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04/02/2021 | FRANCE | N°19BX00514

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 04 février 2021, 19BX00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 837 euros correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû, selon lui, bénéficier depuis 2009, ou à défaut la somme de 8 555 euros, et la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'absence d'avancement.

Par un jugement n° 1603493 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et le 21 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 837 euros correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû, selon lui, bénéficier depuis 2009, ou à défaut la somme de 8 555 euros, et la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'absence d'avancement.

Par un jugement n° 1603493 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et le 21 septembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 29 836,28 euros correspondant à l'évolution de sa rémunération depuis 2009, à titre subsidiaire la somme de 13 705,54 euros et à titre plus subsidiaire la somme de 10 205,26 euros, et en tout état de cause, la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'absence d'avancement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 19 avril 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les articles 1-3 et 1-4 du décret n° 86-83, dans leur rédaction issue du décret du 12 mars 2007, qui ne s'appliquent qu'aux seuls agents employés à durée indéterminée, sont contraires au principe de non-discrimination ; ce décret est contraire à la clause 4 point 1 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l'annexe de la directive 1999/70 ; en appliquant ces dispositions l'Etat a commis une faute ;

- en considérant que les agents contractuels recrutés sur contrat à durée déterminée et les agents recrutés en contrat à durée indéterminée ainsi que les fonctionnaires ne se trouvent pas dans une même situation juridique alors même qu'ils occupent les mêmes fonctions, le tribunal a commis une erreur de droit, aucune raison objective n'étant alléguée pour justifier une différence de traitement ;

- depuis l'introduction de l'article 1-3 par le décret du 3 novembre 2014, instaurant l'obligation de réévaluation de la rémunération des agents en contrat à durée déterminée au même titre que les agents en contrat à durée indéterminée, l'académie de Toulouse a refusé de le mettre en oeuvre jusqu'en septembre 2017 ; le tribunal a instauré une condition qui ne figure pas dans le texte en ce que l'article 18 du décret du 3 novembre 2014 n'instaure pas une période de trois ans à compter du début du contrat à durée indéterminée pour effectuer la réévaluation ; la perte correspondante à l'absence d'avancement en tant qu'agent contractuel en application de ce décret doit être évaluée à la somme de 13 705,54 euros ; s'il était considéré que le reclassement aurait dû être effectué à la date de publication du décret en tenant compte des services antérieurs des trois années précédentes, la perte correspondante à l'absence d'avancement serait évaluée à 10 205,26 euros ;

- faute de régularisation dans le délai imparti par les textes règlementaires, il a subi divers préjudices, notamment dans ses conditions d'existence du fait de sa situation précaire et un préjudice moral, évalués à la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la majoration du montant des indemnités demandées en première instance sont irrecevables en l'absence d'aggravation du dommage postérieurement au jugement attaqué ;

- les créances pour la période allant du 27 novembre 2009 au 31 décembre 2011 sont prescrites en vertu des dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 dans sa version issue du décret du 12 mars 2007 ne méconnait pas le principe de non-discrimination dès lors que les professeurs contractuels en contrat à durée déterminée et les fonctionnaires ou agents en contrat à durée indéterminée ne se trouvent pas dans la même situation juridique au regard du service public, alors même qu'ils exerceraient les mêmes fonctions ; de plus, la grille de rémunération du rectorat de Toulouse n'a pas de valeur règlementaire ; par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'article 1-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 dans sa version issue du décret du 12 mars 2007 n'est pas fondé ;

- l'appelant ne justifie pas d'un préjudice financier direct et certain dès lors que l'article 2 du décret du 3 novembre 2014 prévoit la réévaluation de la rémunération des agents recrutés sous contrat à durée déterminée à la condition que cette durée ait été effectuée de manière continue et selon les résultats des entretiens professionnels de l'agent ou l'évolution de ses fonctions ;

