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19/01/2021 | FRANCE | N°20BX03453,20BX03454

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 janvier 2021, 20BX03453,20BX03454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002825 du 30 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 9 mars 2020 et a enjoint au préfet de la Ha

ute-Garonne de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de trois mois...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002825 du 30 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté préfectoral du 9 mars 2020 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03453 le 16 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- si l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) produit en première instance ne fait pas apparaitre la signature du docteur Mesbahy, c'est en raison d'une simple erreur matérielle due à un problème informatique ;

- l'avis du collège des médecins de l'OFII produit comporte toutes les indications imposées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatifs aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment les signatures des trois médecins composant le collège, à savoir le docteur Candillier, le docteur Ortega et le docteur Mesbahy ;

- Mme A... n'a apporté aucun élément qui laisserait penser que les médecins de l'OFII n'auraient pas respecté la procédure collégiale ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a considéré que l'arrêté du 9 mars 2020 devait être annulé en l'absence de collégialité des débats entre les médecins de l'OFII ;

- l'état de santé de Mme A... ne justifie pas l'octroi d'un titre de séjour dans la mesure où elle peut justifier de soins au Tchad de manière effective.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté en date du 9 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à la mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- ces décisions sont entachées d'un vice de procédure en méconnaissance des articles R. 511-1, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que deux avis concernant sa demande de titre de séjour, portant la même date avec des contenus différents, ont été produits ; ces avis comportent des discordances, notamment la signature manquante du docteur Mesbahy sur l'avis produit par la préfecture ; elle a été privée d'une garantie dès lors qu'aucun élément ne permet de justifier qu'un débat collégial entre les trois médecins a eu lieu sur sa situation médicale ;

- elles sont entachées d'un vice de procédure en méconnaissance des articles R. 511-1, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a produit des nouveaux documents médicaux le 27 janvier 2020 qui ont été transmis, selon l'administration, au médecin coordonnateur de la zone OFII ; d'une part, aucune pièce produite par l'administration ne justifie de la transmission des nouveaux documents et de la réponse du médecin coordonnateur ; d'autre part, seul le collège de l'OFII est compétent pour apprécier la pertinence des éléments médicaux présentés puisqu'elle faisait valoir une nouvelle pathologie, or le médecin coordonnateur a outrepassé ses compétences en ne soumettant pas les nouvelles pièces médicales à l'approbation du collège des trois médecins ; elle a été privée d'une garantie ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une part, elle présente également des troubles psychosomatiques pour lesquels elle est prise en charge depuis le mois de mai 2018 et sur lesquels les médecins du collège de l'OFII ne sont pas prononcés dans le cadre de leur avis du 29 mars 2019 et, d'autre part, le levothyrox 100 n'est pas disponible dans son pays d'origine, elle ne pourra donc pas y bénéficier d'un traitement approprié ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne peut mener une vie normale au Tchad et que sa fille mineure réside au Cameroun.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement efficace dans son pays d'origine.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX03454 le 16 octobre 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 septembre 2020.

Il soutient que :

- ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- il soulève des moyens sérieux dans sa requête au fond ; en effet, contrairement à ce qu'a considéré le juge de première instance, l'avis du collège des médecins de l'OFII comporte bien les trois signatures des médecins composant le collège ; Mme A... ne justifie pas de l'octroi d'un titre de séjour dans la mesure où elle peut bénéficier de soins au Tchad de manière effective.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête du préfet de la Haute-Garonne n'est pas recevable dès lors qu'il se borne à faire référence à sa requête d'appel sans exposer les moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- cette requête ne remplit pas les conditions énumérées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité tchadienne, née le 4 avril 1981, est entrée en France, selon ses dires, le 3 mars 2017. Le 14 juin 2017 elle a sollicité le bénéfice de l'asile. Elle a sollicité, le 15 novembre 2018, son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 12 janvier 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 décembre 2019. Par un arrêté en date du 9 mars 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par la requête n° 20BX03453, le préfet de la Haute-Garonne, relève appel de ce jugement et, par la requête n° 20BX03454, il demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 20BX03453 et n° 20BX03454 présentées par le préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour déposée par Mme A... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis le 29 mars 2019. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que, compte tenu de l'absence de signature des trois membres du collège des médecins de l'OFII sur l'avis produit et de l'absence de précision permettant d'éclairer ces points, la garantie tenant à la collégialité des débats entre médecins du collège n'avait pas été respectée. Il ressort toutefois des pièces produites en appel par le préfet de la Haute-Garonne, en particulier de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 29 mars 2019 produit avec une résolution plus nette ainsi que du courriel adressé le 5 octobre 2020 par le Docteur Charles Candillier, médecin coordonnateur de Zone de l'OFII, que cet avis comporte la signature des trois médecins composant le collège, à savoir le docteur Candillier, le docteur Ortega et le docteur Mesbahy. Dès lors, la garantie tenant à la collégialité des débats entre médecins du collège de l'OFII a bien été respectée. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le vice de procédure résultant de l'absence de preuve de la collégialité des débats, pour annuler son arrêté du 9 mars 2020.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance et en appel.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est atteinte d'une thyroïdite de Hashimoto nécessitant une prise en charge médicale, ainsi que d'autres pathologies nécessitant un suivi, notamment des troubles psychosomatiques. Pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 29 mars 2019 qui précise que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Mme A... fait valoir que le traitement " Levothyroxine 75 mg " qui lui est prescrit n'est pas disponible au Tchad, que le système de santé tchadien est en manque de personnel, de moyens financiers et de médicaments et qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical établi le 24 septembre 2020 par un médecin généraliste du centre de santé " La case de Santé " à Toulouse postérieur à l'arrêté en litige mais révélant un état de fait antérieur, que l'état de santé de Mme A... " sur le plan thyroïdien est stabilisé sous Levothyrox 75 ", que " son traitement est nécessaire à vie et ceci sans interruption ", que " en l'absence de prise en charge médicale qui comprend à la fois les traitements et le suivi clinique, par examen complémentaires et par le spécialiste endrocrinologue il existe un risque de conséquences somatiques d'une exceptionnelle gravité. (Pour exemple : cécité, troubles du rythme cardiaque grave, augmentation de la mortalité, ...) " et que " cette prise en charge n'est pas accessible dans son pays d'origine ". Le certificat médical établi le 24 septembre 2020 précise également, concernant le système de santé au Tchad, que " des rapports sur les maladies non transmissibles, pour lesquels les pathologies endocriniennes font parties, font un état des lieux d'insuffisance d'accès aux soins et à la prise en charge " et conclut que " le risque d'exceptionnelle gravité en l'absence de la prise en charge médicale requise chez Mme A... est bien réel. Cette prise en charge n'étant pas disponible eu égard à l'offre de soins et au moyen effectif de ce patient, il est nécessaire qu'elle puisse bénéficier d'un titre de séjour pour soin sur le territoire français. ". Il ressort également d'un certificat médical en date du 11 décembre 2018 établi par un autre médecin généraliste du centre de santé " La case de santé " que Mme A... est atteinte d'une " thyroïdite auto immune " traitée par Levothyrox 75, que cette maladie est " stable sous Levothyrox ", qu'il existe des " risques potentiels à court terme " en cas d'absence de traitement, notamment des risques cardiovasculaires et l'apparition d'autre maladies auto immunes, et que le " système de santé tchadien est caractérisé par une faible utilisation des formations sanitaires, des soins de faible qualité, un personnel de santé insuffisant et des approvisionnements en intrants (médicaments et consommables) irréguliers ". Enfin, Mme A... produit deux attestations médicales de deux dépôts pharmaceutiques du ministère de la santé du Tchad, de Nouni et Sahha, en date du 7 août 2020 et du 20 octobre 2020, selon lesquelles le Levothyrox n'est pas disponible au Tchad et que son équivalence est très difficile à prescrire du fait de la complication sur la patiente. Les allégations, sérieuses et étayées de la requérante, qui justifie d'ailleurs avoir subi des complications ophtalmiques et cardiaques liées à sa pathologie avant son traitement médicamenteux, ne sont pas démenties par l'administration, qui se borne à produire une liste nationale des médicaments essentiels disponibles au Tchad datant d'octobre 2007, donc antérieure de plus de 13 ans à la décision et sur laquelle figure d'ailleurs seulement le " Levotyrox 100 ". Par suite, Mme A... est fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté en litige, le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède, que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 9 mars 2020.

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, eu égard aux motifs d'annulation retenus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une modification de la situation de droit ou de fait y ferait obstacle, implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne délivre à Mme A... un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à la requérante ce titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

10. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 20BX03454 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX03454 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2002825 du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse.

Article 2 : La requête n° 20BX3453 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me E... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... C..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

La présidente-rapporteure,

Evelyne C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03453, 20BX03454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03453,20BX03454
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-19;20bx03453.20bx03454 ?
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