Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision en date du 27 septembre 2016 par laquelle le maire de Villeneuve d'Aveyron a procédé au retrait du certificat d'urbanisme positif qui lui a été délivré le 8 août 2016 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 24 janvier 2017.
Par un jugement n° 1701118 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du maire de Villeneuve d'Aveyron en date du 27 septembre 2016 et la décision de rejet implicite du recours gracieux du 23 novembre 2016.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés le 25 janvier 2019 et le 27 novembre 2020, la commune de Villeneuve d'Aveyron, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. E... ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- les pièces produites en appel permettent d'établir que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'arrêté préfectoral du 14 janvier 1991 autorisant la création de la ZPPAUP de Villeneuve d'Aveyron avait fait l'objet de mesures de publicité adéquates et pouvait fonder la décision de retrait du 27 septembre 2016 ;
- contrairement à ce qu'a soutenu M. E... le conseil municipal n'a pas contesté la création de la ZPPAUP et le maire n'a jamais considéré que la zone 2 était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le maire ne s'est pas estimé lié par l'avis de la DRAC ou de l'ABF ;
- le bourg de Villeneuve est visible depuis le terrain d'assiette du projet et le classement de celui-ci en zone 2 du règlement du site patrimonial remarquable est justifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2019, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Villeneuve d'Aveyron au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- la requête, qui se contente de reproduire les écritures présentées en première instance, est irrecevable ;
- le moyen retenu par les premiers juges est fondé, les pièces produites par la commune n'apportant pas la preuve de la publication effective de l'arrêté du 14 janvier 1991 au RAA de la préfecture de l'Aveyron ;
- les autres moyens de première instance sont fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;
- le décret n° 84-304 du 25 avril 1984 relatif aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... F...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., représentant la commune de Villeneuve d'Aveyron, et de Me I... représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a déposé le 30 mars 2016 une demande de certificat d'urbanisme concernant la parcelle cadastrée O-H-1424 située au lieu-dit " Cantaduc ", sur le territoire de la commune de Villeneuve d'Aveyron, en vue de réaliser un lotissement de quinze à vingt lots. Le 8 août 2016, le maire de Villeneuve d'Aveyron lui a délivré un certificat d'urbanisme positif mentionnant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée, sous réserve de déposer une demande de permis d'aménager avant tout dépôt de permis de construire. Toutefois, par un nouveau certificat du 27 septembre 2016, le maire a procédé au retrait du certificat d'urbanisme positif et informé M. E... que le terrain, situé dans la zone 2 du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural et urbain et paysager, devenue site patrimonial remarquable, où ne sont autorisés que des travaux d'aménagement ayant trait au développement de l'agriculture, ne pouvait pas être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée. La commune de Villeneuve d'Aveyron relève appel du jugement en date du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé le certificat d'urbanisme du 27 septembre 2016 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux de M. E... du 23 novembre 2016.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la requête d'appel, que contrairement à ce que soutient M. E..., la commune de Villeneuve d'Aveyron, qui était défendeur en première instance, soulève des moyens d'appel, et ne peut donc être regardée comme se bornant à se référer à sa demande de première instance. La fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ne peut, par suite, qu'être écartée.
Sur le motif retenu par les premiers juges :
3. D'une part, aux termes de l'article 70 de la loi du 9 janvier 1983 susvisée : " Sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées, des zones de protection du patrimoine architectural et urbain peuvent être instituées autour des monuments historiques et dans les quartiers et sites à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique ou historique. / Des prescriptions particulières en matière d'architecture et de paysage sont instituées à l'intérieur de ces zones ou parties de zones pour les travaux mentionnés à l'article 71. / Après enquête publique, avis du collège régional du patrimoine et des sites et accord du conseil municipal de la commune intéressée, la zone de protection est créée par arrêté du représentant de l'Etat dans la région. (...) ". En vertu de l'article L. 642-8 du code du patrimoine, applicable aux faits du litige : " Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mises en place avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 continuent à produire leurs effets de droit jusqu'à ce que s'y substituent des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine et, au plus tard, dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi ". D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret n° 84-304 du 25 avril 1984 relatif aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, alors applicable : " L'arrêté du commissaire de la république de région portant création d'une zone de protection du patrimoine architectural et urbain est publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du ou des départements où se trouve la zone. Il est fait mention de cet arrêté en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département. L'arrêté ministériel ou interministériel créant une zone est publié au journal officiel de la République Française. Les effets juridiques attachés à la création de la zone ont pour point de départ l'exécution des formalités de publication prévue au présent article. ".
