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09/02/2021 | FRANCE | N°19BX00885

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 février 2021, 19BX00885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Q... L..., Mme J... C..., M. B... L... et Mme N... M..., agissant en qualité de représentante légale de son fils F... L..., ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique à leur verser la somme de 151 254,13 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. H... L....

Par un jugement n° 1700635 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le CHU de Martinique à verser à Mme

Q... L... la somme de 6 000 euros, à Mme J... C... la somme de 11 685,17 euros, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Q... L..., Mme J... C..., M. B... L... et Mme N... M..., agissant en qualité de représentante légale de son fils F... L..., ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique à leur verser la somme de 151 254,13 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. H... L....

Par un jugement n° 1700635 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le CHU de Martinique à verser à Mme Q... L... la somme de 6 000 euros, à Mme J... C... la somme de 11 685,17 euros, à M. B... L... la somme de 20 000 euros et à Mme N... M..., en sa qualité de représentante légale de M. F... L..., la somme de 20 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2019 et le 2 octobre 2020, Mme Q... L..., Mme J... C..., M. B... L... et Mme N... M..., agissant en qualité de représentante légale de son fils F... L..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a refusé d'indemniser les souffrances endurées par M. H... L... avant son décès et limité à 6 000 euros l'indemnisation du préjudice d'affection subi par sa mère, Mme Q... L... ;

2°) de condamner le CHU de Martinique à verser la somme de 30 000 euros aux ayants droits de M. H... L... en réparation des souffrances qu'il a endurées et de porter à 25 000 euros la somme que cet établissement de santé a été condamné à verser à Mme Q... L... en réparation de son préjudice d'affection, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de leur demande devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Martinique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il retient la responsabilité du CHU de Martinique et quant aux montants qu'il a condamné cet établissement de santé à verser au titre des différents postes de préjudices excepté pour ce qui concerne le préjudice d'affection de Mme Q... L... et les souffrances endurées par M. H... L... avant son décès ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'absence de lien de causalité entre les souffrances endurées par M. H... L... avant son décès et les fautes commises par le CHU de Martinique ; ce préjudice résultant d'un défaut de diagnostic et de prise en charge adéquate, qui doit être évalué à 5 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ;

- les premiers juges ont fait une insuffisante évaluation du préjudice d'affection de Mme Q... L..., qui doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juillet 2020 et le 20 octobre 2020, le CHU de Martinique, représenté par la SELARL Fabre Savary Fabbro, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les souffrances endurées par M. H... L... au cours de la nuit ne sont pas établies ; quand bien même les examens nécessaires auraient été réalisés, ils n'auraient pas eu d'effet sur les éventuelles douleurs de l'intéressé ;

- les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice d'affection de Mme L....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... I...,

- les conclusions de Mme R... D..., rapporteure publique,

- et les observations de Me O..., représentant le CHU de Martinique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H... L..., alors âgé de 43 ans, a été transféré au service des urgences du CHU de Martinique dans la soirée du 21 mars 2014 en raison de violentes douleurs abdominales péri-ombilicales ayant débuté sur un mode bénin dans l'après-midi. Il est décédé le lendemain matin à 7h48 des suites d'un arrêt cardio-respiratoire. Ses proches ont saisi la commission interrégionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Guadeloupe-Martinique qui, après réalisation d'une expertise, a retenu, par un avis du 2 février 2017, que la réparation des préjudices résultant du décès de M. H... L... incombait au CHU de Martinique compte tenu des fautes commises à l'occasion de sa prise en charge. Mme Q... L..., mère de la victime, Mme J... C..., sa soeur, M. B... L..., son fils, et Mme N... M..., agissant en qualité de représentante légale de son deuxième fils F... L..., relèvent appel du jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation qu'ils ont présentée au titre des souffrances endurées par M. H... L... avant son décès et en tant qu'il a limité à 6 000 euros la somme allouée à Mme Q... L... en réparation de son préjudice d'affection.

