à juste titre que le préfet de la Martinique a estimé, pour rejeter la demande, qu'il était nécessaire de protéger les sols contre l'aridité en application de l'article L. 341-5 9° du code forestier.

12. Il résulte de ce qui précède que deux des quatre motifs retenus par le préfet de la Martinique justifient le refus d'autorisation de défrichement qu'il a édicté. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Martinique aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ces deux seuls motifs.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Morne Champagne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Morne Champagne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Morne Champagne et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... E..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

La présidente,

Evelyne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00389
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-02 Agriculture et forêts. Bois et forêts. Protection des bois et forêts. Autorisation de défrichement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BONIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;19bx00389 ?
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