4. Il ressort des pièces produites par la commune de Villeneuve d'Aveyron en appel, que l'arrêté du préfet de l'Aveyron en date du 14 janvier 1991 instituant une zone de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU) sur son territoire communal a été régulièrement publié dans le recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aveyron de mars 1991 et qu'il a été fait mention de cet arrêté dans deux journaux parus les 19 et 20 décembre 1991. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'opposabilité des dispositions de cet arrêté préfectoral pour annuler le certificat d'urbanisme négatif du 27 septembre 2016 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. E... du 23 novembre 2016.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E....
Sur les autres moyens soulevés par M. E...:
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration: " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L.211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par ces dispositions constitue une garantie pour le bénéficiaire d'une décision que l'autorité administrative entend rapporter. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration constitue une garantie pour le bénéficiaire du certificat d'urbanisme que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que son bénéficiaire a été effectivement privé de cette garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 8 septembre 2016, reçu le lendemain, la commune de Villeneuve d'Aveyron a, d'une part, informé M. E... que la parcelle au titre de laquelle il avait sollicité la délivrance d'un certificat d'urbanisme étant située dans la zone 2 du règlement de la ZPPAU, le certificat d'urbanisme du 8 août 2016 lui indiquant que la réalisation de son projet de lotissement de quinze à vingt lots était possible sous réserve de déposer un permis d'aménager était illégale et qu'elle envisageait de procéder à son retrait et l'a, d'autre part, invité à présenter ses observations écrites ou orales avant le 15 septembre suivant. M. E... a présenté dès le 13 septembre 2016 des observations écrites contestant les motifs du retrait envisagé par le maire et n'a pas sollicité de demande d'entretien. En outre, il ne fait pas état d'éléments dont il n'aurait pu faire mention dans le délai imparti. Par suite, il ne ressort pas des circonstances de l'espèce qu'il ait été privé de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 précité.
8. En deuxième lieu, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.
9. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.
10. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé [...] ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
11. Il résulte des points 8 à 10 que dès lors qu'il ressort des pièces produites par la commune de Villeneuve d'Aveyron devant la cour que l'arrêté du préfet de la région Midi-Pyrénées du 14 janvier 1991 portant création de la zone de protection du patrimoine architecturale et urbain sur la commune de Villeneuve d'Aveyron a été publié au recueil des actes administratifs de mars 1991 et est devenu définitif, M. E... ne peut utilement invoquer l'illégalité de cet arrêté en soutenant que la commune ne justifie pas de la régularité de l'affichage de la décision de mettre à l'étude le projet de ZPPAUP ni des mesures de publicité et d'affichage de l'avis de l'enquête publique relative à la création de cette zone de protection.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du règlement de la ZPPAUP, que la zone 2 de ce document a été définie comme la zone d'approche de la ville en raison de sa proximité avec la partie historique de la commune, correspondant au noyau ancien augmenté de ses faubourgs, et que les dispositions applicables à cette zone ont vocation à maintenir son caractère peu habité en y encourageant les activités agricoles sans autoriser la construction de bâtiments agricoles ou de constructions pour quelque usage que ce soit. La circonstance que le noyau historique de la ville, et notamment les monuments classés, ne seraient pas visibles de la parcelle du requérant, n'est pas de nature à entacher d'erreur manifeste d'appréciation la décision de classement de la totalité de la parcelle en zone 2 alors qu'elle est située à moins de deux cents mètres du quartier historique en limite de la zone 1 de la ZPPAUP. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
13. En quatrième lieu, la seule circonstance que le maire de Villeneuve d'Aveyron ait été averti de l'erreur commise en délivrant, en application du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, le certificat d'urbanisme positif du 8 août 2016, par un courrier que l'architecte des Bâtiments de France a adressé le 11 août 2016 au pétitionnaire, n'est pas de nature à établir qu'il aurait commis une erreur de droit ou se serait cru lié par ce courrier et aurait méconnu l'étendue de sa compétence compte tenu notamment des termes de la décision attaquée constatant qu'aucune construction nouvelle n'est autorisée sur la parcelle en application du règlement de la zone 2 de la ZPPAUP. Par suite le moyen doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Villeneuve d'Aveyron est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 27 septembre 2016 de son maire, procédant au retrait du certificat d'urbanisme positif du 8 août 2016 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. E....
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Villeneuve d'Aveyron qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. E... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susvisées de la commune de Villeneuve d'Aveyron.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1701118 du 7 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Villeneuve d'Aveyron présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et à la commune de Villeneuve d'Aveyron.
Copie sera adressée au préfet de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. G... F..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
La présidente,
Evelyne A...
La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00377