- l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence de troubles dans ses conditions d'existence ; il ne démontre ni le caractère certain du préjudice qu'il estime avoir subi, ni le lien de causalité direct entre ce préjudice et l'absence de rémunération dont il estime devoir bénéficier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du conseil du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 81-535 du 12 mai 1981 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., professeur contractuel en technologie depuis le 24 novembre 2007 en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter du 6 mai 2014, a saisi le rectorat de Toulouse, par un courrier du 10 avril 2016 reçu le 19 avril 2016, d'une demande tendant à obtenir réparation de la perte de traitement subie depuis 2009 et des troubles dans les conditions d'existence qui en sont la conséquence. En l'absence de réponse expresse, est née une décision implicite de rejet le 19 juin 2016. M. B... relève appel du jugement du 5 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 837 euros, ou à défaut la somme de 8 555 euros, correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû bénéficier et la somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'il estime avoir subis. Il demande à la cour la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 31 979,41 euros correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû bénéficier entre les mois de novembre 2009 et février 2019 et à titre subsidiaire la somme de 10 490,34 euros correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû bénéficier entre les mois de novembre 2011 et février 2019 et à titre plus subsidiaire, la somme de 8 667,36 euros correspondant à l'évolution de la rémunération dont il aurait dû bénéficier entre les mois de novembre 2014 et février 2019 ainsi que la somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'il estime avoir subis.

Sur la responsabilité :

2. En premier lieu, pour caractériser la faute qui aurait été commise par l'Etat à son égard, M. B... fait valoir qu'il n'a pas bénéficié, entre les mois de novembre 2009 et mai 2014, de la réévaluation de sa rémunération dans les mêmes conditions que celles prévues, pour les agents recrutés par un contrat à durée indéterminée, par la grille indiciaire applicable, sur l'académie de Toulouse, aux agents contractuels. Toutefois, d'une part, cette grille ne peut être regardée comme ayant une valeur réglementaire et, d'autre part, M. B... n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il aurait pu prétendre, par ses compétences et son expérience, à un réexamen de sa rémunération au cours de la période en cause ou qu'un tel réexamen lui aurait été refusé lors du renouvellement de ses contrats à durée déterminée. Par ailleurs, la rémunération de M. B... n'ayant pas été fixée en application de l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générale applicables aux agents contractuels de l'Etat, dans sa rédaction issue du 12 mars 2007, il ne peut pas utilement invoquer, pour caractériser une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à son égard en raison de l'absence de réexamen de sa rémunération, la méconnaissance, par ce décret, de la clause 4 de l'accord-cadre, annexé à la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999 qui a pour portée de proscrire les différences de traitement opérées entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable. Au demeurant, cet article ne fait pas obstacle, ainsi que l'a jugé le tribunal, à ce que l'ancienneté dans leurs fonctions soit prise en compte pour calculer la rémunération des enseignants recrutés dans le cadre d'un contrat à durée déterminée lors du renouvellement de leurs contrats. Dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée à l'égard de M. B... du fait de l'absence de réévaluation de sa rémunération durant la période comprise entre les mois de novembre 2009 et de mai 2014.

3. En second lieu, aux termes de l'article 18 du décret du 3 novembre 2014 modifiant le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " I. Pour les contrats en cours à la date de publication du présent décret, les périodes sous contrat antérieures à cette date sont prises en compte pour le calcul de la durée de trois ans prévue à l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 susvisé dans sa rédaction issue du présent décret (...) ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la date d'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2014, M. B... était engagé par un contrat à durée indéterminée depuis le 6 mai 2014, seul contrat devant être pris en compte pour le calcul de la durée de trois ans prévue à l'article 1-3 du décret précité, et que sa rémunération a été réévaluée au deuxième niveau de rémunération des professeurs contractuels deuxième catégorie à compter du 1er septembre 2016. Ainsi, M. B... a bénéficié d'une réévaluation avant l'expiration de la période de trois ans prévue à l'article 1-3 du décret du 17 janvier 1986 dans sa rédaction issue du décret du 3 novembre 2014. Par suite, l'administration n'a pas commis de faute.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée et l'exception de prescription quadriennale invoquée que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

Le rapporteur,

D...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00514 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00514
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : WEYL TAULET ASSOCIES (WTA AVOCATS)

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-04;19bx00514 ?
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