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09/02/2021 | FRANCE | N°20BX03414

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 février 2021, 20BX03414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2001086 du 18 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête enregistrée le 14 octobre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel le préfet des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2001086 du 18 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Pau du 18 septembre 2020 ;

2°) de faire droit à ses conclusions d'annulation de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est exposé à un danger de mort s'il doit être éloigné à destination de son pays d'origine, en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour s'être évadé du centre de rétention de Cornebarrieu afin d'éviter son extradition vers la Russie ; sa fin de peine est intervenue le 22 septembre 2020 mais il est toujours détenu au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, sous le régime de l'isolement ; il ne présente aucun trouble à l'ordre public ; les autorités russes ont demandé son extradition pour des faits de vols prétendus de deux téléphones ; la véritable raison de cette demande est politique ; son lien de parenté avec des combattants tchétchènes est établi ;

- il vit en concubinage avec une ressortissante française ; leur relation a débuté au cours de l'année 2013 ; il entretient des liens forts avec elle et ses six enfants qui le considèrent comme leur propre père ; ils lui rendent visite en détention ; il a un projet de mariage avec sa compagne ; avant son incarcération, il a été scolarisé en France ; il a été membre d'un club de boxe et a suivi des cours pour apprendre la langue française ; ses demandes d'asile en France ont été rejetées mais il a déposé une demande en Allemagne, en cours d'examen, et il a souhaité déposer une nouvelle demande d'asile en France ; du fait de son intégration, l'arrêté attaqué porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., ressortissant russe né en 1994, est entré irrégulièrement en France le 13 novembre 2011. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 mars 2012, puis par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 mars 2014. Sa demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA le 11 septembre 2014. Il a alors fait l'objet d'un arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne le 26 juin 2014. Son recours contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Toulouse le 29 décembre 2014 et par la cour le 27 mars 2015. Le 5 août 2014, le préfet du Lot lui a également refusé la délivrance d'un titre de séjour et par arrêté du 28 septembre 2015, ce même préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Son recours contre cet arrêté a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er octobre 2015 et l'intéressé a été placé en centre de rétention administrative. Placé de nouveau en centre de rétention le 26 mars 2016, alors qu'un laissez-passer avait été délivré par les autorités russes, il s'est évadé du centre de rétention. Il a ensuite été détenu en Allemagne du 12 août au 21 octobre 2016 pour des faits de vol aggravé, vol en réunion, destruction de biens d'autrui par des moyens dangereux pour les personnes et soustraction à une rétention administrative par un étranger. Le 21 octobre suivant, il a été écroué en France et le 12 avril 2018, il a été condamné définitivement par la cour d'appel de Toulouse à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour détention frauduleuse de faux documents administratifs, vol aggravé, vol en réunion et destruction des biens d'autrui par des moyens dangereux pour les personnes. Par un jugement du 29 septembre 2017 du tribunal correctionnel de Cahors, il a été par ailleurs condamné à trois mois d'emprisonnement pour inexécution d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière à titre de peine. Alors qu'il était écroué au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, le 8 juin 2020, le préfet des Landes a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France durant trois ans. M. C... fait appel du jugement du 18 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est arrivé en France en 2011 mais qu'il n'y a séjourné régulièrement que le temps de l'examen de sa demande d'asile, qu'il s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et qu'il est incarcéré depuis le mois d'août 2016. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, il a notamment été condamné à cinq ans d'emprisonnement par la cour d'appel de Toulouse pour détention frauduleuse de faux documents administratifs, vol aggravé, vol en réunion et destruction des biens d'autrui par des moyens dangereux pour les personnes. Il fait état d'une relation avec une Française, mère de six enfants, qui lui rend visite en détention avec les enfants, et qui doit l'héberger à sa sortie de prison. Toutefois, ni les attestations de l'intéressée des 10 mai et 20 septembre 2020, peu circonstanciées, certifiant " être sa concubine depuis plus de deux ans " et le connaître depuis 2013 et indiquant qu'il vivrait avec elle à sa sortie de prison et qu'ils avaient un projet de mariage, ni les attestations de proches, également peu circonstanciées, faisant état d'une " relation de couple ", ne suffisent à corroborer l'existence d'une relation stable, dès lors, notamment, qu'il est constant qu'il n'a jamais existé de vie commune entre eux et que M. C... ne produit aucun document attestant de visites durant sa détention. Le courrier de la mairie de Mont-de-Marsan du 2 septembre 2020, postérieur à la décision attaquée, faisant état d'une demande de célébration de mariage ne suffit pas davantage à confirmer l'intensité de la relation dont l'intéressé fait état. Dans ces circonstances, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé en France, alors même qu'avant son incarcération, il a été scolarisé en France, a suivi des cours de langue française et a été membre d'un club de boxe, l'arrêté pris à son encontre ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

4. Si M. C... déclare avoir de nouveau déposé une demande d'asile en Allemagne qui serait en cours d'examen, il ne produit aucun élément permettant de corroborer ses affirmations.

5. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. M. C... soutient qu'il ne peut être éloigné à destination de la Russie dès lors qu'il a quitté sa province natale, la Tchétchénie, pour échapper à des menaces de mort, son père ayant aidé des combattants tchétchènes pendant la guerre avant de mourir, et sa mère et son frère ayant subi de graves représailles. Il affirme avoir été violemment agressé alors qu'il avait 16 ans et faire l'objet d'une demande d'extradition pour de prétendus vols mais en réalité pour des raisons politiques. Toutefois, ni le certificat médical qu'il produit, faisant état d'une hospitalisation en 2011 pour un traumatisme cranio-cérébral suite à un " accident domestique ", ni le bilan médical datant de 2010, faisant également état de blessures suite à une chute, ni le certificat de décès de son père, ni, enfin, les articles de presse concernant des opposants tchétchènes avec lesquels il ne démontre aucun lien, ne permettent de tenir pour établis les risques allégués par M. C... dont la demande d'asile et la demande de réexamen ont au demeurant été rejetées, ainsi qu'il a été dit précédemment, par l'OFPRA et la CNDA. Le moyen tiré des dispositions et stipulations précitées doit, par suite, être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 juin 2020. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

Le président-rapporteur,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX03414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03414
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL DUTIN FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-09;20bx03414 ?
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