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19/01/2021 | FRANCE | N°20BX02742,20BX02743

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 janvier 2021, 20BX02742,20BX02743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 mars 2018 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté son recours gracieux présenté à 1'encontre de la décision du 6 décembre 2017 refusant de lui délivrer une carte de résident.

Mme F... B..., épouse I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un juge

ment n° 1803717, 1804789 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 29 mars 2018 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté son recours gracieux présenté à 1'encontre de la décision du 6 décembre 2017 refusant de lui délivrer une carte de résident.

Mme F... B..., épouse I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 1803717, 1804789 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaires enregistrés les 21 août et 23 octobre 2020 sous le numéro 20BX02742, Mme B... épouse I..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer la carte de résident demandée, ou à défaut de se prononcer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que la décision méconnait les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient que le moyen n'est pas fondé.

II. Par une requête et un mémoire complémentaires, enregistrés les 21 août et 23 octobre 2020, sous le numéro 20BX02743, M. I..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer la carte de résident demandée, ou à défaut de se prononcer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que la décision méconnait les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient que le moyen n'est pas fondé.

Mme I... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-congolaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 31 juillet 1993 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la sécurité sociale ;

-la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. H... G..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme I... sont entrés en France au cours de 1'année 2010 et ont bénéficié de la délivrance de titres de séjour en raison de leur état de santé depuis novembre 2012. Le 2 octobre 2017 et le 13 novembre 2017, M. et Mme I... ont sollicité chacun la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 6 décembre 2017, confirmée le 29 mars suivant, et une décision du 16 juillet 2018 le préfet de la Gironde a opposé un refus à leurs demandes respectives. M. et Mme I... relèvent appel du jugement en date du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'annuler ces décisions.

2. Aux termes de l'article 11 de la convention franco-congolaise susvisée : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de longue durée, dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit. ".Aux termes de l'article L 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; 3° D'une assurance maladie. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" doit justifier qu'il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : (...) 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande. (...) / Les justificatifs prévus au 2° du présent article ne sont pas exigés de l'étranger titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ".

3. Aux termes de l'article L. 821-1 code sécurité sociale, dans sa version applicable : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. (...) ". Aux termes de l'article L. 821-2 du même code : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret. (...) ". Aux termes de l'article D. 821-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2, ce taux est de 50 % (...) ".

4. Si les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale prévoient des conditions différentes pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, elles n'instituent pas deux allocations distinctes. La loi du 7 mars 2016, en modifiant l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a dispensé celui qui demande la délivrance d'une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" de la condition tenant à l'existence de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, dans le cas où il est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés. Le législateur, en faisant alors référence au seul article L. 821-1, n'a pas entendu limiter le champ de la dérogation qu'il instituait aux seuls titulaires de l'allocation aux adultes handicapés qui en bénéficient au titre de l'article L. 821-1, mais a entendu viser l'ensemble des personnes titulaires de cette allocation.

5. Il est constant qu'à la date des décisions contestée, M. et Mme I... étaient titulaires de l'allocation aux adultes handicapés en vertu de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale. Par suite, en opposant aux requérants qu'ils ne remplissaient pas les conditions de ressources prévues à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Gironde a méconnu les dispositions précitées de ce code. Ces décisions doivent donc être annulées.

6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme I... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". L'article L. 911-3 du même code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

8. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Gironde, après avoir également constaté que les requérants ne pouvaient prétendre au renouvellement de leur titre de séjour " étranger malade " sur le fondement des dispositions du point 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a néanmoins décidé de leur délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce même code en raison de leur situation familiale et de l'ancienneté de leur séjour sur le territoire français. Dès lors qu'il est constant que M. et Mme I... satisfont à l'ensemble des conditions prévues par les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer de plein droit une carte de résident portant la mention 'résident de longue durée-UE', il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de leur délivrer cette carte de résident dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. M. et Mme I... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 et les décisions du 6 décembre 2017 et du 16 juillet 2018 par lesquelles le préfet de la Gironde a opposé un refus aux demandes de carte de résident de longue durée - UE de M. et Mme I... et la décision du 29 mars 2018 rejetant le recours gracieux dirigé contre la décision du 6 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " à M. A... I... et Mme F... B... I... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3: L'Etat versera à Me C... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., épouse I..., à M. A... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera communiquée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... D..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. H... G..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

La présidente,

Evelyne D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 20BX02742, 20BX02743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02742,20BX02743
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : PERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-19;20bx02742.20bx02743 ?
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