2. Le CHU de Martinique ne conteste pas que les fautes commises lors de la prise en charge de M. H... L..., soit l'absence de tout examen permettant d'éliminer les diagnostics mettant en jeu son pronostic vital et l'absence de diagnostic différentiel, sont à l'origine de son décès dans la matinée du 22 mars 2014. Ne sont pas davantage contestés par les parties l'indemnisation accordée par les premiers juges en réparation des préjudices d'affection de Mme J... C..., de M. B... L... et de M. F... L... ainsi qu'au titre des frais d'obsèques et de transport exposés par Mme J... C....

3. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède sans que ses droits aient été définitivement fixés, c'est-à-dire, en cas de litige, avant qu'une décision juridictionnelle définitive ait fixé le montant de l'indemnisation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.

4. M. H... L... a été pris en charge par le service des urgences du CHU de Martinique, vers 21h, le 21 mars 2014 et il est déclaré décédé le lendemain matin à 7h48 des suites d'un arrêt cardio-respiratoire. Les requérants soutiennent qu'il a, durant ces quelques heures, enduré d'intenses souffrances en raison des fautes commises par le CHU dans sa prise en charge. L'expert désigné par la CCI de Guadeloupe-Martinique, qui n'a pas retenu de souffrances endurées par la victime, a relevé dans le dossier médical de M. L... que l'intéressé se plaignait à son arrivée aux urgences du CHU " de douleurs épigastriques brutales " et que l'administration d'antalgiques a alors été demandée, qu'à 0h27, le médecin note " va nettement mieux sous Mopral (dort, non algique et pas de vomissements) ", et quelques minutes plus tard, l'infirmière consigne que le patient est " conscient, cohérent " et ajoute que les antalgiques ont été administrés. A 3h, le médecin note " patient calme, préfère dormir " et, enfin, à 4h l'infirmière relève " patient toujours algique, antalgique palier 2 effectué ". Ces éléments permettent d'établir que M. L... a bénéficié d'un traitement de ses douleurs par antalgiques, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été insuffisant. Si Mme C..., soeur de la victime, produit pour la première fois en appel, une attestation rapportant les propos de sa soeur alors présente à l'hôpital et selon laquelle leur frère se serait plaint à plusieurs reprises de douleurs à l'abdomen, ainsi que les propos du médecin lui ayant appris le décès de son frère et de l'infirmière l'ayant vu vivant pour la dernière fois selon lesquels il aurait beaucoup souffert, cette seule attestation qui n'est corroborée par aucun autre élément, ne saurait suffire à établir que M. L... aurait enduré des douleurs telles que l'abstention du CHU de Martinique d'y remédier aurait été fautive. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'expertise ni d'aucun élément au dossier que M. L... aurait enduré des souffrances particulières du fait de son arrêt cardio-respiratoire, dont le CHU de Martinique indique sans être contredit qu'il a été brutal. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation en temps utile des examens nécessaires aurait permis d'éviter à M. L... les douleurs dont il a souffert avant son décès, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'absence de lien de causalité entre les souffrances que la famille de la victime soutient qu'il a endurées et les fautes commises par le CHU de Martinique rappelées au point 2.

5. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice d'affection de Mme Q... L..., qui ne cohabitait pas avec son fils, en lui allouant une somme de 6 000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 janvier 2019. Leurs conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en toute hypothèse, celles relatives aux " dépens ". Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que demande le CHU de Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Q... L..., Mme J... C..., M. B... L... et Mme N... M... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU de Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Q... L..., Mme J... C..., M. B... L..., Mme N... M..., au centre hospitalier universitaire de Martinique et à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme P... K..., présidente,

Mme A... G..., présidente-assesseure,

Mme E... I..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2021.

La rapporteure,

Kolia I...

La présidente,

Catherine K...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00885
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-09;19bx00885 ?
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